top of page

Les 50 qui ont marqué la Coupe du monde : Fritz Walter

Bien qu’il ne soit pas né en 17 à Leidenstadt comme le dit la chanson, Friedrich « Fritz » Walter, le premier Allemand à jamais brandir le trophée de la Coupe du monde, est issu de la génération qui va grandir à l’ombre du nazisme, sera obligée de défendre le régime et aura à souffrir tous les tourments dus à la folie de son Führer. Il ne devra qu’à la chance de ne pas subir le triste sort de millions de ses compatriotes, pour devenir le sportif allemand le plus populaire de tous les temps, à égalité avec son contemporain le boxeur Max Schmelling.


Fritz Walter et la Coupe du Monde. Crédits : Fussballmuseum.

Un pur produit des Roten Teufel


Walter est né en 1920 à Kaiserslautern, en Rhénanie-Palatinat, à l’ouest du pays. Il débute donc le football à l’âge de 7 ans dans le club local, dont les joueurs sont surnommés Die Roten Teufel, les Diables rouges. Après être passé par toutes les catégories du club, il fait ses débuts en équipe première à même pas 18 ans, malgré une constitution physique assez frêle et l’opposition du médecin du club. Il devient en quelques matchs le taulier de l’équipe, inscrivant en seulement 24 journées 59 des 114 buts des Roten Teufel, performance qui fait remonter Kaiserslautern au 1er niveau national. La 1e saison en Gauliga (1939-1940) est un triomphe pour le jeune homme. Perturbée comme on l’imagine, elle qualifie le 1.FC K en phase finale du championnat national mais surtout elle voit la 1e sélection de Fritz en équipe nationale le 14 juillet 1940 contre la Roumanie, alors que la France vient d’être écrasée par le Blitzkrieg. Ses débuts sont fracassants : il inscrit 3 des 9 buts de la victoire de la Mannschaft.


Miracle en Roumanie


Incorporé dans la Wehrmacht en décembre 1940, le jeune Fritz reste d’abord à Kaiserslautern, pour lequel il continue donc à jouer jusqu’en 1943, date à laquelle il est affecté à Diedenhofen, le nom germanisé de Thionville, en Moselle annexée, et dont il porte les couleurs durant trois mois en Gauliga Wetmark… contre son ancien club. Il est alors affecté dans la Luftwaffe (malgré sa peur de l’avion ! ) à Hambourg à la demande de l’as Hermann Graf, qui l’incorpore dans son équipe des Rote jäger, équipe de football formée de joueurs d’élite mutés dans cette unité loin du front pour les protéger des combats. Il totalise 24 sélections pour 19 buts en 1942 lorsque les activités de la Mannschaft sont interrompues par la situation catastrophique sur le Front est. Mais même ainsi préservé, Walter est capturé par les Américains à Prague le 8 mai 1945, sans avoir tiré un coup de feu. Remis aux Soviétiques, il se trouve prisonnier en Roumanie, atteint de la malaria, en partance pour la Sibérie en compagnie de 200 000 de ses compatriotes, où l’attend une mort certaine. C’est là que la chance de sa vie va arriver : après avoir brillamment renvoyé un ballon perdu par ses gardes, il est reconnu par un soldat hongrois qui l’avait vu jouer à Budapest en 1942. Présenté au maréchal Joukov, grand amateur de football, comme un Autrichien incorporé malgré lui dans l’armée allemande, il est libéré un mois plus tard avec son frère Ludwig et rentre chez lui le 28 octobre 45, trois jours avant son 25e anniversaire.


L’âge d’or de Kaiserslautern


L’ère de l’Après-guerre ouvre une période dorée pour les Roten Teufel, pour lesquels Fritz Walter rejoue dès 1946 dans un pays anéanti. Ceux-ci entament une domination sans partage avec 9 victoires en 10 saisons en Oberliga Sud-Ouest de 1948 à 1957, plus 2 titres de champion d’Allemagne (1951 et 1953) et une coupe nationale (1954), menés par leur capitaine emblématique qui remporte le titre de meilleur buteur en 1953. Walter retrouve, à 30 ans, sa place en équipe nationale le 15 avril 1951 pour le 2e match de l’Après-guerre et marque dès son retour. C’est désormais le seul joueur allemand à avoir porté le maillot du Reich puis de la RFA, depuis que Andreas Kupfer, capitaine contre la Suisse le 22 novembre 1950, a pris sa retraite internationale. Avec ses coéquipiers en club Ottmar Walter (son frère), Werner Kohlmeyer, Werner Liebrich et Horst Eckel, la Mannschaft dont il est désormais le capitaine est à dominante Roten Teufel. Mais Fritz Walter n'est pas seulement le capitaine de cette équipe, il en est aussi la tête pensante, le bras droit de l'entraîneur Herberger, qu'il appellera toujours respectueusement « chef ».


