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Les 50 qui ont marqué la Coupe du Monde : El-Hadji Diouf

S'il n'a pas eu la carrière que son talent méritait, El-Hadji Diouf fut l'homme fort de la surprenante sélection sénégalaise qui atteignit les 1/4 de finale de la Coupe du Monde 2002. Portrait d'une icone du football africain.


El-Hadji Diouf contre la France à la Coupe du Monde 2002. Image : FIFA.com


« Si c’est comme ça, je me casse ! »


En ce dimanche 26 mai 2002, la sélection sénégalaise et son staff se réveillent de mauvaise humeur, la tête embrumée après une nuit passée dans un hôtel exécrable. Situé à Daeghu en Corée du Sud, l’établissement avait été choisi par la Fédération Sénégalaise pour accueillir les Lions de la Teranga durant toute la durée du Mondial mais, dès leur arrivée sur place, les hommes du sélectionneur Bruno Metsu s’étaient rendus compte de l’état catastrophique de leur nouveau camp de base. Eau des douches s’évacuant dans le sol, décor faisant penser à « un hôpital psychiatrique » pour reprendre les mots du milieu Salif Diao, le constat est unanime : impossible de rester ici durant toute la compétition. Dès le lendemain, tout le monde se lève à l’aube pour procéder à un déménagement vers un logement plus décent, une situation loin d’être idéale pour un groupe qui aurait préféré être à l’entraînement. Pour Metsu, ce contretemps est on ne peut plus irritant, d’autant plus qu’il est aggravé par le retard d’une demi-heure de l’un de ces joueurs : El-Hadji Diouf, l’attaquant du RC Lens. Déjà passablement énervé par la situation, Metsu s’en prend à son jeune ailier gauche de 21 ans, au même titre que plusieurs de ses coéquipiers. Réponse de l’intéressé ? « Si c’est comme ça je me casse ! ». Comme souvent avec Diouf, la tension retombera rapidement et le feu follet lensois prendra part à la séance d’entraînement de l’après-midi, les yeux déjà rivés vers le premier match de la compétition cinq jours plus tard face à l’équipe de France.


« Comment un coq pourrait manger un lion ? »


Qualifié lors de l’ultime journée des qualifications de la zone Afrique à la faveur d’un match nul entre l’Algérie et l’Egypte, le Sénégal, qui dispute là sa première Coupe du Monde, fait office de petit Poucet dans ce Mondial 2002 qui s’apprête à débuter. Tombés dans le groupe de l’Uruguay, la France et le Danemark, les Lions de la Teranga sont annoncés bon dernier d’un groupe que les français champions du monde en titre devraient dominer. Possédant dans leurs rangs les meilleurs buteurs de Premier League (Thierry Henry), Série A (David Trézéguet) et Ligue 1 (Djibril Cissé), les Bleus sont censés se servir de ce match contre le Sénégal pour lancer tranquillement leur compétition. Sûrs de leurs forces, les hommes de Roger Lemerre ne prennent pas la peine de venir s’entraîner sur la pelouse du stade de Séoul où se disputera la rencontre, un geste interprété comme un excès de confiance par les Sénégalais. Car, si du côté français on aborde le match avec une certaine assurance, chez les Lions de la Teranga, la motivation est à son paroxysme. Avant la rencontre, Metsu diffuse tous les buts marqués par son équipe depuis deux ans ainsi que tous les buts encaissés par les Bleus. Presque « en transe », pour reprendre les mots du défenseur Alassane Ndour, les coéquipiers du capitaine Aliou Cissé se sentent capables de créer l’exploit. Dans le vestiaire, Diouf, malgré son jeune âge, y va lui aussi de sa petite phrase destinée à motiver les siens. Avec un sens de la formule qui ne l’a jamais quitté il assène à ses partenaires que « ce n’est pas un coq qui va manger un lion ! ». Il est près de 20h30 en ce 31 juillet 2002 et le moment est venu pour le Sénégal d’entrer dans l’histoire.


