Mardi soir, Villarreal a réussi l'exploit de sortir l'ogre munichois pour se qualifier pour les demi-finales de Ligue des Champions. Un exploit considérable que le "Sous Marin Jaune" avait déjà réalisé il y a plus de quinze ans. Retour sur une folle épopée.
Diego y Juan Román
Diego Forlan et Juan Román Riquelme. La simple évocation de ces deux noms fait encore frémir de bonheur les supporters d'El Madrigal, antre mythique de Villareal. En fermant les yeux, les socios du "Sous Marin Jaune" se remémorent ces trois saisons de bonheur qui ont constitué les plus belles de l'histoire du club. Ils revoient cette démonstration face au Barça lors de la saison 2004-2005, match au cours duquel le duo avait fait exploser la défense catalane (3-0, doublé de Forlan, deux passes décisives pour Riquelme). Avec Riquelme, les "Groguets" possédaient dans leur rang l'ultime représentant des grands numéros 10 à l'ancienne. Spécialiste des coups francs, dribbleur hors pair, mais surtout passeur de génie Riquelme fait probablement partie des joueurs les plus élégants à avoir foulé les pelouses au XXIème siècle. Dès son arrivée en provenance du Barça en 2003, celui qui "voit le jeu avec trois temps d'avance" d'après son entraîneur Manuel Pellegrini se voit confier la responsabilité du jeu de sa nouvelle équipe, tache dont il s'acquittera à merveille. Toutefois, si le meneur de jeu argentin est tant à son aise en Espagne, c'est aussi parce qu'il a trouvé un partenaire d'attaque aussi fin techniquement que lui. Véritable "fuoriclasse" comme diraient les Italiens, Diego Forlan est le symbole du retour au premier plan du football uruguayen à partir de la seconde moitié des années 2000. Attaquant à l'intelligence de jeu hors du commun, le buteur passé par Manchester United est le complément parfait pour le meneur de jeu argentin. Aussi à l'aise dans les petits espaces que dans la profondeur, Forlan sait profiter des caviars distribués par son coéquipier. En 2004-2005, pour leur première saison en commun, les deux magiciens éclaboussent la Liga de leur talent : Forlan termine meilleur buteur avec 25 réalisations (il gagnera le Soulier d'Or en fin d'année) tandis que Riquelme score à 15 reprises et délivre 12 caviars. Porté par son duo de génie, le club de la province de Castellón se qualifie en Ligue des Champions pour la première fois de son existence. L'histoire est en marche.
Le Sous-Marin devenu insubmersible
Pour ses débuts dans la plus belle des compétitions européennes après avoir éliminé Everton en tour préliminaire, Villarreal hérite d'un groupe à sa portée avec Benfica, Manchester United et le LOSC. Si la place de leader semble dévolue aux Red Devils, les hommes de Pellegrini peuvent logiquement viser la deuxième place de leur groupe. Pourtant, les premiers matchs sont difficiles. Privés de Riquelme face à Manchester United, ils concèdent le nul à domicile (0-0) avant d'enchaîner sur le même score à Lille malgré le retour du meneur de jeu argentin. Plus inquiétant encore, les Espagnols concèdent un troisième match nul à domicile face à Benfica, dans une rencontre qui aurait pu tourner à l'avantage des lisboètes. Englué en milieu de tableau en Liga avec un Forlan qui peine à retrouver son efficacité, le "Sous Marin Jaune" semble avoir bien du mal à digérer sa saison précédente exceptionnelle. Peu convaincant mais invaincu, Villarreal s'offre un véritable bol d'air en arrachant une victoire en fin de match à Lisbonne lors de la 4ème journée de la phase de poules (0-1), puis, en obtenant le point du nul sur la pelouse d'un Manchester United en crise (0-0). Si la flamboyance de l'année précédente n'est plus, Villarreal a gagné en solidité : avec un seul but encaissé en cinq rencontres, le Sous Marin est devenu insubmersible. Admirables de maîtrise défensive grâce notamment à l'ancien défenseur du PSG Juan Pablo Sorin, les coéquipiers de Riquelme terminent le travail en s'imposant face à Lille lors de la dernière rencontre. Invaincus en six rencontres, les hommes de Pellegrini terminent en tête d'un groupe qui voit Manchester United finir bon dernier ! Ce ne sera pas la dernière des surprises de cette Ligue des Champions...
Duel de "bleus"
Pour les 1/8ème de finale de la compétition, c'est une confrontation "piège" qui attend la bande à Riquelme. Opposés aux Glasgow Rangers, sortis des poules pour la première fois depuis leur intronisation en 1992, les Espagnols font figure de favoris. Privés de leur meneur de jeu argentin depuis plusieurs semaines, ils récupèrent leur stratège juste avant la phase à l'aller, disputée dans le mythique Ibrox Stadium de Glasgow. Dominateurs et portés par un Riquelme de gala (un but et une passe décisive), les joueurs de Pellegrini décrochent un bon match nul (2-2), la règle du but à l'extérieur les mettant en bonne posture avant le match retour au Madrigal. Avec un allant offensif retrouvé, Forlan et compagnie espèrent peut-être une rencontre facile pour cette deuxième confrontation. Grave erreur. Acculés dès les premières minutes, ils concèdent l'ouverture du score à la 12ème minute. Sans paniquer, les "Groguets" laissent passer l'orage et égalisent grâce à leur capitaine Arruabuarrena peu après la mi-temps. Le score ne bougera plus, Villarreal est en 1/4 de finale de la Ligue des Champions.
