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Les 50 qui ont marqué la Coupe du monde : Josef Masopust

Josef Masopust, Ballon d’or 1962, est le moins connu du grand public parmi les lauréats du prestigieux trophée. Celui-ci vient récompenser une magnifique performance lors de la Coupe du monde au Chili. Mais ce qu’on sait encore moins, c’est que ce splendide joueur se double d’un citoyen modèle de l’ex-Tchécoslovaquie. Un destin exemplaire, dont la réussite sera mise en avant par son pays à des fins de propagande.


Josef Masopust et Pelé lors de la phase de poules de la Coupe du Monde 1962 (0-0 entre le Brésil et la Tchécoslovaquie). The New York Times

Le début de carrière d’un citoyen-modèle


Josef Masopust naît en 1931 à Střimice (Striemitz en allemand), dans la région des Sudètes où vit une forte minorité allemande, à la frontière de la Bohême et de l’Allemagne. Dans une région où les chevalements couronnant les puits de mines de charbon ont poussé comme des champignons, Masopust ne pouvait faire autrement qu’être fils de mineur, et mineur lui-même dès l’âge de 14 ans. C’est tout naturellement qu’il intègre à la fin de la guerre le SK Most, le club de la ville voisine, elle aussi entièrement tournée vers l’exploitation du charbon. Il en franchira tous les échelons, de cadet à l’équipe première. Le destin du pays change en 1948 : les communistes prennent le pouvoir. Immédiatement, le visage du football tchèque se transforme. Le Slavia Prague, trop « bourgeois » est dissout et le Sparta Prague est sévèrement réprimé et disparaît des palmarès. Parmi les premières mesures prises on note la création d’un club nouveau : l’ATK Prague, club de l’armée, pilier de la nouvelle société communiste, que l’on connaît mieux sous son nom définitif : le Dukla Prague.

Le club sera de ce fait le chouchou du régime et va connaître une progression constante, doté du privilège exorbitant d’accueillir chaque joueur de 1.Fotbalová Liga lors de son service militaire, d’une durée de deux ans. L’occasion pour les jeunes sportifs prometteurs du pays de pratiquer leur sport avec un encadrement de qualité durant leur passage sous l’uniforme plutôt que de se retrouver affecté dans une unité opérationnelle ou de surveillance des frontières… Malgré les titres, le club ne bénéficiera jamais du soutien populaire du fait de son appartenance à l’armée. Bien au contraire, il sera le club le plus détesté du pays. Le jeune Josef, après être passé à 18 ans au ZSJ Vodotechna Teplice, la grande ville la plus proche où il découvre la 1.Fotbalová Liga, est déclaré « bon pour le service » en 1952, rejoignant alors, contraint et forcé, l’armée et l’ATK Prague. Il y restera 16 ans. Placé dans des conditions idéales après la dissolution du Slavia Prague, trop « bourgeois » pour le nouveau régime, et la mise hors de danger du Sparta Prague, Masopust et ses coéquipiers vont truster les honneurs nationaux : 8 championnats et 3 coupes de 1952 à 1968 (dont deux doublés). Au niveau européen, il atteindra 3 fois les 1/4 de finale, et une fois la 1/2 finale de la Coupe des Clubs Champions avec son équipe.


Le chef-d’œuvre de 1962


Mais c’est avec l’équipe nationale qu’il atteindra la consécration. S’il obtient sa 1e cape en 1954, il doit attendre 18 mois pour connaître la 2e , à Prague contre le Brésil (0-0). C’est le début d’un long bail quasiment ininterrompu de 62 sélections. Si son premier Mondial en 1958 est anonyme (élimination dès le 1er tour malgré l’humiliation des Argentins 6-1), le suivant sera un triomphe, collectif et personnel. Après une belle année 1960 (3e place lors du tout premier Euro en 1960 en France puis une victoire en Coupe internationale d’Europe centrale), l’édition de la Coupe du monde 1962 au Chili va le révéler aux yeux du monde, qui le connaît encore très peu. Il s’y révélera plus par son sérieux et sa rigueur que par ses buts : il n’en marquera qu’un seul, celui de l’ouverture du score en finale face au Brésil, un remarquable appel en profondeur suivi d'un tir parfaitement ajusté, devant des millions de téléspectateurs. D’un gabarit assez fin (1,74m pour 66kg), plutôt homme de l’ombre que de la lumière, travaillant pour le collectif dans un schéma de jeu plutôt strict où le ballon doit courir plus que les joueurs, Masopust se fond parfaitement dans le moule socialiste qui réprouve tout vedettariat. Patron du milieu, il ne quitte que très rarement son poste pour tenter de marquer. Modèle de sérieux et de rigueur, il est le parfait relais de ses entraîneurs sur la pelouse, à la fois meneur de jeu et d'hommes. Avec une ossature de militaires du Dukla avec Masopust aux commandes, la Tchécoslovaquie s’extrait d’abord d’une « poule de la mort » après une belle victoire sur l’Espagne de Puskás, Gento, Santamaría, Gento et Suárez (1-0) et un nul face au Brésil (0-0). Lors de ce match, il est adoubé par Pelé pour avoir refusé de défendre face à lui après que celui-ci se soit blessé (les remplacements étant interdits à l'époque). La qualification acquise leur permet même le droit à l’erreur face au Mexique (défaite 1-3). Au moins l’ouverture du score par Václav Mašek est remarquable : celui-ci marque à la 16e seconde et restera le buteur le plus rapide de l’Histoire de la compétition jusqu’en 2002. Après s’être débarrassé des camarades et voisins hongrois (1-0) puis de la Yougoslavie (3-1), l’épopée se termine à Santiago face aux Auriverdes (défaite 1-3), malgré l’ouverture du score.


