Vingt-huit ans après sa Coupe du Monde 1994 de folie, que reste-t-il de Romário ? L'image d'un buteur exceptionnel, faisant partie des plus grands de l'histoire ou celle d'un homme à frasques éclipsé par ses successeurs Ronaldo et Ronaldinho ? Sûrement un peu des deux...
L’éclipse d’un géant
20 mai 2007, Rio de Janeiro.Des semaines que tout Rio l’attendait. A 41 ans,Romário vient enfin d’inscrire son 1000ème but en carrière, un pénalty avec son club de Vasco de Gama face au Sport Club de Recife. Comme le Roi Pelé avant lui, seul autre joueur à avoir revendiqué un tel total, Romário a ajouté à son compteur des buts marqués lors de matchs d’exhibition ou des tournois disputés en étant jeune. Qu’importe, au crépuscule d’une carrière marquée par des coups d’éclats mais aussi pas mal de frasques, l’ancien attaquant du Barça s’impose définitivement comme le plus grand joueur brésilien depuis Pelé. Définitivement ? Pas vraiment. En 2019, un sondage d’ESPN avait tenté de déterminer quel était ce plus grand joueur auriverde depuis la retraite du Roi. Le trio de tête ? Ronaldo, Ronaldinho, Romário. Dans cet ordre. Et il y a fort à parier que si le sondage avait été réalisé en Europe, Romário aurait été fortement concurrencé par des Rivaldo, Socratès et peut-être même Kaka ou Neymar ! Voilà tout le paradoxe d’un attaquant exceptionnel qui, pour avoir eu comme successeur le phénomène Ronaldo, semble avoir perdu en aura au fil du temps. Et pourtant, que Romário fut grand !
« Dieu a envoyé Romário au Maracanã ».
En 1990, le Brésil connaît l’une des pires désillusions de son histoire lors du Mondial Italien. Pourtant régulièrement nommés parmi les favoris de la compétition, les auriverde déjouent et sont éliminés dès les 1/8ème de finale par l’Argentine (0-1). Si cette rencontre fera scandale des années plus tard après que Diego Maradona et son sélectionneur de l’époque Carlos Bilardo aient reconnu avoir donné une bouteille contenant des somnifères aux joueurs brésiliens (bouteille que seul le milieu de terrain Branco boira), sur le moment, c’est un véritable séisme qui s’abat sur la Seleçao. Déclaré responsable de cette élimination, le sélectionneur Sebastiao Lazaroni est évincé et est remplacé par l’ancien international Falcao. Seulement âgé de 37 ans, celui-ci est un entraîneur novice et n’est pas préparé pour subir une telle pression. Après deux années marquées par des résultats en demi-teinte, il démissionne et cède sa place à Carlos Alberto Parreira. A 49 ans, ce dernier est loin d’être une nouvelle tête dans le monde du football brésilien. Préparateur physique de la mythique équipe championne du monde au Mexique en 1970, il a ensuite embrassé une carrière d’entraîneur sous les recommandations de son mentor Mario Zagallo. Lorsque Parreira est nommé, l’une de ses premières décisions est d’ailleurs de convaincre l’ancien sélectionneur brésilien de sortir de sa retraite pour devenir son adjoint. A 61 ans, Zagallo retrouve ainsi sa Seleçao pour la troisième fois après l’avoir connue en tant que joueur puis en tant que sélectionneur. Epaulé par son maître à penser, Parreira connaît toutefois des débuts difficiles. Tout d’abord, ses relations avec Romário, star de la sélection sont difficiles. En 1992, Parreira décide même d’exclure ce dernier de la sélection à cause de ses déclarations à l’issue d’un match amical contre l’Allemagne. Resté sur le banc, le buteur qui affole alors les compteurs au PSV Eindhoven déclare que, s’il avait su qu’il ne jouerait pas, il ne serait pas venu. Au pays, cette décision est très mal accueillie d’autant plus que, sans son buteur, la Seleçao se retrouve à la peine dans les qualifications pour la Coupe du Monde 1994. Revenu pour l’ultime rencontre au cours de laquelle le Brésil ne doit pas perdre face à l’Uruguay sous peine d’être éliminé, Romário réalise un come-back époustouflant. Auteur de deux buts, il qualifie presque à lui tout seul la Seleçao pour le Mondial américain. Réponse de Parreira : « Dieu a envoyé Romário au Maracanã ».
