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Photo du rédacteurFoot Universal

Les 50 qui ont marqué la Coupe du monde : Luis Monti

Seul joueur de l’histoire à avoir disputé deux finales de Coupe du Monde sous deux maillots différents, Luis Monti a également marqué la compétition de par ses nombreuses agressions lors des Mondiaux 1930 et 1934. Portrait d’un milieu de terrain souvent considéré comme l’un des joueurs les plus dangereux de l’histoire.



L’homme aux deux maillots


L’histoire de la Coupe du Monde regorge de records prestigieux : des 13 buts de Just Fontaine en 1958 aux trois titres de Pelé, le Mondial a été le théâtre d’exploits hors du commun qui apparaissent encore inatteignables aujourd’hui. Parmi ces records, celui de Luis Mont est tout à fait particulier : il est le seul homme à avoir disputé deux finales de Coupe du Monde sous deux maillots différents ! Demi-centre (équivalent du milieu défensif) infatigable de l’entre-deux-guerres, Monti, né en 1901 de parents italiens partis émigrer en Argentine, a débuté sa carrière internationale sous le maillot de l’Albiceleste avant de porter celui de la Squadra Azzurra à partir de 1931. Pour comprendre cette trajectoire, il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Dans ces années-là, la quasi-totalité des sélections refusaient de faire appel aux services d’un joueur évoluant à l’étranger. Ainsi, en cédant à l’offre alléchante de la Juventus Turin en 1931 (plus de 10 000 francs par mois, une somme considérable pour l’époque), Monti tournait définitivement le dos à la sélection argentine, à l’image de son compatriote Guillermo Stabile qui avait rejoint le Genoa dès 1930. Toutefois, à cette époque, rien n’interdisait à un joueur de porter le maillot de plusieurs sélections, à partir du moment où le joueur en question était doté d’une double nationalité bien évidemment. Or, à cette époque, de nombreux italiens avaient émigré en Argentine, transmettant à leurs enfants la double nationalité italo-argentine. Ainsi, en revenant sur les terres de leurs parents, bon nombre de joueurs argentins s’ouvraient les portes de la sélection italienne. Outre Monti, on peut évoquer notamment Raimundo Orsi, international argentin entre 1924 et 1928 qui deviendra lui aussi champion du monde avec l’Italie ou encore Enrique Guaita. Ces joueurs, que l’on appellent des « oriundi », renforceront considérablement l’Italie des années 30 et joueront un rôle majeur dans la conquête des titres mondiaux de 1934 et 1938.


Le terroriste du football


Si l’on excepte son record, peu relevé à l’époque, Luis Monti a plus particulièrement marqué son temps par la brutalité de son jeu. Avant de revenir sur ces excès de violence qui le caractérisaient, rendons tout de même justice au brillant footballeur qu’il fut. Solide dans le duel, excellent dans le domaine aérien, parfait organisateur du jeu, Monti avait tout pour être couvert de louanges. Malheureusement, ces qualités s’accompagnaient d’une brutalité telle qu’elle fit dire à l’ancien international français Gabriel Hanot que le demi-centre était « le joueur le plus effrayant parmi tous les footballeurs ayant participé à la Coupe du Monde 1934. » Dresser la liste des faits d’armes de Monti n’est pas une sinécure. En 1930, il est à l’origine d’une des plus fameuses bagarres générales de l’histoire du Mondial. Lors de la rencontre décisive de la phase de poules entre l’Argentine et le Chili, il adresse un coup de pied dans les chevilles et un coup de poing à un joueur chilien avant d’être mis KO par un uppercut d’un adversaire. L’incident provoque un envahissement de terrain des supporters pour un véritable pugilat généralisé ! Pour calmer tout ce beau monde, il faudra attendre l’intervention des pompiers et de leurs lances à eau, arme redoutable pour refroidir les ardeurs des combattants. Quatre ans plus tard, si Monti a changé de maillot, il n’a pas changé de tempérament. Protégé par des arbitres sous pression voire corrompus par le régime fasciste de Mussolini, celui qu’Hanot qualifie de « terroriste » peut laisser libre court à sa dangerosité. En 1/4 de finale face à l’Espagne, il blesse gravement le jeune attaquant de Bilbao José Iraragorri avant de récidiver dès le lendemain pour le match replay avec un véritable attentat sur Eduardo Chacho dès le quart d’heure de jeu. En totale impunité, il poursuit son chemin en demi-finales face à l’Autriche en séchant le génial Matthias Sindelar dès la 5ème minute en pleine surface de réparation. Bilan ? Pas de pénalty, encore moins de carton rouge et le meilleur joueur adverse mis hors d’état de nuire dès les premières minutes du match. Si l’arbitrage de l’Italie au Mondial 1934 est tant resté dans les mémoires, c’est en grande partie parce que Luis Monti n’a jamais été exclu au cours d’une compétition dans laquelle il aura blessé, au bas mot, quatre joueurs adverses.


La guerre médiatique franco-italienne


En France, les exactions de Monti choquent profondément les journalistes dépêchés sur place. Charles Coutelier de Paris-Soir le qualifie « d’homme vraiment dangereux », son collègue Jean Eskenazi de « buffle de la Pampa », Hanot estime qu’il est « l’homme brutal du football italien » et Lucien Gamblin de L’Auto l’accuse de « commettre les fautes les plus laides avec une constance redoutable. » Ces critiques unanimes sont très mal perçues par les journalistes italiens. En plus de prendre la défense de Monti en minimisant ses méfaits, ces derniers s’écharpent régulièrement avec leurs homologues français. Ancien capitaine de l’équipe de France devenu journaliste, Lucien Gamblin se voit asséner par un confrère italien qu’il « n’y connaît rien » tandis qu’un chef de « rubrique d’un grand journal parisien » se fait ouvertement menacer. Personnellement touché par de nombreuses attaques, Gabriel Hanot émet un jugement très sévère sur les jeunes journalistes italiens : « Quant aux jeunes confrères transalpins, qui considèrent toute critique et même toute réserve comme une offense nationale, ils s’en prirent à plusieurs journalistes français avec une violence, une médisance et un désir de nuire que n’excusent ni la jeunesse, ni le patriotisme le plus ardent, ni le manque d’habitude des opinions libres. » Transposant autour du cas Monti des tensions politiques préexistantes entre les deux pays, ce « conflit franco-italien de la presse sportive autour du cas Monti » démontre l’importance prise par la Coupe du Monde d’un point de vue géopolitique dès 1934. Devenue une fierté nationale dans un pays en pleine reconstruction, la sélection italienne est une ambassadrice du pays, un symbole de son renouveau et, aussi brutal soit-il, Monti en est un des plus fiers représentants. De ce fait, pour une partie de la presse italienne, lorsque la presse française s’attaque à Monti, elle s’attaque à la sélection et, par ricochet, à l’Italie toute entière, d’où ces réactions plus que véhémentes. Qui a dit que le football n’était qu’un simple jeu ?

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