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Les 50 qui ont marqué la Coupe du Monde : Paolo Rossi

Suspendu vingt-deux mois au printemps 1980, l'attaquant Italien Paolo Rossi est revenu de nulle part pour devenir le héros de la Squadra lors de la Coupe du Monde 1982. Retour sur le plus improbable come-back de l'histoire du Mondial !


Paolo Rossi lors du Mondial 1982. Crédit : Imago.

Diego, Michel et Karl-Heinz


Quatre ans qu’il attendait ça. En cet été 1982, Karl-Heinz Rummenigge est déterminé comme jamais. Double Ballon d’Or en titre et Champion d’Europe avec l’Allemagne en 1980, il ne manque au buteur du Bayern Munich qu’une Coupe du Monde pour entrer définitivement dans la légende. A bientôt 27 ans, « Kalle », se sait dans la force de l’âge et sent que ce Mondial sera le sien. Ses rivaux, il les connaît très bien. Ils se nomment Michel Platini, 3ème au Ballon d’Or en 1977 et 1980 et maître à jouer d’une Equipe de France en nette progression et Diego Maradona, le nouveau génie du football argentin. Avant ce Mondial espagnol, toute la presse s’accorde sur ce point : la douzième Coupe du Monde de l'histoire sera frappée du sceau de l’un de ces trois hommes. En réalité, il n’y a qu’en Italie où l’on a guère l'esprit à s'occuper de ce genre de débats. Au pays de Garibaldi, on a déjà bien suffisamment à faire avec l’équipe nationale et son sélectionneur Enzo Bearzot. Et pour cause ! Celui-ci vient d’écarter Roberto Pruzzo, double meilleur buteur en titre de Série A pour l’attaquant de la Juventus Paolo Rossi qui n’a joué que trois matchs depuis 1980 ! Retour sur une drôle d’histoire...


L’affaire du Totonero

Les faits remontent à la fin du mois de décembre 1979. Alors que Rossi est en pleine partie de cartes avec l’un de ses coéquipiers, ce dernier lui présente deux amis à lui. Combinards, les deux hommes discutent de l’opportunité d’arranger la rencontre suivante entre Avellino et Pérouse, où Rossi évolue depuis le mois de septembre après quatre années de gloire du côté de Vicence. Le buteur prend part à la discussion sans trop y prêter attention et dispute le week-end suivant ce fameux match contre Avellino. Dans un bon jour, l'attaquant de la Squadra inscrit un doublé qui permet aux siens de décrocher le match nul. « Pablito » ne le sait pas encore, mais sa vie vient de basculer.

Trois mois plus tard, un immense scandale de matchs truqués éclate en Italie : l’affaire du Totonero. Parmi les matchs supposément arrangés figure le fameux Avellino - Pérouse du 30 décembre 1979. Très vite, le nom de Paolo Rossi apparaît dans le dossier sans que l'on puisse réellement déterminer son rôle dans cette histoire. Toutefois, Désireuse de marquer le coup, la Fédération Italienne sanctionne durement toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans l'affaire. Pour avoir fait preuve de légèreté en participant à une discussion trouble, Rossi écope de vingt-deux mois de suspension. A 24 ans sa carrière vient de prendre un énorme coup d’arrêt.


La confiance de Bearzot


Avec une telle suspension, Rossi vient de faire une croix sur l’Euro 1980 et, pense-t-il sur la Coupe du Monde 1982. Si elle n’est pas alourdie entre-temps, son interdiction de jouer s’étendra jusqu’aux dernières semaines de la saison 1981-1982, ce qui ne lui laissera pas le temps pour se préparer convenablement. Toutefois, un homme n’est pas de cet avis : Enzo Bearzot. Sélectionneur de la Squadra, celui-ci se déplace chez Rossi pour lui demander s’il est bien innocent dans l’affaire du Totonero. Devant la réponse positive de son joueur, il lui promet de le sélectionner pour le Mondial 1982 et lui ordonne de se préparer en conséquence, un acte de confiance rare. Pendant les 22 mois que dure la suspension, Bearzot va régulièrement rendre visite à Rossi pour le pousser à se maintenir en forme, n’hésitant pas à lui asséner qu’il a « le derrière d’une vache normande » afin de le piquer dans son orgueil. Touché par cette confiance ainsi que celle des dirigeants de la Juventus Turin qui le recrutent alors qu’il lui reste plus d’un an de suspension, Rossi se démène comme un fou pour être prêt le jour J. Habitué des embûches, celui qui fut opéré à trois reprises du genou à la fin de son adolescence sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur : au moindre faux-pas, le public italien l’attendra au tournant.