La consécration internationale… et nationale


La performance de Josef Masopust au Chili, où il fait partie du XI type, fait parler dans le monde entier. Il est élu Ballon d’or fin 1962 presque à l’unanimité, avec une avance de 12 points sur Eusébio (65 pts contre 53), obtenant 15 votes dont 9 premières places. Preuve que sa performance dépasse les préférences politiques (il n’y a que 6 pays socialistes parmi les votants). Premier joueur à recevoir une telle distinction de l’autre côté du Rideau de fer, « volé » par le Dukla à son club formateur à 21 ans, Masopust, la vitrine sportive du régime, a tout pour être le héros national idéal. Son village natal de Střimice et celle de Most (Brüx en allemand), son 1er club, dans les Sudètes peuplées d’Allemands jusqu’en 1945, sont un exemple du « dévouement désintéressé » de leurs habitants dans l’intérêt national. Ils sont sur le point d’être entièrement détruits à la dynamite par le régime pour être reconstruits dans un style moderne quelques kilomètres plus loin dans le but de développer les activités minières extensives d'extraction du charbon nécessaires à l’industrie du pays. La promotion de Josef Masopust au rang de héros national est une véritable aubaine pour le régime, qui peut ainsi faire passer en douceur sa propagande en faveur de la destruction d’une ville millénaire de 50 000 habitants pour l’entier bénéfice de l’industrialisation massive du pays… Désormais, Masopust fait partie du gratin mondial. Il est sélectionné à Wembley dans le XI mondial pour le centenaire de la fédération anglaise en 1963 aux côtés des plus grands ; il est appelé en 1965 dans le XI international pour le jubilé de Stanley Matthews aux côtés de Puskás, Di Stéfano et Yachine. Sa retraite internationale est proche. Il connaît sa dernière sélection en mai 1966. Il ne participera pas au Mondial en Angleterre, qui aurait pu être son 3e . Une fin de carrière en pente douce À 37 ans, en juin 1968, ses états de service l’autorisent à partir à l’étranger. Il ne trouve preneur qu’en Belgique, au Royal Crossing Club de Schaerbeek, tout juste promu en D1, où il connaîtra deux années en pente douce dans le ventre mou du championnat. Il devient alors entraîneur. D’abord dans son club de toujours, le Dukla Prague pour 3 ans puis au TJ Zbrojovka Brno, qu’il conduira à son 1er titre de champion en 1980. Le 5 septembre 1984 il s’installe pour la 1e fois sur le banc de la sélection mais échouera à la qualifier pour le Mondial 86 et l’Euro 88, s’expatriant alors en Indonésie. Il s’éteindra le 29 juin 2015 des suites d’une longue maladie, non sans avoir été élu en 2000 par le magazine Gol comme le meilleur footballeur tchèque du XXe siècle devant, excusez du peu, Josef Bican, Ivo Viktor, František Plánička, Pavel Nedved et Antonin Panenka.


Frédérik Légat


L'auteur : Spécialiste des enjeux géopolitiques du football, Frédérik Légat est l'auteur du tout récent "Géopolitique du football. 1900 - 1939" paru chez Bibliomonde cette année. On lui doit également les excellents "Destins Maudits du Football" (Spinelle, 2020) ainsi que "Les plus grands exploits de la Coupe du Monde" (Spinelle, 2021)





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