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Les 50 qui ont marqué la Coupe du monde : Moacir Barbosa

Arrivé à la Coupe du monde 1950 avec l'étiquette de meilleur gardien du monde, le portier brésilien Moacir Barbosa a vu sa vie basculer sur une erreur lors du match décisif contre l'Uruguay. Retour sur l'histoire d'un géant devenu paria.


Un genou à terre


On dit souvent du poste de gardien de but qu’il s’agit d’un poste à part, solitaire. Solitaire car, là où l’erreur est tolérée pour un joueur de champ, elle est impardonnable pour le portier. S’il se rate, le gardien n’a plus qu’à constater les dégâts à savoir, le plus souvent, un but pour l’équipe adverse. Alors, il se relève péniblement, la mine déconfite, avec la sensation d’avoir trahi les siens. Parfois, un coéquipier vient le voir pour l’encourager, quelques mots qui ne peuvent masquer la déception de ce dernier mais qui soulagent tout de même le fautif. En cet après-midi de juillet 1950, Moacir Barbosa, lui, n’eut pas cette chance. Trompé par une frappe sèche au premier poteau de l’uruguayen Alcides Ghiggia, le portier brésilien pose un genou à terre, plus seul que jamais. Si bruyant en début de partie, le Maracana s’est éteint d’un coup, frappé de stupeur devant le déroulé des événements. Il est un peu plus de 16h30 en ce 16 juillet 1950 et le Brésil voit ses rêves de titre mondial s’envoler. Il est un peu plus de 16h30 en ce 16 juillet 1950 et le destin de Moacir Barbosa vient de basculer.


Le meilleur gardien du monde


Avant ce funeste jour dans l’histoire du Brésil et de son gardien, la vie de Moacir Barbosa ressemblait à un conte de fée. Issu d’un quartier pauvre de Campinas dans l’État de Sao Paulo, le gamin avait connu les dures journées de travail à l’usine avant de pouvoir s’en sortir grâce au football. D’abord ailier gauche, il se retrouve gardien de but un beau jour où le titulaire est blessé. Il ne quittera jamais plus les cages. En 1945, il tape dans l’œil des recruteurs de l’immense club de Vasco de Gama qui fait de lui son nouveau gardien. La même année, il intègre la Seleçao et devient le premier gardien de but noir de l’histoire de la sélection. Dès lors, le gamin de Campinas s’impose comme l’un des tous meilleurs gardiens du monde à son poste, faisant notamment figure de précurseur par sa faculté de sortir de ses buts pour couvrir ses défenseurs mais aussi par son excellent jeu au pied hérité de ses années sur le champ. « Athlète complet, puissant, félin », dixit le journaliste de L’Equipe Jacques de Ryswick, Moacir Barbosa arrive à la Coupe du Monde 1950 en pleine possession de ses moyens. A 29 ans, il est au sommet de sa carrière.


