Le 26 février dernier, Kazuyoshi Miura a eu 54 ans, soit deux ans de plus que l’âge de Johan Cruyff lorsque celui-ci a stoppé sa carrière… d’entraîneur. Pourtant, « Kazu » n’est pas décidé à s’arrêter, puisqu’il a vient de signer pour une saison supplémentaire au Suzuka Point Getters, en D4 Japonaise ! Retour sur la carrière hors du commun du plus vieux joueur professionnel de l’histoire.
Au nom du père
L'histoire entre Kazuyoshi Miura et le football remonte à l'année 1973. Alors qu'il est tout juste âgé de 6 ans, le petit "Kazu" est conduit par son père à l'entraînement du Jonai FC, club dirigé par son oncle. Montrant très vite des aptitudes pour le football, le jeune Miura éveille l'intérêt de son paternel qui rêve désormais de voir son fils devenir le premier grand joueur de football asiatique. Pour y parvenir, il impose au jeune Miura des entraînements intensifs puis l’emmène avec lui pour vivre au Brésil. Malgré la barrière de la langue, le jeune Kazuyoshi s’accroche et intègre à l’âge de 15 ans le centre de formation du CA Juventus, un club de São Paulo. Au Japon, Miura devient dès lors une véritable star, ses compatriotes voyant en lui l'héritier d'un autre jeune joueur japonais arrivé au Brésil sept ans avant lui : Musachi Mizushima.
Mizushima, Miura et Tsubasa...
Repéré par le roi Pelé en personne à l’âge de 10 ans lors d’un voyage au Japon, Mizushima s’était envolé pour le pays du football dès 1975 et avait rejoint le FC São Paulo . Au Japon, cette histoire avait fait grand bruit à tel point que, TV Asahi, le principal diffuseur du pays avait fait de Mizushima une véritable vedette de ses programmes. Entraînement, matchs, réussites, échecs : rien n'échappait aux caméras de TV Asahi pour le plus grand bonheur des téléspectateurs japonais, passionnés par l'aventure de ce jeune surdoué du ballon rond. L'engouement est tel qu'en 1980, à des milliers de kilomètres du Brésil, l’histoire de Mizushima donne des idées à un jeune mangaka japonais de 20 ans : Yõichi Takahashi. Celui-ci a pour projet d’écrire son premier manga et a décidé que le football en serait le sujet principal. Pour son héros, Takahashi s’inspire de Mizushima et crée ainsi le personnage de Tsubasa Õzora, un jeune joueur japonais exceptionnellement doué qui rêve de porter le Japon vers le titre de champion du monde. Son manga, Captain Tsubasa, (Olive et Tom pour la version française) connaîtra un succès tel que, aujourd’hui, le nom d’Olivier Atton (ou Tsubasa Õzora) est bien plus connu à travers le monde que celui de Musachi Mizushima.
Pour autant, si Mizushima est la source d’inspiration principale pour le personnage de Tsubasa, Takahashi continue de s’intéresser au football et suit de très près l’évolution de la carrière de Kazu Miura, le successeur de Mizushima. Et cette carrière est sur la bonne voie. Au Brésil, Miura parvient à faire ses débuts professionnels en 1986 avec São Paulo avant d’enchaîner les clubs jusqu’en 1990, date de son retour au Japon. S’il ne s’est pas imposé sur la durée au Brésil, Miura y a laissé une très bonne image et a su développer des capacités techniques typiquement brésiliennes. Impressionné par le développement de son compatriote, Takhashi va s’en inspirer pour développer son personnage de Tsubasa : « Même si je me suis surtout inspiré de Kempes et Maradona pour les actions fantasques, je voulais vraiment que le personnage ait beaucoup de similitudes avec Kazu Miura » explique-t-il.
Kazu l'italien
A son retour au Japon, Kazu Miura devient rapidement le footballeur numéro 1 du « Pays du Soleil Levant ». Alors que la carrière de son prédécesseur au Brésil Mizushima n’avait jamais décollé, Miura, lui, devient une véritable légende. Attaquant vif et excellent dribbleur, il enchaîne les records et les titres au pays, devenant une icone nationale. Deuxième meilleur buteur de l’histoire de la sélection japonaise, il remporte quatre championnats du Japon consécutivement avec le Verdy Kawasaki entre 1991 et 1994, date de son départ pour l'Europe. Au sommet de son art, il mène la sélection japonaise à sa première victoire finale en Coupe d'Asie en 1992, s'imposant d'ores et déjà comme l'un des tous meilleurs footballeurs de l'histoire du pays. Avec le temps, la répétition des exploits de Kazu parvient aux oreilles des recruteurs européens et, en 1994, Miura fait le grand saut : direction le Genoa en Série A italienne ! Là-bas, l'adaptation est difficile mais la star japonaise s'accroche et parvient à se faire une place dans l'effectif. Devenu le premier joueur japonais de l'histoire de la Série A, il entre dans l'histoire du club en inscrivant but de la victoire lors du derby de Gênes face à la Sampdoria. Chouchou des supporters génois, il ne reste cependant qu'un en Italie avant de retourner au Japon avec un il revient un objectif clair en tête : se concentrer sur la sélection afin de qualifier le Japon pour la Coupe du Monde en France en 1998.
L'affront de 1998
Pour atteindre son but ultime, Miura met les petits plats dans les grands. En 1997, il inscrit 18 buts en 19 sélections et est l'artisan majeur de la qualification du Japon pour la première Coupe du Monde de son histoire. Toutefois, à la fin de l'année 1997, Shu Kamo, le sélectionneur en place depuis 1994 qui avait fait de Miura le leader d'attaque de la sélection nippone est remplacé par Takeshi Okada. Pour ce dernier, Kazu n'est qu'un "brésilien excentrique" qui n'a pas sa place en équipe nationale. A l'été 1998, c'est donc de chez lui que Miura regarde ses coéquipiers perdre leurs trois rencontres pour le premier Mondial de leur histoire. Cet affront marquera un tournant dans l'histoire entre Miura et la sélection japonaise. En 2000, à 33 ans, l'idole du pays prend sa retraite internationale... mais pour la retraite tout court, il faudra attendre !
Le plus vieux footballeur professionnel de l'histoire
Absolument pas décidé à raccrocher les crampons, Miura poursuit sa carrière en D1 Japonaise jusqu’en 2005, année où il signe au Yokohama FC en deuxième division. C'est le début d'une histoire d'amour qui va durer quinze ans. Repoussant chaque saison les limites du temps, il devient en 2017 le plus vieux buteur de l’histoire du football et connaît la joie de la remontée en D1 en 2020. Cette année-là, il devient même le footballeur le plus âgé à disputer un match professionnel, effaçant ainsi Stanley Matthews des tablettes. Toutefois, Kazu joue de moins en moins, ne disputant qu'une seule petite minute en 2021. Bien décidé à retrouver du temps de jeu, le vétéran vient d'annoncer sa signature du côté des Suzuka Point Getters en quatrième division japonaise. Qu'on se le dise, à bientôt 55 ans, King Kazu court toujours !
Comments