Enfer à San Siro
Les plus belles histoires naissent dans les situations les plus désespérées. Voilà comment l'on pourrait résumer la qualification de Villarreal face à l'Inter Milan en 1/4 de finale de la Ligue des Champions 2005-2006. Toujours aussi transparent en championnat, le Petit Poucet de la compétition tombe sur l'ogre milanais, vainqueur de la compétition à deux reprises en 1964 et 1965, et habitué des grands rendez-vous. Dans une saison où seul Riquelme surnage, le match aller à San Siro s'annonce infernal. Il le sera. Après une ouverture du score d'un Forlan légèrement retrouvé dès la première minute, les Espagnols vont passer 89 minutes à subir les assauts intéristes. Sur le couloir gauche, la défense est totalement débordée par un duo Zanetti-Stankovic des grands soirs. Les occasions s'accumulent sur le but de Viera, le portier uruguayen de l'équipe, et, dès la 7ème minute, le bulldozer Adriano trouve l'égalisation. Dès lors, la rencontre n'est plus qu'un attaque-défense et il faut un Viera des grands soirs pour empêcher le "Sous Marin Jaune" de couler. A l'arrivée, malgré le deuxième but inscrit par l'Inter en fin de match, cette défaite apparaît comme bonne à prendre pour le Petit Poucet : après 90 minutes en Enfer, il est toujours vivant avant le match retour au Madrigal.
Dans l'histoire
A Villareal, le 4 avril 2006 reste gravé à jamais comme le jour où le club s'est définitivement fait un nom sur la planète football. Considéré jusqu'alors comme un Petit Poucet, une anomalie, le club va ce jour-là prouver que sa place en 1/4 de finale de la Ligue des Champions n'a rien d'un miracle. Beaucoup plus entreprenants qu'à l'aller, les hommes de Pellegrini vont dominer l'Inter de la tête et des épaules lors de ce match retour. Et comme d'habitude, si Villarreal va bien cela signifie que Riquelme va bien aussi. Dans un grand soir, l'Argentin réussit absolument tout et rend chèvre la défense intériste. Par ses passes, ses dribbles, ses frappes, c'est lui qui est à l'origine de toutes les attaques de son équipe. Et c'est bien entendu de lui que va venir le but de la qualification. Après avoir obtenu un énième coup franc aux 30 mètres, le maître à jouer dépose une merveille de coup-franc sur la tête d'Arruabuarrena, l'autre grand bonhomme de ce parcours européen. Toldo est battu, l'Inter ne reviendra plus. A Villarreal, la ville s'embrase et la presse locale aussi : au lendemain de la victoire, le journal du coin attribue la note de 10/10 à l'ensemble des joueurs ! Euphorique, le président du club déclare quant à lui : "Des soirs comme celui-là, j'en redemande. C'est le jour le plus important dans la vie du club de Villarreal."
Les Invicibles contre les Insubmersibles
S'autorisant désormais les rêves les plus fous, Villarreal est désormais à un pas du Stade de France, où se déroulera la grande finale de la compétition. Dernier obstacle, l'Arsenal d'Arsène Wenger qui vient de franchir enfin le cap des 1/4 de finale de la plus prestigieuse des compétitions. Invincibles en championnat en 2003-2004, les Gunners avaient jusqu'ici toujours buté en Coupe d'Europe. Annoncés ultra-favoris, les Anglais se méfient tout de même avant d'affronter une équipe qui leur ressemble beaucoup comme l'explique Robert Pirès :
"Cette équipe nous ressemble. Elle est solide défensivement et possède des joueurs vraiment très doués au milieu. Arsenal va avoir l'impression de jouer contre lui-même." R. Pirès avant la rencontre.
Plus qu'excellente, l'analyse de Pirès est pratiquement prophétique. Dans un match aller fermé, Arsenal va finalement gagner... à la Villarreal ! Solides défensivement et justes techniquement, les Gunners, qui n'ont plus encaissé le moindre but en Coupe d'Europe depuis plus de 800 minutes, s'imposent 1-0 grâce à un but sur corner de Kolo Touré. Forts de leur avance, ils tiendront le 0-0 au retour dans un scénario cruel pour Villarreal : dominateurs, les Espagnols auront une occasion en or d'arracher les prolongations à la toute fin du temps réglementaire mais Riquelme verra son pénalty repoussé par Lehmann. Loin d'être rancuniers, les supporters de Villarreal ne manqueront pas de témoigner de leur soutien à leur idole dans les semaines qui suivront la rencontre. Avec des joueurs comme Riquelme, le football est romantique, même dans la défaite.
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