Après une enfance passée sous les bombes de Yougoslavie, Luka Modric s'est affirmé comme l'un des plus grands milieux de terrain de l'histoire en remportant cinq Ligue des Champions avec le Real Madrid. Pourtant, c'est bien sa Coupe du Monde 2018 de folie qui fera de lui un Ballon d'Or. Portait du plus bel extérieur du pied du football moderne.
Coup de sifflet final sur la Yougoslavie
Cette fois, c’est fini. Les trois coups de sifflet viennent de mettre fin au rêve d’Ivica Osim. En validant l’ultime arrêt de Goycochea sur la tentative de Faruk Hadzibegic, Monsieur Roethlisberger a envoyé les Argentins au septième ciel. Vainqueurs aux tirs aux buts de la Yougoslavie, les coéquipiers de Maradona verront les demi-finales de la Coupe du Monde 1990. Alors Osim marche lentement, se dirige vers son capitaine Hadzibegic pour tenter de le consoler, en vain bien entendu. Celui que l’on surnomme l’Ours sait-il alors que sa sélection vient de vivre les ultimes minutes de son histoire en Coupe du Monde ? Peut-être pas, mais probablement s’en doute-t-il. Lui, qui rêvait de pouvoir rassembler les Yougoslaves en ramenant le Mondial au pays, a échoué dans sa quête. Celle-ci était de toute façon bien vaine, le football ne fait pas l’Histoire, il la subit.
A peine un an après les larmes d’Osim et Hadzibegic, la Yougoslavie n’existe déjà plus. Le football, sport numéro 1 au pays, a laissé place à une guerre terrible. La Croatie et la Slovénie ont réclamé leur détachement de la Yougoslavie et la Bosnie s’apprête à faire de même. En réponse, l’armée yougoslave, à la botte du Serbe Slobodan Milosevic a déclaré la guerre aux séparatistes. Le conflit est terrible. Des populations civiles sont massacrées et les milice, principalement la milice serbe des Tigres d’Arkan, font régner la terreur. Le matin du 18 décembre 1991, une milice serbe se déplace en voiture dans les montagnes croates du Velebit. Lorsqu’ils aperçoivent un berger au loin, les miliciens s’approchent de l’homme pour lui signifier que le territoire où il se trouve est un territoire serbe. Agé d’une soixantaine d’années, l’homme est insulté, frappé, puis finalement lâchement assassiné par les miliciens. Cet homme s’appelait Luka Modric. Il était le grand-père du Ballon d’Or 2018.
De la guerre des Balkans au Real Madrid
L’assassinat du grand-père Modric sonne comme un avertissement pour les parents du jeune Luka, alors âgé de 6 ans. S’ils veulent assurer la sécurité de leur enfant, ils doivent fuir au plus loin de la guerre. Leurs terres d’asiles se nommeront Makarska ou Zadar, deux camps de réfugiés situés dans des zones plus éloignées des combats, ce qui ne signifient pas qu’elles ne sont pas dangereuses. Son enfance, Luka Modric la passe donc au sein de villes ravagées par le conflit, apprenant à courir se mettre à l’abri en cas de raids aériens. Traumatisé par la mort de son grand-père dont il était très proche, le jeune Luka trouve dans le football un moyen d’oublier la guerre l’espace d’un instant. Lorsque celle-ci prend fin, celui qui est désormais de nationalité croate peut enfin développer son jeu. Extrêmement frêle pour son âge, il apprend à aller au duel contre des enfants bien plus grands que lui et développe une aisance balle aux pieds qui lui permet d’échapper à ses adversaires. Très vite, son talent est repéré et, à l’âge de 17 ans, il rejoint le Dinamo Zagreb, plus grand club du pays. Sa trajectoire sera alors linéaire : première sélection en 2005, participation à la Coupe du Monde 2006, départ à Tottenham en 2008 puis au Real Madrid quatre ans plus tard. Les débuts au sein de la Maison Blanche sont difficiles mais, au bout de quelques mois, le milieu de terrain croate s’impose comme un titulaire indiscutable. A peine plus de 15 ans après la fin de la guerre des Balkans, le jeune Luka Modric qui vivait dans la crainte des bombardements est devenu l’un des plus grands joueurs du monde. Ne lui manque plus que la consécration ultime, qu’il atteindra lors de la Coupe du Monde 2018.
Le Mondial parfait
Lorsqu’il débarque en Russie à l’été 2018, Luka Modric est peut-être à l’apogée de sa carrière. Quelques semaines plus tôt, il vient de remporter sa quatrième Ligue des Champions, la troisième consécutive avec le Real, et le trio du milieu qu’il forme chez les Merengue en compagnie de Toni Kroos et Casemiro est considéré comme ce qui se fait de mieux au monde. De plus, en sélection, il est le capitaine de la plus belle équipe de Croatie depuis 1998. Entouré de joueurs comme Dejan Lovren, Ivan Perisic, Ivan Rakitic ou Mario Mandzukic, le milieu de terrain du Real peut rayonner de la même manière qu’au Real et même plus.
Parfaitement en jambes dès la phase de groupes, il inscrit un but sur pénalty lors du premier match face au Nigéria (2-0) et est l’artisan majeur de la correction infligée à l’Argentine de Lionel Messi lors de la seconde rencontre (0-3 avec un nouveau but de Modric). Milieu relayeur au Real, Modric évolue en sélection en meneur de jeu devant Brozovic et Perisic afin de pouvoir animer au mieux l’attaque croate. Joueur élégant, doté d’une qualité de passe rarement vue dans l’histoire du football – jamais on ne se lassera de voir et revoir ses extérieurs du pied -, le numéro 10 des rouge et blanc est le véritable point fort d’une équipe qui ne comporte pas vraiment de point faible. Malgré la défaite face à la France en finale, Luka Modric sera logiquement élu meilleur joueur du Mondial, une distinction qui le conduira au Ballon d’Or en fin d’année. Dans quelques jours, et ce malgré ses 37 ans, celui qui rayonne toujours autant avec les Madrilènes tentera de décrocher l’ultime trophée qui manque à sa carrière. Difficile certes, mais pas impossible pour celui qui a montré depuis son plus jeune âge qu’il ne renonçait devant aucune difficulté...
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