Nous y voilà ! Après une saison haletante marquée par de nombreux rebondissements, l'Olympique Lillois a été officiellement sacré champion de France à l'issue d'une finale indécise contre l'AS Cannes (4-3). Retour sur une rencontre déjà rentrée dans l'histoire du football français.
Préambule
La saison 1932-1933 marque le début d'une nouvelle ère pour le football français puisqu'elle coïncide avec l'adoption du professionnalisme et les débuts du championnat de France (pour en savoir plus, notre article sur cette adoption controversée est disponible ici). Pour cette première saison, les vingt clubs de l'élite sont séparés en deux groupes de 10, les vainqueurs de chaque groupe s'affrontant en fin de saison pour se disputer le titre de champion de France.
15 000 spectateurs... seulement !
Le Stade de Colombes sonnait creux ce dimanche alors que l'Olympique Lillois et l'AS Cannes s'affrontaient en finale du premier championnat de France professionnel de l'histoire. Pourtant, l'affiche promettait une belle opposition de style entre les Nordistes, adeptes d'un jeu énergique et direct et les Cannois, plus techniques mais moins athlétiques. Malgré cela, seulement 15 000 spectateurs sont venus garnir les travées du grand stade olympique, soit 25 000 de moins que pour la finale de Coupe de France entre l'Excelsior et le R.C. Roubaix le week-end dernier. Ce chiffre décevant démontre que, malgré tous les efforts consentis, le professionnalisme n'a pas encore totalement conquis le public français. Pour autant, s'ils n'étaient que 15 000 (dont 6 000 supporters lillois), les spectateurs qui avaient fait le déplacement assurèrent une belle ambiance tout au long de la rencontre, enjoués qu'ils étaient par l'agréable spectacle proposé par les deux équipes.
Les compositions d'équipe
L'Olympique Lillois
Du grand classique côté lillois puisque l'équipe alignée est celle qui a joué la quasi-totalité des matchs cette saison. Ses hommes forts, à savoir Desfossé, Vandooren, McGowan, Beaucourt et Barrett sont bien là, une nouvelle rassurante puisque l'on sait que Jules Vandooren était annoncé incertain jusqu'aux derniers jours précédant la finale.
L'AS Cannes
Ici aussi, aucune surprise à relever. Comme du côté Lillois, le 2-3-5 traditionnel est préféré au WM et les artisans de la belle saison cannoise répondent tous à l'appel : le gardien de but Francis Roux, le capitaine Louis Cler, l'entraîneur-joueur Stan Hillier et l'ailier Fecchino, auteur de 13 buts cette saison.
Une première mi-temps 100% lilloise
Après une entrée sous les vivas de la foule, le coup d'envoi est donné par l'arbitre M. Raguin à 15h06. Très vite, ce sont les lillois qui se montrent les plus en jambes. McGowan, peut-être le meilleur joueur du championnat cette saison, est impérial au milieu de terrain tandis que Zarga, Lutterloch, Decottignies, Barrett et Winckelmans combinent à merveille devant. Fort logiquement, cette domination est récompensée par un but à la 24 ème minute : à la suite d'un coup-franc de McGowan dévié de la tête par Lutterloch, Barrett, seul dans la surface, fusille Roux de près. Désormais en tête, les nordistes ne relâchent pas la pression pour le plus grand plaisir de leurs supporters. Quinze minutes plus tard, sur une superbe inspiration, Barrett lobe Roux sorti de ses cages. Le défenseur cannois Nagy intervient désespérément grâce à un retourné acrobatique bien senti mais Varga a bien suivi et catapulte le ballon dans le but nordiste. Plus forts physiquement et plus entreprenants, les Lillois mènent 2 buts à 0 lorsque l'arbitre siffle la mi-temps.
La "remontada" de l'AS Cannes !
Après ces 45 premières minutes, le constat est limpide : l'AS Cannes n'est pas dans sa finale. Constamment bougés à la régulière par Meuris, Théry, Beaucourt ou Vandooren, les sudistes ne parviennent pas à trouver la faille. Dans les tribunes, on s'imagine déjà mal comment la victoire pourrait échapper à l'OL. Pourtant, au retour des vestiaires, les cannois reviennent sur la pelouse transfigurés. Jouant leur va-tout, ils parviennent enfin à mettre en place leur jeu. Alors que la pluie se met à tomber, c'est un véritable orage qui s'abat sur les buts de Desfossé. Tentant maladroitement de gérer leur avance, les lillois reculent trop et sont logiquement punis : peu après l'heure de jeu, Hillier met à contribution Desfossé d'une frappe sèche que ce-dernier ne peut que repousser dans les pieds de Fecchino qui n'a plus qu'à conclure. 2-1, Cannes revient dans la partie ! Dès lors, la partie s'enflamme. Les contacts sont plus rudes, notamment de la part de Fecchino, particulièrement nerveux. Les Cannois poussent mais se découvrent et, à 15 minutes de la fin, ils se font prendre sur un contre conclut par Winckelman. 3-1 fin du match ? Et bien non ! Refusant de s'avouer vaincu, les coéquipiers de Francis Roux repartent à l'attaque et, en deux minutes, refont leur retard grâce à un but de Caleca et une tête de Tourniaire sur corner ! 3-3, le public s'embrase ! On croit alors à la prolongation mais les joueurs sont épuisés des deux côtés. A la 86ème minute, sur un ultime ballon sur son aile, Winckelmans prend le meilleur sur son vis-à-vis et trompe le malheureux Roux. Cette fois, la messe est dite : l'Olympique Lillois remporte le premier championnat de France professionnel de l'histoire. Les lillois peuvent entamer le tour d'honneur sous l'oeil ému de leur président Henri Jooris. Au terme d'un match d'exception, ils viennent d'entrer dans l'histoire.
Conclusion sur une saison de professionnalisme
Conclue en apothéose par une superbe finale première saison "pro" de l'histoire du football français n'a pas totalement convaincue. Si le spectacle sur le terrain a été de bonne facture et que des progrès ont été réalisés, le relatif intérêt porté par le public à la compétition, la polémique autour du match OL - OM et la terrible affaire de corruption impliquant le FC Antibes viennent nuancer ce bilan. Alors, premier épisode d'une longue histoire ou projet voué à l'échec ? L'avenir nous le dira !
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