Il aura attendu plus de 25 ans avant d’enfin disputer sa première Coupe du Monde. Portrait d’Essam El-Hadary, plus vieux joueur de l’histoire du Mondial et légende du football africain.

De Milla à Mondragon
Depuis les débuts de la Coupe du Monde en 1930, ils sont plusieurs « papys » à avoir marqué l’histoire de la compétition. De Dino Zoff, champion du Monde en 1982 à 40 ans à Miroslav Klose, devenu meilleur buteur de l’histoire du tournoi à plus de 36 ans, le Mondial a montré qu’il ne faisait que peu de cas de l’âge de ses participants : sur le terrain, seul la performance compte. L’un des plus bel exemple de ces « super-papys » du Mondial est bien entendu Roger Milla, plus vieux buteur de l’histoire de la Coupe du Monde du haut de ses 42 printemps en 1994. Cette année-là, l’idole du Cameroun était d’ailleurs devenu le plus vieux joueur de l’histoire du Mondial, une distincition qu’il conservera jusqu’en 2014, année où le portier colombien Faryd Mondragon entrera dans l’histoire en prenant part à la compétition à 43 ans et 3 jours.
Toutefois, il ne suffit pas simplement d’être performant et âgé pour entrer dans la légende de la Coupe du Monde… il faut aussi y participer ! Toujours international suédois, Zlatan Ibrahimovic aurait par exemple pu connaître une nouvelle Coupe du Monde au Qatar à plus de 41 ans mais l’élimination de la Suède l’a privé de cet ultime bonheur. Mais parfois, il arrive que des joueurs attendent en vain toute leur carrière pour participer au plus grand rendez-vous de l’histoire du ballon rond. Ils étirent alors leurs carrières dans l’unique but de décrocher la précieuse qualification. Durant de longues années, le portier égyptien Essam El-Hadary fut l’un d’entre eux. Véritable légende en Afrique, le gardien resté douze ans à Al-Ahly SC (1996-2008) a cumulé les désillusions en sélection avant d’atteindre enfin le Graal en 2018… à plus de 45 ans !
Une légende africaine
Le chemin qui a conduit Essam el-Hadary à devenir le plus vieux joueur de l’histoire de la Coupe du Monde n’a pas été un long fleuve tranquille. Issu d’une famille pauvre d’Egypte, celui qui répète souvent qu’il « est né gardien de but », passe son enfance à jouer au football malgré la désapprobation de son père. A cause du manque de moyens, il garde ses buts à mains nues, comme beaucoup d’autres gardiens de son âge. Repéré par le club de Damiette qui évolue en Première Division Egyptienne, el-Hadary y fait ses débuts à 19 ans, en 1993. Doté d’un fort caractère, le portier parvient à s’imposer avant de réaliser ses deux premiers grands rêves en 1996 : signer à Al Ahly, le grand club égyptien et devenir international. S’il n’est que remplaçant en sélection, barré par Nader El-Sayed, il devient une véritable légende dans le club de ses rêves. Avec Al-Ahly, il remporte notamment à trois reprises la Ligue des Champions Africaines en 2001, 2005 et 2006, année de la consécration pour lui puisqu’il est enfin propulsé numéro un en sélection. Titulaire lors de la CAN organisée au pays, il stoppe trois tirs aux buts en finale face à la Côte d’Ivoire de Didier Drogba et permet ainsi à l’Egypte de remporter la cinquième CAN de l’histoire. A 33 ans, el-Hadary semble au sommet de sa carrière mais il lui reste un dernier rêve à accomplir : participer à la Coupe du Monde. A chaque qualification, le portier y croit dur comme fer mais à chaque fois, la campagne se solde par une désillusion. En effet, si l’Egypte remporte deux nouvelles CAN en 2008 et 2010, elle échoue à se qualifier au Mondial Sud-Africain après une défaite cruelle contre l’Algérie lors d’un match d’appui. El-Hadary s’accroche alors et espère pousser sa carrière jusqu’au Mondial brésilien en 2014 mais ses performances déclinent. En 2013, rétrogradé deuxième gardien de la sélection, il annonce sa retraite nationale. Cette fois, son rêve de Coupe du Monde semble définitivement envolé.
Un retour pour l’histoire
Retiré de la sélection, el-Hadary ne prend pas sa retraite pour autant. Grand fan de Gianluigi Buffon, le portier égyptien prend exemple sur son collègue italien et prolonge le plaisir : Wadi Degla, Ismaily de nouveau Wadi Degla puis Al Taawoun en Arabie Saoudite, el-Hadary écume les clubs mais réussit toujours à s’imposer. En 2016, ses performances de haut niveau convainquent le nouveau sélectionneur Hector Cuper de le rappeler en sélection et même de lui confier le brassard de capitaine. A 43 ans, la légende d’Al-Ahly réalise ainsi l’un des come-back les plus fous de l’histoire du football africain. Lui qui avait tiré un trait sur une participation au Mondial peut de nouveau rêver comme un gosse, d’autant plus que la nouvelle génération est portée par la star de Liverpool Mohamed Salah, l’un des meilleurs attaquants du monde. Le 8 octobre 2017, à la faveur d’une ultime victoire contre le Congo, le rêve devient réalité : vingt-huit ans après sa dernière participation, l’Egypte se qualifie pour la Coupe du Monde. Un moment de bonheur intense pour El-Hadary comme il le racontait à L’Equipe en 2018: « Cette Coupe du Monde, je l’ai attendue vingt-cinq ans. Lorsque Mohamed Salah a marqué le pénalty de la qualification, je suis devenu fou, hystérique. La veille, il s’était préparé à tirer les pénalties … il avait raté les trois. Je suis allé le voir et je lui ai dit que le plus important, c’était de marquer le lendemain. J’étais si content pour lui ! »
Grand frère des Pharaons, el-Hadary est finalement rétrogradé numéro 2 lors de la Coupe du Monde au profit de Mohamed El-Shennawy. Guère brillante, l’Egypte perd ses deux premières rencontres face à l’Uruguay et à la Russie et se retrouvent, de facto, éliminée avant même l’ultime rencontre face à l’Arabie Saoudite. Ce dernier match sans enjeu sportif sera néanmoins un match pour l’histoire. Titularisé à 45 ans et 161 jours, Essam el-Hadary devient officiellement le plus vieux joueur de l’histoire de la Coupe du Monde. Si l’Egypte déçoit de nouveau en s’inclinant 2-1, le légendaire portier qui dispute là l’ultime match de sa carrière stoppe un pénalty, une de ses spécialités. Acclamé par la Volgograd Arena, il tire sa révérence avec la satisfaction d’avoir accompli son ultime rêve, un rêve qui valait bien vingt-cinq années d’attente...
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