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Tableau Noir : Bordeaux 2008-2009

Plus que jamais proche de la Ligue 2, les Girondins de Bordeaux ont connu une véritable descente aux Enfers ces dernières années. Pourtant, il y a de ça seulement treize ans, le club au scapulaire impressionnait la France du football, porté par un Yohann Gourcuff au-dessus du lot. Retour sur une saison d'exception.

Ulrich Ramé soulevant le titre de champion de France à l'issue de la saison 2008-2009. 20 minutes.

Préambule


Après une saison 2007-2008, la première de l'ère Laurent Blanc, les Girondins de Bordeaux abordent la saison 2008-2009 avec un effectif qui n'a guère connu de bouleversements. Hormis Johan Micoud parti à la retraite, tous les cadres sont restés et le club s'est même renforcé avec les arrivées du prometteur Yoan Gouffran, de l'argentin Diego Placente et surtout du jeune milanais Yoann Gourcuff, débarqué en prêt avec option d'achat. Auteurs d'une préparation convaincante, les Bordelais la concluent même de la plus belle des manières en s'adjugeant le Trophée des Champions face à un OL qui le confisquait depuis 2002. Dauphins des Rhodaniens avec seulement 4 points de retard à l'issue de la saison 2007-2008, les Girondins semblent les plus à même de faire tomber le club de Jean-Michel Aulas de son trône sur lequel il règne depuis sept ans déjà.


Schéma tactique et présentation des joueurs


Pour cette saison 2008-2009 des Girondins de Bordeaux, il a été difficile de déterminer une équipe-type tant Laurent Blanc a alterné tout au long de la saison entre deux schémas : le 4-2-3-1 présenté ici et un 4-4-2 en losange avec une attaque Chamakh-Cavenaghi. Toutefois, après quelques tâtonnements en début de saison, le champion du monde 1998 avait su dégager une véritable colonne vertébrale composée du capitaine Ramé dans les buts, de la charnière Diawara-Planus, d'Alou Diarra à la récupération, Yohann Gourcuff à la création et Chamakh ou Cavenaghi à la finition. Parmi les remplaçants, Jurietti avait débuté la saison titulaire avant l'émergence de Trémoulinas tandis que des Henrique, Jussiê ou Bellion ont eux aussi pu avoir leur chance.

Du point de vue de l'animation, le Bordeaux de la saison 2008-2009 dépendait en grande partie de Yoann Gourcuff. Véritable meneur de jeu, le nouveau chouchou du Stade Chaban-Delmas était l'homme par qui passait tous les ballons, celui capable d'éclairer le jeu bordelais par une passe, un dribble ou un but. Auteur de 12 buts et 8 passes décisives en Ligue 1, il terminera d'ailleurs fort logiquement meilleur joueur du championnat cette saison-là. Adepte du jeu de possession, Laurent Blanc avait réussi à imposer sa patte sur ces Girondins. Son milieu de terrain Diarra-Fernando-Wendel-Gourcuff constituait un quatuor technique, capable d'imposer son jeu à l'adversaire. Derrière, la charnière Planus-Diawara constituait une paire solide et complémentaire avec un Diawara intraitable au duel et un Planus performant dans les relances. Devant, la présence de Chamakh et de son excellent jeu de tête rendait les Girondins extrêmement dangereux sur coups de pieds arrêtés, surtout avec des tireurs comme Wendel et Gourcuff. Parfois titulaire, parfois remplaçant de luxe, l'argentin Cavenaghi, redoutable finisseur, permettait aussi aux hommes de Blanc de se sortir de situations compliquées face à un bloc bas. Toutefois, c'est bien face à ce genre d'oppositions que les Bordelais connurent le plus de difficultés. Ne possédant que Gouffran comme attaquant capable de se projeter rapidement, les Bordelais eurent parfois du mal à trouver la clef face à des défenses compactes, caractéristiques de ces années-là. A titre de comparaison, là où seulement 4 clubs dépassèrent les 50 buts à l'issue de la saison 2008-2009, ils étaient 11 à le faire en 2020-2021...


Le déroulé de la saison


Débuts poussifs


Le début de saison des Girondins est on ne peut plus poussif. Si Gourcuff se montre décisif dès la victoire contre Caen lors de la première journée (un but et une passe décisive, victoire 2-1), les Girondins peinent à trouver la bonne carburation. Surpris par le PSG au Parc lors de la deuxième journée (1-0), ils tombent de nouveau à Villeneuve d'Ascq face au LOSC lors de la quatrième (2-1). Pire encore, la première journée de poule de Ligue des Champions face à Chelsea vire à l'humiliation : une terrible défaite 4-0 à Stamford Bridge et des propos humiliants de l'entraîneur adverse Luiz Felipe Scolari : "Parfois, il m'a semblé qu'on ne songeait qu'à marquer n'importe comment, sans rien préparer. Contre une équipe meilleure que Bordeaux, cela aurait pu être très embêtant." Risée de l'Europe après cette rencontre, les vice-champions de France sont également déjà loin en championnat : à l'issue de la 7ème journée, ils pointent à une triste septième place à 8 points du leader lyonnais.