L’apogée de 1954


À la surprise générale, la RFA devient championne du monde en battant en finale la grande Hongrie de Puskás, Kocsis, Czibor, Bozsik, Hidegkuti et compagnie. Le 4 juillet 1954, à Berne, la finale oppose les Allemands aux Hongrois, déjà vainqueurs en poule 8-3 contre une équipe de coiffeurs. Mais la chance est du côté de ces derniers. Puskás, blessé par le rugueux Liebrich en poules, encore incertain deux jours avant, fait son retour mais n’est pas à 100 %. La météo est exécrable : après un début de journée ensoleillé, il pleut des cordes, le terrain est gorgé d’eau, les spectateurs sont trempés dans ce stade où les 90 % des places sont debout et découvertes et le ciel est plombé. Les fameuses Adidas à crampons vissés d’Adi Dassler vont pouvoir faire des merveilles sur un terrain aussi glissant. L’avantage de ce côté est donc du côté des Allemands, à commencer par leur capitaine Fritz Walter, qui depuis sa malaria contractée pendant la guerre, ne supporte pas la chaleur. Herberger le sait. La veille de la finale, il a affirmé à un journaliste hongrois qui lui demandait s'il croyait vraiment que son équipe avait une chance que "s’il pleuvait lors de la finale, les Allemands seraient champions du monde". La victoire finale 3-2 contre des adversaires invaincus depuis 4 ans est l’une des plus grandes surprises de l’Histoire de la Coupe du monde. Herberger a réussi l’exploit de souder un groupe d' « amis » unis dans la victoire comme dans la défaite. Il a réussi à inculquer à ses joueurs, tous amateurs, tous anciens soldats, la plupart anciens prisonniers de guerre, les valeurs de destin, de sacrifice, de combat et d’héroïsme. C’est tout un pays brisé qui se remet à avoir foi en l’avenir et à être fier. En tant que capitaine, Fritz Walter restera à jamais comme le premier Allemand à brandir le trophée de la Coupe du monde, au cours de laquelle il a inscrit 3 buts. Certains historiens n’hésitent pas à le décrire comme l’Un des deux pères fondateurs de la RFA, avec Konrad Adenauer.


Une fin de carrière en pente douce


Le titre de 1954 est le sommet de la carrière de Fritz Walter. Mais malgré ses 33 ans, il restera fidèle toute sa vie à son club formateur, au top niveau national, et n’en a pas fini avec sa carrière et les honneurs. Il annonce sa retraite internationale le 21 novembre 1956 au soir de sa 54e sélection, un match amical à Francfort remporté par la Suisse 3 buts à 1, après une longue période de défaites (8 en 9 rencontres depuis le Miracle de Berne). Mais il finira par être rappelé par Herberger trois mois avant l’édition 1958, à 37 ans, non sans avoir perdu son brassard de capitaine au profit de son complice Hans Schäfer. Il se retirera définitivement après la 1/2 finale perdue contre le pays hôte, la Suède, à 37 ans et après 61 sélections et pas moins de 33 buts. Il raccrochera les crampons l’année suivante, après avoir joué durant 20 ans pour son club de toujours, le FC Kaiserslautern, pour lequel il aura disputé 379 matchs et marqué 306 buts. Fort du diplôme en comptabilité obtenu au centre de formation du 1.FC K avant-guerre, il travaillera pour Adidas et gérera une salle de cinéma et une laverie. Il s’éteindra en 2002 à 81 ans, juste après le décès de sa femme Italia Bortoluzzi-Walter, qui est considérée comme le premier « agent de joueur » en Allemagne : elle lui fit refuser plusieurs offres venant( de l'étranger, notamment de Nancy ou encore de l'Atlético Madrid, qui lui proposait 500 000 Marks sur deux ans. Hommage ultime : le Fritz-Walter-Stadion de Kaiserslautern est le seul stade de plus de 30 000 places (il y en a 29) à porter le nom d'un ancien joueur...


Frédérik Légat


L'auteur : Spécialiste des enjeux géopolitiques du football, Frédérik Légat est l'auteur du tout récent "Géopolitique du football. 1900 - 1939" paru chez Bibliomonde cette année. On lui doit également les excellents "Destins Maudits du Football" (Spinelle, 2020) ainsi que "Les plus grands exploits de la Coupe du Monde" (Spinelle, 2021)



130 vues0 commentaire

Comments


Ancre 1
bottom of page