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La Coupe du Monde 2022 et l'internationalisation du "seum"

Si elle s'est terminée en apothéose hier avec ce qui restera sûrement comme l'un des plus grands matchs de l'histoire du football, la Coupe du Monde 2022 a aussi été l'objet de nombreuses complaintes et polémiques en tous genres contre l'arbitrage. Alors, le "seum" est-il devenu international ?

Szymon Marciniak, l'arbitre de la finale qui cristalise les rancoeurs de certains supporters français.

Oui, Monsieur Marciniak a fait un bon match


Arbitre du duel légendaire que se sont livrés Français et Argentins hier en finale de la 22ème Coupe du Monde de l'histoire, le Polonais Szymon Marciniak est aujourd'hui la cible de nombreuses critiques de supporters français. Coupable selon eux d'avoir honteusement favorisé les Argentins en accumulant les erreurs, l'expérimenté homme en noir connaît le même sort que bon nombre de ses prédécesseurs lors de ce Mondial 2022. Autrefois, ces critiques provenaient essentiellement des supporters occasionnels, ceux qui ne suivent le ballon rond que pour les grandes compétitions internationales et qui, aveuglés par leur amour des Bleus et parfois leur méconnaissance du jeu, étaient les plus prompts à crier au scandale au moindre litige. A ce titre, on se souvient côté français des fameuses pétitions pour faire rejouer la finale de l'Euro 2016 contre le Portugal et le 1/8ème de finale contre la Suisse lors de l'Euro 2021, pétitions qui avaient été signées par plus de 200 000 personnes... La différence avec aujourd'hui, c'est que cet aveuglement semble avoir touché des personnes censées garder la tête froide au moment d'analyser une rencontre, à savoir les journalistes.

Ainsi, le journal L'Equipe, a attribué la note de 2 à l'arbitre Szymon Marciniak, lui reprochant d'avoir favorisé l'Argentine en ne sifflant pas certaines fautes ou en ne donnant pas certains cartons aux joueurs de l'Albiceleste. Bien entendu, toutes les "erreurs" relevées par le journal sont des erreurs en défaveur des Bleus. De même, le plus grand quotidien sportif hexagonal n'a pas hésité à sortir un article pour expliquer que le troisième but argentin aurait dû être refusé car. deux remplaçants argentins avaient légèrement franchi la ligne de touche au moment où celui-ci a été inscrit. Oui, cette règle existe. Oui, elle n'a jamais été appliquée.

En réalité, ce que le journal ne souligne pas c'est que la qualité du match doit en partie à la prestation de l'arbitre polonais. Tout d'abord, celui-ci a su calmer les débats d'entrée (on pense notamment à un Rodrigo De Paul bouillant dès les premières minutes avec qui Monsieur Marciniak a beaucoup discuté), ce qui a empêché la partie de dégénérer rapidement. Ensuite, s'il est vrai que certains contacts litigieux n'ont pas été sifflés, cela a été le cas dans les deux sens mais surtout, cela a permis au match d'être rythmé, avec très peu de temps mort. Sans jamais se laisser déborder, Monsieur Marciniak a proposé un arbitrage "à l'anglaise", qui a évité à la rencontre de devenir hachée par plusieurs coups de sifflets intempestifs. Enfin, si la question des pénaltys a pu prêter à discussion, les images, pour celui qui les regarde en toute objectivité, sont claires : il y avait bien une légère faute d'Ousmane Dembélé sur Angel Di Maria en première mi-temps. En somme, si l'arbitre polonais n'a pas réalisé le match parfait, il a livré une prestation plus que correcte qui ne devrait pas être autant remise en cause aujourd'hui. La remise en cause, une pratique devenue plus que courante durant ce mois de compétition...