La Gourcuffmania


Peut-être sonnés par la claque reçue en Angleterre, les Girondins trouvent enfin leur rythme de croisière à partir de la fin du mois de septembre. Malgré un faux pas rageant à Nancy (1-0 lors de la 12ème journée), et une défaite à Gerland face à Lyon, les Bordelais réussisent une belle première partie de saison puisqu'à la trêve, ils pointent à la deuxième place, à seulement trois points des Gones. Symbole du retour en forme des bordelais, Yoann Gourcuff est la grande attraction de ces premiers mois de compétition. Virevoltant avec le maillot au scapulaire, le meneur de jeu a également réussi ses débuts en Bleus en inscrivant notamment un superbe doublé face à la Roumanie pour sa 4ème sélection. Dans une interview à L'Equipe, le meneur de jeu des Girondins se montre toutefois assez mal à l'aise avec cet emballement médiatique autour de sa personne. Craignant une forme d'usure, il explique "avoir encore peur de ne pas garder un état d'esprit, une condition physique et une motivation identiques." En le voyant obligé de démentir une rumeur sur une prétendue relation avec la nageuse Laure Manaudou et contraint de répondre à la stupide question "Etes-vous le nouveau Zidane ?", il est difficile de se dire que toute cette attente autour de lui n'a pas eu un impact sur la suite de sa carrière. En janvier, après un but exceptionnel face au PSG où il élimine toute la défense parisienne avec une roulette suivie d'un double-contact avant de conclure de l'extérieur du pied, L'Equipe titre "Le successeur" en apposant la photo du Bordelais aux côtés de celle de Zizou. Miné par les blessures, Gourcuff terminera sa carrière dans l'anonymat à Dijon dix ans plus tard, bien loin de la lumière que son talent et sa classe auraient mérité...


La claque toulousaine


Eliminés de la Ligue des Champions à l'issue de la phase de poules (3ème derrière Chelsea et la Roma), les Bordelais sont reversés en Coupe de l'UEFA où le tirage au sort leur assigne une double confrontation face aux Turcs de Galatasaray. Après un 0-0 poussif à Chaban Delmas, les Girondins réalisent un superbe match en Turquie mais cèdent dans les derniers instants d'une rencontre folle (4-3). La défaite, ô combien cruelle, vient mettre fin à un mois de février désastreux pour les hommes de Blanc qui n'ont pris que 3 points en 4 matchs de championnat. Si la courte victoire face à Lorient (1-0) grâce à un but de Chamakh semble pouvoir leur permettre de repartir de l'avant, ils s'effondrent dès le week-end suivant lors du "derby de la Garonne" à Toulouse. Malgré une possession de jeu largement en leur faveur (60%), Gourcuff et ses coéquipiers s'effondrent sous les coups de butoir de Gignac et sa bande. La défaite 3-0 ulcère le président Triaud qui vient pousser un énorme coup de gueule dans le vestiaire en fixant à ses joueurs un défi impossible : remporter les onze dernières rencontres du championnat. Nous sommes au soir de la 27ème journée, Bordeaux pointe à la 5ème place à 6 points du leader lyonnais.


"Remontada" bordelaise


Bousculés par leur président ("il nous a presque insulté !" se remémore en rigolant Souleymane Diawara), les Bordelais vont terminer la saison en boulet de canon. Emoussé depuis quelques semaines, Gourcuff retrouve toute sa magie et lorsque Gourcuff va, tout va : Chamakh empile les buts, Wendel retrouve le niveau qui était le sien en 2007-2008 et Bordeaux enchaîne les victoires ! En pleine confiance, les hommes de Blanc se sortent désormais de situations désespérées comme face à Nancy (1-0), où Chamakh délivre Chaban-Delmas à la dernière minute et surtout face à Rennes lors de la 33ème journée, véritable tournant de la saison pour les joueurs. Quatre jours après leur victoire en finale de Coupe de la Ligue, Ramé et compagnie se déplacent ainsi chez des Bretons invaincus chez eux depuis le début de saison. Et, dès le début, la rencontre vire au cauchemar. Menés 1-0 au bout de quelques secondes de jeu, les Girondins sont réduits à 10 après l'exclusion sévère de Planus à la demi-heure de jeu. Mais pourtant, alors que les Rennais semblent maîtres de leur sujet, les Bordelais vont revenir grâce à une belle volée de Gouffran avant de prendre l'avantage sur un superbe coup-franc de Gourcuff. Semblant filer vers une victoire héroïque, ils se font reprendre à quelques minutes de la fin sur un but de Moussa Sow. Oui mais voilà, ce Bordeaux là avait un mental de champion et un joueur d'exception dans ses rangs. Ainsi, dans les dernières secondes du temps additionnel, Gourcuff, encore lui, vient arracher la victoire finale. A propos de ce match de folie, Diawara dira plus tard «Quand tu sens que tu es invincible, c’est comme si tu es un héros, il ne peut rien t’arriver. À partir de là, on s’est vraiment senti capable de tout.»

Capables de tout et surtout du meilleur. Profitants de l'effondrement de l'OL et malgré un OM d'Eric Gerets exceptionnel, les Bordelais vont relever le formidable défi imposé par Jean-Louis Triaud au soir de la défaite à Toulouse. Après un ultime succès à Caen, ils achèvent leur saison sur une onzième victoire consécutive, synonyme de sixième titre de champion de l'histoire du club. Treize ans plus tard, le club au scapulaire, passé sous la main de propriétaires plus intéressés par l'argent que le football, s'apprête à évoluer de nouveau en Ligue 2 pour la première fois depuis 1992.

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