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Les 50 qui ont marqué la Coupe du Monde : Michel Vautrot

En 1990, l'arbitre français Michel Vautrot va entrer dans l'histoire du Mondial de façon insolite. Au sifflet d'une demi-finale entre l'Argentine et l'Italie, il oublie de regarder son chronomètre et laisse huit minutes de jeu en plus lors de la première mi-temps de la prolongation !

L'arbitre français Michel Vautrot lors de la demi-finale de Coupe du Monde Italie - Argentine.

Deux arbitres français pour la Coupe du Monde 90


Nous sommes en 1990. Pour la première fois de l’histoire de la Coupe du Monde, deux arbitres d’un même pays sont désignés lors de la phase finale de cette compétition internationale organisée en Italie et il s’agit de deux tricolores : Jöel Quiniou et Michel Vautrot. Joël Quiniou avait déjà officié lors du dernier Mondial organisé au Mexique en 1986. Quant à Michel Vautrot, cet arbitre originaire de Besançon avait déjà dirigé des rencontres lors du Mondial 1982 en Espagne. Ce dernier est l’arbitre français numéro un tout au long des années 1980. Il est aussi élu meilleur arbitre international par l’IFFHS en 1988 et 1989. Alors qu’il va bientôt mettre un terme à sa carrière pour prendre les rênes de la Commission Centrale des Arbitres, Michel Vautrot, alors âgé de 44 ans, dispute en Italie sa dernière compétition internationale.


Un arbitrage très convaincant qui l’amène à être choisi pour exercer lors d’une demi-finale !


Il est tout d’abord le directeur de jeu du match d’ouverture de cette compétition, le 8 juin 1990, opposant l’Argentine et le Cameroun. Lors de cette rencontre, il expulse deux joueurs des « lions indomptables » dont Roger Mila, ce qui n’empêche pas le Cameroun de faire l’exploit de remporter cette rencontre à 9 contre 11. Malgré quelques critiques à son encontre par la presse sportive, l’arbitrage de l’homme en noir bisontin est qualifié de très bon par la Commission des Arbitres de la FIFA. Son observateur M. Arriaga lui attribue même la note de 9/10 sur cette rencontre (Archives de la FIFA, Zurich). Quelques jours plus tard, le 21 juin 1990, il est désigné pour diriger la rencontre de poule entre l’Irlande et les Pays-Bas. Il réalise une nouvelle fois un arbitrage probant, obtenant une note de 8,6/10 pour son inspecteur M. Cavan (Archives de la FIFA, Zurich).


La première période des prolongations est terminée, mais le match continue…


Suite à ces prestations convaincantes et à sa très bonne réputation, Michel Vautrot est désigné pour la demi-finale de cette compétition. Cette rencontre oppose une nouvelle fois l’Argentine de Diego Maradona à l’Italie, qui reçoit chez elle ce Mondial. Ce match est disputé au Stadio San Paolo de Naples devant près de 60 000 personnes et des millions de téléspectateurs. L'ambiance est délétère puisque, bien que jouant son public, l'Italie doit faire face aux démonstrations de soutien du San Paolo pour Maradona !

Durant les prolongations de cette rencontre, alors que le score est d’un partout, Michel Vautrot va commettre une erreur, qui n’aura heureusement aucune incidence sur le sort de ce match. Alors que la fin de la première période des prolongations arrive à sa fin et qu’aucune raison n’exige d’accorder du temps additionnel à cette période, l’arbitre bisontin oublie de regarder son chronomètre. Il laisse le jeu se poursuivre, sans s’en rendre compte. Les secondes défilent alors, puis les minutes, huit au total. Huit minutes de temps additionnel inexpliqué avant de s’en rendre compte et de mettre un terme à cette première période des prolongations. Trente ans après, il témoigne de cet incident : « Est-ce que j'ai arrêté mon chrono ? En plus, l'ambiance était terrible et peut-être que j'ai oublié de le remettre. Je n'ai pas d'explication […] J'ai eu un journaliste anglais après 27 ans qui a fait un bouquin sur la Coupe du Monde en Italie. Et du coup, il m'a demandé pourquoi j'ai joué ces huit minutes. Je lui ai répondu que je ne savais toujours pas pourquoi. Je lui ai dit « c'est inadmissible, c'est indigne d'un arbitre de niveau et qu'il fallait de la chance ». Si un but avait été marqué durant ces huit minutes je n'en serais pas là aujourd'hui car j'aurais été viré du foot et on aurait dit il est corrompu. C'est ça la chance ! C'est que l'Italie ou l'Argentine n'est pas marquée » (Entretien réalisé avec Michel Vautrot le 12 novembre 2017 à son domicile de Besançon). Finalement, aucun but ne sera inscrit lors cette prolongation et c’est l’Argentine qui l’emportera aux tirs au but. Cette inattention inédite de l’arbitre bisontin n’aura donc pas d’incidence sur le résultat de la rencontre et ne viendra ainsi pas entacher sa réputation. Cet arbitre est alors reconnu, jusqu’à la fin de sa carrière, comme un arbitre ayant su casser les codes et modifier les normes de l’arbitrage, à travers une gestion « humaine » et pédagogique des rencontres (Joly, 2020). Il demeure encore aujourd’hui, dans le Panthéon des arbitres français, comme l’un des meilleurs ayant exercé au sifflet, aux côtés notamment de Robert Wurtz ou Joël Quiniou.


Alexandre Joly


L'auteur : Historien de l'arbitrage et ancien arbitre lui-même, Alexandre Joly a soutenu une thèse en 2021 sur le sujet suivant : Les arbitres dans le football professionnel français : de l'amateurisme au semi-professionnalisme (1955-1995).


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