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Les 50 qui ont marqué la Coupe du Monde : Gordon Banks

Souvent réduit à son "arrêt du siècle" face à Pelé en 1966, Gordon Banks fut en réalité l'un des plus grands gardiens de l'histoire du football. Retour sur le parcours d'un homme dont le talent n'égalait que sa simplicité.



Gordon Banks. Sofoot.com

Le gamin de l’usine de charbon


Sheffield, 1952. En ce dimanche d’automne 1952, c’est jour de match pour les ouvriers de l’équipe de Millspaugh, un onze formé des employés de l’aciérie de la ville. Dans le camp d’en face, les Sheffield Schoolboys sont prêts à en découdre, d’autant plus qu’ils viennent d’apprendre que le gardien adverse a fait faux bond. A Millspaugh, l’entraîneur se creuse la tête : qui doit-il faire jouer dans les buts ? Soudain, un des jeunes de l’équipe reconnaît un drôle de gaillard dans le public venu assister à la rencontre. Vêtu de son pantalon d’usine, il a tout juste 15 ans mais a déjà quitté l’école pour devenir ensacheur de charbons, un travail physique qui consiste à remplir les grands sacs de charbons destinés à la vente. Ce gaillard, « c’est Gordon Banks. » explique le jeune de Millspaugh. « Je le connais, il était à mon école, c’est un très bon gardien ». N’ayant pas d’autre solution, l’entraîneur propose donc au jeune Gordon de jouer dans les cages, malgré le fait que celui-ci n’ait pas d’autres habits que ses vêtements recouverts de poussière de charbon. Banks accepte et gagne ce jour-là sa place dans les cages de Millspaugh en écœurant les attaquants adverses. Nul ne le sait encore, mais ce gamin de quinze ans s’apprête à devenir le plus grand gardien que l’Angleterre n’ait jamais connue.


« Banks of England »


Quatorze ans après ces débuts près de l’aciérie de Sheffield, la vie de Gordon Banks a bien changé. Le longiligne gardien de but a délaissé les sacs de charbon pour devenir celui que tout le monde surnomme « Banks of England », LE gardien intouchable de la sélection anglaise. Le personnage lui, est resté fondamentalement le même. Tout en sobriété dans la vie comme sur le terrain, Banks est devenu le gardien de Leicester City, modeste club de Premier League dans lequel il ne gagne pas de trophées mais se sent tout simplement à son aise. En 1966, lorsque la Coupe du Monde arrive en Angleterre, Gordon Banks a 29 ans et est le portier de la sélection depuis trois ans déjà. Protégé par une charnière centrale composée de Bobby Moore et Jack Charlton, il est à la tête de la défense la plus solide du tournoi : il faudra attendre la demi-finale de la compétition pour que le gardien de Leicester s’avoue enfin vaincu… sur un pénalty d’Eusébio ! Encore excellent en finale face à l’Allemagne (victoire 4-2), il entre, au même titre que ses coéquipiers dans la légende du football britannique, devenant dès lors une icône absolue jusqu’à la fin de ses jours. Son entrée dans la légende du football mondial, elle, interviendra quatre ans plus tard.


L’arrêt du siècle


En 1970, Gordon Banks est toujours aussi intouchable dans les buts de l’Angleterre mais a changé de club. En 1967, il a en effet quitté Leicester City, qui l’a poussé dehors pour faire de la place à son futur successeur en sélection Peter Shilton, et a rejoint Stoke City, club du même acabit. Parti de Leicester avec une simple Coupe de la Ligue glanée en 1964 dans sa besace, Banks n’a pas un palmarès à la hauteur de son talent et ce n’est certainement pas du côté de Stoke qu’il va remédier à cela. Mais pour lui, peu importe, il se sent bien à Stoke où il exerce le métier de ses rêves et n’en demande pas plus. Il dira plus tard« Je pense que beaucoup de gens entrent dans la profession sans connaître les difficultés. Quand toutes ces belles choses luxueuses arrivent, ils ne peuvent pas vraiment les apprécier ». Pourtant, malgré la modestie de ses clubs, Banks est désormais reconnu mondialement depuis le succès de 1966. Entre 1966 et 1972, il est élu six fois consécutivement « Gardien de l’année de la FIFA » à une époque où ses concurrents se nomment Lev Yachine, Dino Zoff ou Sepp Maier, excusez du peu ! Mais, si aujourd’hui encore le nom de Gordon Banks est tant ancré dans la légende du football, c’est bien entendu grâce à son fameux arrêt face à Pelé lors du Mondial 1970. Cette parade, considérée comme « l’arrêt du siècle », a été réalisée lors de la deuxième rencontre de la phase de poules qui opposait le Brésil à l’Angleterre. On joue la 10ème minute lorsque Carlos Alberto lance Jairzinho qui dépose son vis à vis, centre et trouve Pelé, qui, après une détente parfaite, envoie une tête splendide qui rebondit avant de frôler le montant droit pour entrer dans les filets anglais. Entrer dans les filets ? Non ! Car Gordon Banks, pourtant presque à l’opposé de son but, parvient à se détendre et à sortir la balle au dessus de son but après le rebond d’une espèce de manchette invraisemblable. Réaction de Pelé à l’issue de la rencontre ? « J’ai marqué un but mais Banks l’a arrêté ». Adoubé par le Roi en personne, le gardien britannique vient d’entrer dans l’histoire.


Les malheurs de Gordon


S’il fallait choisir dix des images les plus marquantes de l’histoire du football, l’arrêt de Banks face à Pelé en ferait certainement partie, entouré dans cette liste par la Main de Dieu de Maradona ou la reprise de volée de Zinédine Zidane en finale de la Ligue des Champions 2002. Il est d’ailleurs assez amusant de constater que cet arrêt hors-norme ait été réalisé par l’un des gardiens les plus sobres de son époque. Avec Banks, pas de fioritures, pas de costumes noirs à la Yachine mais une recherche constante d’efficacité et de simplicité. Derrière cet exploit qui le fit entrer directement dans les plus grandes légendes de l’histoire du ballon rond, Banks connut en revanche plusieurs désagréments. Tout d’abord, lors de ce Mondial mexicain de 1970, une indigestion l’empêcha de tenir sa place en 1/4 de finale. Son remplaçant Peter Bonetti se rendit coupable d’une hésitation fatale qui entraîna l’élimination de l’Angleterre face à la R.F.A. (3-2 après prolongations après que les Anglais aient mené 2-0). Deux ans plus tard, alors qu’il venait encore d’être élu gardien de l’année, c’est un accident de voiture qui stoppa net Gordon Banks dans son élan. Touché au visage, il perd la quasi-totalité de l’usage de son œil droit et est contraint de mettre un terme à sa carrière à 35 ans. Après une dernière pige américaine qui le fait sortir de sa retraite en 1978 (où il est élu meilleur gardien du championnat malgré son œil en moins!), Banks se lance dans une courte carrière d’entraîneur. Son après-carrière sera d’ailleurs difficile, ses différentes entreprises ne rencontrant guère le succès. Mais qu’importe, héros national jusqu’à la fin de sa vie en 2019, Gordon Banks garda jusqu’au bout une simplicité désarmante au vue de ce qu’il était réellement : une légende du football.

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