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Les souvenirs de Pierre Chayriguès, chapitre 5

Cet été, Foot Universal vous propose de redécouvrir les souvenirs de Pierre Chayriguès parus en 1929 dans le journal L'Auto. Gardien de l'Equipe de France entre 1911 et 1925, Chayriguès fut le joueur français le plus populaire en son temps avant de faire polémique en devenant le premier international à avouer avoir été rémunéré tout au long de sa carrière.


Préambule de Foot Universal


A la fin de notre dernier épisode, nous avions laissé le jeune Pierre Chayriguès, tout juste 13 ans et toujours en train de jouer des parties "pour le plaisir" contre une équipe de l'école rivale à la sienne. Depuis, celui que tout le monde surnomme "Pierrot" a fait son petit bonhomme de chemin. Après avoir débuté en club à l'âge de 13 ans du côté de l'USA Clichy, il a évolué au C.A. Socialiste Levallois avec qui il avait commencé à se faire un nom. De retour du côté de l'USA Clichy en 1908 à l'âge de 16 ans, Chayriguès commence à entrevoir la possibilité de faire carrière dans le football... mais, pour l'instant, sans être professionnel puisque celui-ci est strictement interdit en France. C'est donc un Pierre Chayriguès prêt à croquer l'avenir à pleines dents que l'on retrouve à l'aube de la saison 1910-1911. Il n'est alors âgé que de 18 ans.


"25 ans de football par Pierre Chayriguès", Chapitre 5.


Un beau rêve


"Dès lors, mon rêve était réalisé ! J'étais le gardien de but d'une des meilleurs équipes de Paris, je disputais le Championnat de Division d'Honneur et j'avais pour partenaires ou adversaires les meilleurs joueurs de football de Paris. J'acquis bien vite avec un peu de renommée la réputation d'être un bon gardien de but. Je n'avais plus qu'un rêve à réaliser : devenir international !


Mes efforts en 1910-1911


Mais on ne devient pas international simplement parce qu'on le veut, si violemment qu'on le veuille. Il faut travailler d'arrache-pied, étudier, prendre du métier et surtout convaincre les sélectionneurs* de ses propres mérites. C'est à quoi je m'appliquais toute la saison 1910-1911. J'avais des modèles devant moi qu'il s'agissait non pas d'égaler mais de dépasser : Beau du C.A. Paris plus connu sous le nom de Coulon**, Parsys de l'US Tourcoing et de Gastine du R.C.F. C'étaient là, croyez-moi, de grands joueurs, plein de qualités aussi bien intellectuelles que physiques.

Je travaillais aussi à améliorer mon style. J'avais remarqué que les goalkeepers français bloquaient très rarement la balle. Lorsque celle-ci leur arrivait de côté, à mi-hauteur, ils plongeaient, paraient, et renvoyaient parfois le ballon dans les pieds de l'adversaire. J'étais souple et je ne craignais pas de me jeter, en plongeant en longueur, sur une balle qui arrivait du côté du but opposé à celui où je me trouvais et je cherchais toujours à m'assurer le contrôle du ballon. J'avais encore le souci constant de ne jamais dégager au petit bonheur, je bottais assez fort et mes coéquipiers pouvaient profiter de cet avantage.


Je deviens professionnel


Ici, mes chers amis, me voici arrivé à un tournant de ma carrière sportive et de mon histoire. (...)*** Voyons donc venir à moi les serpents tentateurs. Vous allez voir qu'il s'en trouva à tous les degrés de l'échelle sportive.

Le premier serpent qui me tenta répondait au nom de Richard. Il était ce satané Richard, manager du Red Star Football Club. Il eût vent que j'allais refaire une saison à l'U.S.A. Clichy, il vint me voir et me tint, à peu près, ce langage : "Qu'allez vous faire là, jeune écervelé qui n'avez même pas encore 20 ans ? Vous n'en savez rien sans doute. Eh ! bien, je vais vous l'apprendre : vous allez tout simplement enterrer votre carrière de joueur, une carrière qui s'annonçait pourtant si bien !

- Et pourquoi, répliquais-je, vais-je enterrer si bien ma carrière de joueur en restant à l'U.S.A. Clichy ? C'est un excellent club, je suis en équipe première...

- Enfant ! me susurra Richard, l'U.S.A Clichy est évidemment un bon club mais le Red Star est à peu près le seul club, en France, qui chaque saison rencontre à Paris ou à l'étranger les plus grandes équipes d'Europe. Sa réputation est considérable et vous y deviendrez, beaucoup plus vite et beaucoup mieux qu'à Clichy, un grand international !

Il faut vous dire que ce Richard était un homme fort habile et un parfait organisateur. Il avait "pigé" depuis longtemps que le football anglais devait sa réputation mondiale à ses joueurs professionnels. Il a, d'ailleurs, contribué pour une très large part à la réputation du Red Star qui est, encore aujourd'hui, considéré comme le premier club français à l'étranger. Mais il ne m'avait pas encore convaincu. Et d'abord, une chose m'éberluait un peu. Autant je comprenais l'Angleterre qui avouait ses professionnels, autant je comprenais peu ce club qui voulait faire comme les Anglais, sous la bannière de l'amateurisme. Il est vrai que je n'avais que 19 ans. Puis j'avais du chagrin de quitter mes amis de l'U.S.A Clichy et ceci luttait avantageusement contre les tournées en Europe Centrale, en Belgique, en Suisse que ce damné Richard me faisait miroiter...

A suivre...


Notes


* à l'époque, l'Equipe de France ne dispose pas d'un sélectionneur unique mais d'un comité de sélection.

** Appelé à cinq reprises en Equipe de France en 1911, Henri "Coulon" Beau avait pour particularité de rechigner à se servir de ... ses mains !

*** Chayriguès rappelle ici que le professionnalisme est venu à lui mais qu'il n'a pas chercher à devenir pro. Il explique également que son statut social plus que modeste ne lui permettait pas de pouvoir refuser ce professionnalisme. Le passage coupé constitue en somme un rappel du chapitre 1.


Sources


L'Auto, 13 mars 1929


Épisodes précédents :


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