Bebeto et Romário
De retour en grâce, Romário débarque au Mondial américain dans la forme de sa vie. Désormais au Barça, il vient de conclure une saison à 30 buts en 33 matchs, saison ponctuée par un titre de champion d’Espagne. Sachant sa star dans les meilleures conditions pour aborder cette Coupe du Monde, Parreira décide de l’associer dans un 4-4-2 à un autre attaquant d’exception : Bebeto. Dribbleur doté d’une pointe de vitesse, l’attaquant du Deportivo la Corogne est le complément idéal du finisseur d’exception qu’est Romário. Derrière eux, Parreira choisit de s’appuyer sur une équipe solide, bien loin du génie de celle de 1970 mais ô combien efficace. Nommé capitaine au détriment d’un Raï dans la pire forme de sa vie, l’infatigable Dunga est le symbole de ce changement de style d’une Seleçao qui adopte une approche plus pragmatique que par le passé.
D’abord décriée, la recette concoctée par Parreira va rapidement s’avérer gagnante. Dès l’entame du tournoi, le duo Bebeto- Romário apparaît en feu. Si le premier nommé ne trouve le chemin des filets que lors du second match face au Cameroun de Roger Milla (3-0), le second marque lors de chacune des trois rencontres de poules. Auteur d’un but de renard des surfaces sur corner face à la Russie (2-0), il enchaîne avec un 1 contre 1 parfaitement négocié face au Cameroun puis par une jolie frappe de l’extérieur du droit contre la Suède (1-1). Et le show n’est pas fini ! Après un succès dans la douleur en 1/8ème de finale contre les USA grâce à un but de Bebeto en fin de match (1-0), le duo fait de nouveau parler la poudre en 1/4 contre les Pays-Bas de l’excellent Dennis Begkamp. Lors de ce qui reste sûrement comme le plus beau match de la compétition, le Brésil prend finalement le meilleur sur les Oranje (3-2), Bebeto et Romário inscrivant les deux premiers buts brésiliens. Toujours aussi solide défensivement, la Seleçao prend ensuite le meilleur sur la Suède en demi-finale (1-0) avec un nouveau but de l’ancien banni avant de s’imposer aux tirs aux buts lors d’une finale plutôt décevante contre l’Italie (0-0). Qu’importe, avec cinq réalisations et un titre honorifique de meilleur joueur du tournoi, Romário est le grand artisan de ce quatrième titre mondial de la Seleçao. Mais, à seulement 28 ans, il vient déjà de disputer la dernière Coupe du Monde de sa carrière.
Les déboires de Romário
Lors d’une interview accordée au journal L’Equipe en 2012, Romário concédait ne s’être « jamais comporté comme un professionnel, n’avoir jamais mangé comme un sportif, n’avoir jamais dormi comme il fallait, avoir toujours été en retard et n’avoir jamais respecté les mises au vert ». En somme, pas vraiment la vie d’un professionnel modèle même s’il avance n’avoir jamais bu ou fumé pendant sa carrière. Toutefois, malgré un mode de vie marqué par les sorties en boîtes de nuits et les conquêtes féminines, la star du Mondial 1994 a connu une longévité exceptionnelle. En 2005, à 39 ans passé, il inscrivait encore 22 buts en 30 matchs avec son club de Vasco de Gama en 1ère Division Brésilienne. Cette régularité au plus haut niveau malgré son âge faisait d’ailleurs que son nom revenait comme un serpent de mer dans les conférences de presse des différents sélectionneurs. Lors de son retour au poste en 2003, Carlos Alberto Parreira était ainsi immédiatement interrogé sur un retour de l’idole en sélection pour le Mondial 2006 ! Pourtant, malgré ce maintien de performances de hautes volées, Romário n’a plus jamais foulé les pelouse en Coupe du Monde en 1994. Blessé en 1998, il est écarté en 2002 par Scolari après de multiples divergences entre les deux hommes. Cette année-là, le Brésil porté par un Ronaldo revenu de nulle part remportera sa cinquième Coupe du Monde.
Eloigné du plus haut niveau européen après son départ de Barcelone en 1995, absent des Coupes du Monde après celle de 1994, Romário est resté légèrement à la marge de la liste des joueurs que l’on considère généralement comme les plus grands de l’histoire. Son style, moins flamboyant que celui d’un Ronaldo, d’un Pelé, d’un Ronaldinho ou d’un Garrincha, mais aussi son image, marquée par de nombreux déboires (suspension pour dopage en fin de carrière, frasques nocturnes, disputes avec Zico, Pelé, Ronaldo, etc.) ont également contribué à le laisser dans cette antichambre des dix-quinze plus grands joueurs de tous les temps. Une antichambre à laquelle bon nombre de grands noms rêveraient toutefois d’accéder...
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