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Le football à travers les siècles : le premier match international (4/X)

Dernière mise à jour : 24 mai 2023

En 1870 à Londres, anglais et écossais s’affrontaient pour le premier match international de l’histoire du football.


La F.A. monte en puissance


Après des débuts timides, la jeune Football Association lancée en 1863 commence à se développer. En 1870, elle compte près de cinquante clubs membres contre seulement dix trois ans plus tôt. Grâce à cette montée en puissance de la F.A., de plus en plus de clubs de football partagent des règles communes, ce qui facilite la multiplication des rencontres. Fort de son succès en Angleterre, le ballon rond a commencé à se propager doucement dans les autres pays du Royaume-Uni mais, jusqu’à présent, les Anglais sont les seuls à disposer de leur propre fédération nationale de football. En théorie, cette absence de tout homologue étranger aurait dû rendre totalement impossible la tenue d’un match international. Pourtant, au comité de direction de la F.A., un jeune homme de 21 ans n’est pas de cet avis. Il s’appelle Arthur Kinnaird, est défenseur au Wanderers Football Club et compte bien organiser le premier match international de l’histoire.


Arthur Kinnaird, un anglais chez les écossais


Pour mener à bien son projet, Kinnaird sait qu’il va devoir être inventif. L’absence d’une fédération écossaise qui adopterait les règles de la F.A. rend pratiquement impossible la constitution d’une véritable équipe nationale d'Ecosse. De plus, la situation en Angleterre, est à peine plus favorable. En effet, si la F.A. est en pleine ascension, elle est encore loin d’être la grande régisseuse du football anglais. Son aura peine à dépasser son Londres natal et elle est pour ainsi dire presque totalement ignorée par la majorité des clubs de provinces. Les règles de la F.A. n’étant que peu utilisées en dehors de la capitale, il est là aussi difficile d’effectuer une véritable sélection constituée des meilleurs joueurs de tout le pays.

Dans ces conditions, Kinnaird doit donc s’adapter. Pragmatique, il décide de limiter la sélection visiteuse aux seuls écossais vivant à Londres. Côté anglais, aucune règle du genre n’est énoncée mais dans les faits, tous les joueurs composant la sélection sont issus de clubs londoniens. Pour choisir les joueurs, Kinnaird passe une annonce dans le journal Field le 22 janvier 1870. Les critères de sélection sont assez simples : les candidats doivent seulement être licenciés dans un club affilié à la F.A. Ensuite, c’est aux capitaines des deux équipes de faire leur choix, Charles Alcock pour l’Angleterre, Arthur Kinnaird pour l’Écosse. Petit problème : comme beaucoup de ses coéquipiers, Arthur Kinnaird n’est pas écossais mais anglais ! Manquant visiblement de « véritables » écossais londoniens, Kinnaird a ouvert les portes de la sélection écossaise a des joueurs qui, comme lui, étaient des descendants d’écossais. Grâce à ce tour de passe-passe, le jeune membre du comité de direction de la F.A. a pu mettre sur pied une équipe redoutable au sein de laquelle figure William Gladstone jr, fils du Premier Ministre du Royaume-Uni de l’époque (et lui aussi anglais).A cette époque, le football est encore un jeu d’aristocrates et de bourgeois, bien loin du people’s game qu’il deviendra par la suite.


Coup de froid et goal volant.


Initialement prévu pour le 19 février, cette première rencontre internationale est finalement reportée à cause de la vague de froid qui s’abat sur Londres en ce début d’année 1870. Si le gel de la Tamise fait le bonheur des amateurs de patins à glace, l’épaisse couche de givre qui recouvre The Oval, terrain du quartier de Kennington où doit avoir lieu la rencontre, rend la tenue du match impossible. A l’arrivée, le match a lieu deux semaines plus tard, le 5 mars 1870. Bien que légèrement remaniée à cause du report de la rencontre, l’équipe d’Écosse fait plus que bonne figure face aux « inventeurs du football ». Leur résistance agace même Charles Alcock, gardien et capitaine du onze anglais qui décide de déserter ses buts pour donner un coup de main à ses attaquants. L’erreur se paie cash : le jeune Robert Crawford, tout juste 17 ans, profite de l’absence d’Alcock dans les buts anglais pour ouvrir le score d’un tir lointain. A quinze minutes du terme, l’Écosse vire en tête et pense tenir l’exploit. C’est sans compter sur le talent de l’anglais Alfred Baker qui arrache l’égalisation au terme d’un raid solitaire dans les tous derniers instants du match. Le match se solde sur un match nul qui fait le bonheur de la foule présente. Dans son article consacré à la rencontre, un journaliste du Guardian écrit : « Le match a suscité un intérêt extraordinaire, le terrain étant encombré par la présence de nombreux spectateurs. »


Version officielle


Du fait de la limitation de la sélection écossaise aux seuls joueurs écossais vivant à Londres, la rencontre de 1870 ne sera pas homologuée comme étant le premier match international de l’histoire. Pour les sources officielles, celui-ci n’aura lieu que deux ans plus tard, le 30 novembre 1872 très exactement. Disputé à Glasgow devant 4 000 spectateurs, il met toujours aux prises anglais et écossais à la différence que cette fois, tous les écossais ont pu prétendre à la sélection. A l’arrivée, l’équipe d’Écosse se composera uniquement de joueurs du Queen’s Park FC, club doyen du football écossais. Parmi les 22 pionniers de la rencontre de 1870, aucun n’est sur le terrain ce jour-là. Que sont-ils devenus ? Mystère ! Le jeune Robert Crawford, que l'on peut considérer comme le premier buteur de l'histoire du football international demeure aujourd'hui encore un parfait inconnu, au contraire de Charles Alcock, le gardien volant. Sélectionneur anglais et grand instigateur de cette rencontre de 1872, Alcock est bien à Glasgow mais il ne peut tenir sa place à cause du blessure. Quant à Arthur Kinnaird, bien que sa présence dans le onze écossais ait été souhaitée, il ne peut effectuer le déplacement. Sans leurs capitaines, anglais et écossais se neutralisent et la rencontre se termine sur un triste 0-0 malgré des schémas tactiques résolument offensives : selon les historiens, les écossais évoluent ainsi en 2-2-6 là où les anglais préfèrent un 1-1-8 ! Qu’importe le résultat, ce premier match officiel en appellera beaucoup d’autres puisqu’à partir de cette rencontre, anglais et écossais s’affronteront au moins une fois par an durant de nombreuses années...


A suivre…



Sources :

- Andy Mitchell, First Elevens, The Birth of International football, 2012.

- Paul Mitchell, « The First International football match », article en ligne sur le site de la BBC.

- « 5 march 1870, England VS Scotland at The Oval », article en ligne sur le site du Guardian.

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