Le Mondial 1950


Première Coupe du Monde de l’après-guerre, le Mondial 1950 est le seul de l’histoire à ne pas avoir adopté le format habituel de la coupe, à savoir des matchs à élimination direct à partir des 1/8ème de finale. A la place, les vainqueurs des quatre poules se retrouvaient au sein d’une poule finale pour un mini championnat, le premier étant désigné champion du monde. Tombé dans une poule relevée avec la Yougoslavie, le Mexique et la Suisse, les brésiliens réalisent une entrée en matière parfaite en disposant des Mexicains sur le score de 4 buts à 0. Après un deuxième match accroché contre la Suisse (2-2), ils valident leur qualification à la faveur d’une dernière victoire maîtrisée contre la Yougoslavie (2-0). Montant en puissance depuis le début de la compétition, les Auriverde atteignent le sommet de leur potentiel pour la poule finale. En deux matchs, ils tuent quasiment tout suspens en détruisant la Suède 7-1 et l’Espagne 6-1. Dans les buts, Barbosa passe une compétition pour le moins tranquille tant ses partenaires surclassent leurs adversaires. Ce parcours parfait ne ressemble en rien à celui de l’Uruguay. Si sa qualification pour la poule finale a grandement été facilité par le forfait de la France, de l’Ecosse et de la Turquie (pour se qualifier, les Uruguayens n’ont eu qu’à disposer de la faible Bolivie), la Celeste est à la peine dans cette dernière ligne droite. Face à l’Espagne, elle a bataillé ferme pour arracher un match nul à 20 minutes du terme (2-2) tandis que sa victoire face à la Suède s’est dessiné dans les tous derniers instants (3-2, avec un doublé d’Oscar Miguez dans le dernier quart d’heure). Ainsi, avant la dernière rencontre du tournoi, l’Uruguay doit absolument s’imposer face au Brésil si elle souhaite devenir championne du monde. En cas de match nul ou de défaite, c’est la Seleçao qui offrira à tout un peuple un sacre que ce dernier croit déjà acquis. Gonflés à bloc par la confiance véhiculée par les médias mais aussi les dirigeants du football brésilien, les 200 000 personnes qui se pressent au Maracana en ce 16 juillet 1950 ne s’imaginent pas un seul instant qu’ils vont vivre l’une des pires journées de l’histoire du pays.


La perpétuité pour Moacir Barbosa


La suite de l’histoire est transmise inlassablement de père en fils depuis maintenant plusieurs générations. Alors que le Brésil mène 1 but à 0 grâce à un but de Friaça à la 47ème minute, l’histoire bascule. Lancé en profondeur sur le côté droit, l’attaquant uruguayen Alcides Ghiggia trouve son coéquipier Schiaffino en retrait et lui offre l’égalisation. Stupeur dans le stade, l’atmosphère devient irrespirable. Puis, à la 79ème minute, c’est le drame. L’action, Moacir Barbosa a dû se la repasser en boucle tout au long de sa vie. Lancé sur le côté comme sur le premier but, Ghiggia s’apprête à centrer puis, au dernier moment, décoche une frappe sèche au premier poteau. Coupable d’avoir trop anticipé le centre, Barbosa est battu sous les cris d’effroi du Maracana. Sportivement parlant, ce deuxième but est logique. Tétanisés depuis l’égalisation les coéquipiers de Barbosa ne cessaient de reculer depuis et n’étaient restés en vie que grâce aux parades de leur gardien de but face à Schiaffino et Ghiggia. Ces parades seront oubliées. Dans une atmosphère de dépression générale, où des cas de suicides sont même relevés, le bouc-émissaire est tout trouvé : pour son erreur d’appréciation sur le but de Ghiggia, Moacir Barbosa devient pour le restant de sa vie « l’homme qui a fait pleurer 70 millions de personnes ». Des années plus tard, l’attaquant uruguayen tentera de consoler le gardien brésilien en lui expliquant que le vrai coupable était en réalité le demi brésilien Bigode qui était chargé de le marquer. En vain.

Le choc au pays sera terrible et la sélection brésilienne mettra deux années avant de disputer une nouvelle rencontre internationale … sous des nouvelles couleurs. Exit le maillot blanc qui était le sien depuis ses débuts, place désormais au maillot jaune et vert qui deviendra bientôt légendaire. Considéré comme un paria, Barbosa, lui ne sera jamais réhabilité de son vivant. Pire, en 1994, on lui refuse l’accès au camp d’entraînement de la Seleçao sous prétexte qu’il est un chat noir. Pour la même raison, le président de la Fédération Brésilienne s’était opposé quelques mois plus tôt à ce que celui-ci commente un match de la sélection. Le Maracanaço, « choc du Maracana » en français tenait son coupable et n’allait plus jamais le relâcher. Dans les dernières années de sa vie, Barbosa déclarera un jour « Au Brésil, la peine maximale pour un crime est de 30 ans. Moi, je paie depuis plus de 43 ans pour un crime que je n’ai pas commis ».

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