Un premier tour cauchemardesque


Pour la Squadra, la Coupe du Monde en Espagne débute le 14 juin 1982 dans un climat délétère. Malgré une poule abordable (Pérou, Pologne et Cameroun), la sélection italienne essuie de nombreuses critiques depuis plusieurs semaines et certains l’imaginent même sortir dès le premier tour ! Touchés par la virulence des propos des journalistes, les joueurs italiens décrètent l’union sacrée autour de leur sélectionneur Bearzot et décident bientôt de boycotter la presse. Seuls contre tous, les Azzurri réalisent toutefois une entame de tournoi catastrophique. Après un 0-0 poussif face à la Pologne, ils sont de nouveau tenus en échec quatre jours plus tard contre le Pérou. Titularisé lors de ces deux rencontres, Rossi apparaît lent, emprunté et pour cause : il n’a repris la compétition que depuis un mois ! Face au Pérou, son sélectionneur le sort même dès la mi-temps. Lâché par son sélectionneur Paolo Rossi ? Pas le moins du monde à en croire l’intéressé : « A la pause, Bearzot m’a dit : « Stop, Prépare-toi. » Ce qu’il voulait dire, c’était « Prépare-toi pour le prochain match ».Ces paroles ont beaucoup compté pour moi, je savais que j’entrais toujours dans ses plans pour le match suivant. »

Finalement, après un nouveau match nul, l’Italie se qualifie miraculeusement à la faveur d’une meilleure attaque que le Cameroun. Dès lors, plus grand monde ne donne cher de la peau de la Squadra pour le deuxième tour de poule (qui remplace les 1/8ème et 1/4 de finale) qui la verra opposée à deux des grands favoris de la compétition : l’Argentine et le Brésil.


Rossi 3 – 2 Brésil


Après une belle victoire contre l’Argentine de Maradona (2-1) au cours de laquelle Rossi a laissé une meilleure impression, la Squadra rencontre le Brésil le 5 juillet 1982 pour une rencontre décisive. L’enjeu est simple : l’Italie doit s’imposer pour se qualifier pour les demi-finales. Malgré la belle impression laissée lors du match contre les Argentins, personne ne donne bien cher de la peau de l’Italie face à la plus belle Seleçao alignée depuis le triomphe de 1970. Emmenés par les Zico, Falcao, Socrates et autres Toninho Cerezo, les hommes de Telê Santana ont impressionné tout leur monde depuis le début de la compétition. Développant un « football samba » basé sur le génie offensif des attaquants auriverdes, la sélection brésilienne est sortie sans problème d’un groupe constitué de l’URSS, de l’Ecosse et de la Nouvelle-Zélande puis a dominé le tenant du titre argentin 3 buts à 1 lors de la première contre de cette seconde phase de poules.

Pour affronter ces surdoués du ballon rond, Rossi se pare d’un collier en corail que lui a offert un ami de Vicence la veille du match. D’après Rossi, cet ami lui avait dit « Mets-le tu verras, ça va te porter chance, tu vas marquer trois buts ! ». Un brin optimiste pour un joueur qui n’avait pas encore trouvé le chemin des filets depuis le début de la compétition. Et pourtant ! Dès la cinquième minute, Rossi se trouve à la réception d’un super centre du latéral de la Juve Antonio Cabrini et, d’une tête imparable, ouvre le score pour la Squadra : « Le premier but était… disons qu’à partir de ce moment ma vie sur le terrain a complètement changé. C’était la piqûre de confiance dont j’avais besoin. ». Dès lors, Rossi va devenir tout simplement inarrêtable. Socratès égalise à l’issue d’une superbe action à la douzième minute ? Rossi redonne l’avantage aux siens dix minutes plus tard d’une frappe du droit. Falcao ramène le Brésil dans le match à 25 minutes du terme ? Rossi offre la victoire aux siens d’un but de renard dix minutes plus tard. Métamorphosé, l’attaquant italien devient ce jour-là la nouvelle star du tournoi et le chouchou des Italiens. Hué la veille, il vient de sortir presque à lui tout seul les grands favoris de la compétition.


Un Paolo de Oro


Le chef d’œuvre de l’attaquant de la Juve face au Brésil ne sera pas sans lendemain. Trois jours plus tard, alors que la France et l’Allemagne s’apprêtent à se livrer l’une des plus belles parties de l’histoire du Mondial, « Pablito » va remettre ça face à la Pologne, déjà affrontée en phase de poules. Auteurs d’un superbe parcours, les Polonais sont cette fois privés de leur meilleur joueur, Zbigniew Boniek, suspendu. Sans lui, les hommes du sélectionneur Antoni Piechniczek butent sur l’intraitable défense italienne et son capitaine Dino Zoff dans les buts. Défensivement, ils se font surprendre à deux reprises par un Rossi transfiguré qui permet à son équipe de se qualifier pour la quatrième finale de Coupe du Monde de son histoire. Lors de celle-ci, face à des Allemands diminués après leur bataille légendaire contre la France de Platini, Rossi ouvre une nouvelle fois le score avant de laisser le soin au magnifique Marco Tardelli et à Alessandro Altobelli de conclure la démonstration italienne (3-1, réduction du score de Breitner en fin de match). Muselé par la défense italienne, Karl-Heinz Rummenigge doit s’avouer vaincu. L’attaquant allemand s’est fait voler la vedette par un homme qui ne devait même pas être de la fête, un homme qui le rejoindra bientôt au palmarès du Ballon d’Or. C’est ainsi, le Mondial 1982 ne portera donc jamais la marque de Rummenigge, pas plus que celle de Maradona ou Platini. Pour l’éternité, il rimera avec le nom de Paolo Rossi.

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