L'internationalisation du seum


Il y a quatre ans, Thibault Courtois et la Belgique étaient devenus les symboles du "seum" à cause de leurs nombreux commentaires amers après leur défaite face aux Bleus en demi-finale. Considérant qu'ils avaient été meilleurs que leurs adversaires, les Belges avaient estimé leur défaite imméritée et, pour cela, s'étaient attirés les moqueries des supporters français. Quatre ans plus tard, ce seum est devenu international. Les Espagnols, les Anglais, les Portugais... tous ceux-là ont considéré avoir perdu contre des nations moins fortes qu'elles. Mais la nouveauté lors de cette Coupe du Monde au Qatar aura été la perpétuelle remise en question du corps arbitral à partir des quarts de finale. Argentine - Pays-Bas ? Conclu par les critiques plus qu'acerbes de Léo Messi à l'encontre de M. Mateu Lahosz. France - Angleterre ? Terminé par une dénonciation collective de l'arbitrage de Wilton Sampaio en Angleterre. Portugal - Maroc ? Un après-match marqué par les dénonciations complotistes de Bruno Fernandes et Pepe...

Et le constat ne s'arrête pas là. En demi-finale, le d'habitude très classe Luka Modric s'en est pris à l'Italien Daniele Orsato qu'il a qualifié de "pire arbitre qu'il connaisse" et, à l'issue du match pour la troisième place, c'est Achraf Hakimi qui, se sentant lui aussi lésé par l'arbitrage, s'est distingué en demandant à Gianni Infantino si la FIFA avait quelque chose contre le Maroc. Fort heureusement, au milieu de ce marasme, certains sélectionneurs; Walid Regragui, Gareth Southgate ou Lionel Scaloni, ont su s'élever au dessus de la mêlée par leurs déclarations pleines de classe à l'égard du corps arbitral.

Bien entendu, les contestations contre les arbitres sont aussi vieilles que le football lui-même : Angleterre - Allemagne 1966, France - RFA 1982, la "Main de Dieu", les exemples sont légions. Mais auparavant, ces grandes remises en causes de l'arbitrage demeuraient des cas exceptionnels alors qu'aujourd'hui, ils semblent presque constituer la normalité.


Le football, outil de rapprochement des peuples ?


Lorsqu'il initia, avec son comparse Henri Delaunay, la création de la Coupe du Monde en 1930, Jules Rimet imaginait le tournoi comme une formidable occasion de rapprocher les peuples du monde entier. Quatre-vingt-douze ans plus tard, ce souhait est-il devenu un voeu pieux ? On pourrait se le demander tant le supportérisme a parfois pu virer au fanatisme lors de ce Mondial et tant Français et Argentins n'ont jamais semblé si éloignés que ce matin. Alors que plusieurs joueurs argentins se sont manifestés par un manque de classe certain dans leurs célébrations (demande d'une minute de silence pour Mbappé par le gardien Martinez, Camavinga insulté de "tête de b***" par Aguero...), les supporters français dénoncent en nombre sur les réseaux sociaux "la piètre mentalité" des Argentins dans leur ensemble. Mais certains ne s'arrêtent pas là puisque de plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer un complot de la FIFA qui aurait eu pour but d'offrir le trophée à Messi. Si tel est le cas, il faudrait que l'homme qui a pensé tout ça se lance à Hollywood : entre la défaite inaugurale contre l'Arabie Saoudite et l'arrêt à la dernière seconde de Martinez face à Kolo Muani hier, son scénario était exceptionnel.

Plus sérieusement, ces réactions autour de la Coupe du Monde démontrent une évolution inquiétante des mentalités autour du football : l'échec sportif de l'équipe nationale semble devenue pour certains une humiliation intolérable qui les pousse vers des excès inadmissibles. Depuis hier soir, les comptes Instagram de Kingsley Coman, Randal Kolo Muani ou Aurélien Tchouaméni, sont ainsi la cible d'insultes racistes d'imbéciles les accusant d'avoir laissé tomber la nation. De la même manière, l'ancien sélectionneur Marocain Hervé Renard avait été pris pour cible pour avoir déclaré qu'il supporterait les Lions de l'Atlas face aux Bleus, en raison de tout l'amour qu'il avait reçu lors de son passage à la tête de la sélection marocaine. Sa déclaration, compréhensible pour un homme qui a des relations bien plus proches avec les joueurs marocains qu'il n'en a avec les joueurs français, avait été considérée par certains comme une trahison de la patrie ou encore comme étant justifiée par l'argent reçu lors de son passage à la tête de la sélection... Fort heureusement, les jolis moments de fraternisation entre supporters français et marocains avant, pendant et après cette rencontre, sont des motifs d'espoir pour l'avenir du football international. Non, Monsieur Rimet, votre rêve n'est pas encore totalement mort et enterré.



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