« Notre deuxième indépendance »


Dès l’entame de match, les Lions de la Teranga surprennent des Bleus privés de Zinédine Zidane, blessé. Surmotivés, les hommes du regretté Bruno Metsu mettent beaucoup d’impact et de rythme ce qui déstabilise une équipe de France beaucoup trop statique. Offensivement, les Sénégalais ne sont pas en reste. Rapides et habiles techniquement, ils font souffrir le martyre à l’arrière-garde française. Aligné sur le front de l’attaque, El-Hadji Diouf est dans tous les bons coups. On le voit dézoner, multiplier les appels et surtout provoquer, encore et encore, tant verbalement qu’avec le ballon. Chargé de le marquer, le défenseur français Frank Lebœuf vit un véritable calvaire. Non seulement Diouf le dépose sur chaque accélération mais en plus, il s’amuse à le chambrer. Profitant du fait que les Sénégalais aient logé la veille dans le même hôtel que les femmes des joueurs de l’équipe de France, il raconte à Lebœuf la prétendue nuit agitée qu’il aurait passé avec la femme de ce dernier… A la 30ème minute, c’est cette fois balle aux pieds que Diouf va se jouer de son cerbère. Lancé sur le côté gauche, il échappe au tacle de Lebœuf avant de centrer à ras de terre vers le point de pénalty. A la réception, Manu Petit tacle mais le ballon rebondit sur Fabien Barthez qui tentait de s’en emparer, et arrive dans les pieds de Papa Bouba Diop qui, déjà au sol, pousse le ballon dans le but vide. Sur le banc, le staff sénégalais exulte tandis que les français semblent déconfits. Accrocheurs, courageux et suppléés par des attaquants français dans un mauvais jour, les joueurs de Metsu vont tenir leur exploit sans que leur sélectionneur n’ait recours au moindre remplacement. Il est un peu plus de 22h15 lorsque l’arbitre de la rencontre M. Bujsaim siffle la fin du match. Sénégal 1, France 0, le choc est retentissant et secoue l’ensemble de la planète football. Partout dans le monde, les télés diffusent en boucle les images de la rencontre, donnant une place de choix aux nombreuses accélérations de Diouf. Héros de la rencontre, l’attaquant lensois déclarera plus tard : « Ce jour-là, nous avons connu notre deuxième indépendance. »


Nommé au sein du FIFA 100


Plus que jamais déterminé à marcher dans les traces du Cameroun 1990 et de celui qu’il nomme respectueusement « Monsieur Milla », El-Hadji Diouf ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Au lendemain de ce qu’il considère encore aujourd’hui comme « la plus belle victoire de l’histoire de la Coupe du Monde », celui qui est devenu en un match l’idole de tout un peuple rêve de porter les siens encore plus loin. Face au Danemark (1-1) et à l’Uruguay (3-3), il déboussole à nouveau les défenses adverses de par ses dribbles et ses accélérations dévastatrices. A 21 ans, celui qui est en train de négocier son départ de Lens pour Liverpool s’annonce comme l’un des futurs grands du football mondial. A nouveau époustouflant en 1/8ème face à la Suède – il passe à deux doigts d’inscrire l’un des plus beaux buts de l’histoire du tournoi en mystifiant un défenseur suédois d’un petit pont exceptionnel dans la surface avant de trop croiser sa frappe- Diouf ne peut rien faire pour empêcher les siens de tomber en 1/4 de finale face à la Turquie. Battus sur la plus petite des marges sur un but en or encaissé dès les premières minutes de la prolongation, les Sénégalais tombent avec les honneurs puisqu’ils sont devenus la première nation africaine à atteindre ce niveau de la compétition. Sacré Ballon d’Or Africain pour la deuxième fois de l’année en décembre 2002, Diouf est également nommé au FIFA 100, la liste des 100 meilleurs joueurs de l’histoire dressée par Pelé en 2004 en collaboration avec la FIFA. Ce parcours en Coupe du Monde, ajouté à cette nomination, font de Diouf une véritable légende vivante au Sénégal. Là-bas, on voit en lui un futur Ballon d’Or et on espère qu’il conduira Les Lions de la Teranga au sommet du football mondial. Malheureusement, à 21 ans, El-Hadji Diouf a déjà connu les plus grands moments de sa carrière. Homme de la nuit, il multiplie les frasques : crachats sur les adversaires, conduite en état d’ivresse, comportement violent sur le terrain… A Liverpool, le club qui aurait dû le consacrer parmi les meilleurs joueurs du monde, il se met à dos les vedettes locales que sont Steven Gerrard et Jamie Carragher et ne parvient jamais à s’imposer. La suite de sa carrière se déroulera dans des clubs de milieu de tableau de Premier League et donnera à quiconque l’a observé lors du Mondial 2002 une terrible sensation de gâchis. Avec le Sénégal, Diouf ne retrouvera plus jamais la Coupe du Monde et connaîtra sa dernière sélection en 2008, à seulement 27 ans...

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