Mais comment jouait l'Olympique Lillois, vainqueur du tout premier championnat de France professionnel de l'histoire ? A l'occasion de la sortie de leur livre "Lille, capitale du football français" consacré à ce premier sacre de l'O.L., Damien Boone et Maxime Pousset ont tenté de répondre à cette grande question !
Préambule
Le 14 mai 1933, l'Olympique Lillois remporte le premier championnat de France professionnel de football à l'issue d'une finale remportée contre Cannes (4-3). C'est l'aboutissement d'une saison presque parfaite pour ceux qu'on surnomme déjà les "Dogues".
Au cours de la saison, le président du club, Gabriel Caullet, résumait ainsi la manière dont l'effectif lillois avait été construit :
"Nous avons fait un cocktail : un peu du jeu anglais d’attaque en pointe par les trois hommes du centre, une once de jeu hongrois pour éclairer les phases confuses et gagner un peu de terrain, le tout imprégné de la manière rude et forte chère aux Flandriens dont les qualités de cran et de vitesse ne demandent qu’à être utilisées" (Le Grand Echo du Nord, 26 novembre 1932).
Cette déclaration semble faire du mélange de quelques joueurs aux caractéristiques spécifiques, reliées à leurs origines, la clé d'un succès qui aurait été savamment pensé et même anticipé. Or, ces propos méritent plusieurs éclaircissements, autant pour ce qu'ils disent que pour ce qu'ils ne disent pas.
Le football : un sport tactique qui nécessite un apprentissage
Tout d'abord, les propos du président Caullet montrent bien l'intérêt porté aux considérations tactiques. La lecture "identitaire" du football - à certaines nationalités ou origines régionales répondraient certaines qualités techniques ou physiques - est l'illustration d'une complexification de la vision du football, qui a mis quelques années à s'autonomiser d'autres pratiques, comme le football-rugby, avec lequel il a souvent été confondu jusqu'au milieu des années 1900. On est donc bien loin ici d'un jeu basé sur la seule "intelligence du muscle", sorte de kick and rush typique des débuts du football-association, où deux arrières se contentaient d'expédier de longs ballons à leurs avants, et où l’exploit individuel primait sur toute forme d’organisation collective. Le football association n'est plus une pratique "barbare" : la saison 1932/1933 s'inscrit dans la lignée d'une division toujours plus grande des tâches sur le terrain, ce qu'a notamment étudié l'universitaire Olivier Chovaux, avec le Nord pour terrain d'étude1 ; la presse utilise régulièrement l'adjectif "scientifique" pour décrire un jeu dans lequel la finesse, la réflexion et l'anticipation sont aussi des qualités valorisées. Ainsi, après une confrontation amicale contre le Sparta Prague en novembre 1932, la presse nordiste loue quelques subtilités du jeu des Tchèques :
« les Tchèques sont certainement nos maîtres en football et la passe est faite à l’homme démarqué sans qu’elle soit annoncée comme chez nous par certains demis servant leurs avants » (La Croix du Nord, 28 novembre 1932).
Il est d'ailleurs à noter que, pour cette saison 1932/1933, l'OL se dote pour la première fois - officiellement - d'un entraîneur : il s'agit du Belge Robert De Veen, ex-international chez les Diables rouges. Dans les faits, l'OL a déjà fait appel à des entraîneurs, dès les années 1910 (Charlie Williams, Maurice Bunyan), ou à des joueurs, capitaines, qui faisaient office d'entraîneur (Jean Ducret, Maurice Gravelines), mais leur rôle était officieux, probablement parce cette activité était rémunérée, pratique interdite à l'époque. La professionnalisation du football français en 1932 s'accompagne donc d'une institutionnalisation de la fonction d'entraîneur, qui s'impose progressivement comme une figure incontournable de chaque équipe. On lit ainsi dans le magazine Football du 21 juillet 1932 :
« L’entraîneur est indispensable. Un club professionnel qui n’aurait pas son entraîneur ou qui ne saurait pas organiser un entraînement sérieux serait largement handicapé.».
Dans les faits, l'entraînement est assez peu contraignant et s'apparente davantage à de l'éducation physique. Quant à l'influence de l'entraîneur, elle reste à déterminer : à l'Olympique Lillois, Henri Jooris, même officiellement retiré - il n'est "que" président d'honneur depuis le printemps 1932 - est réputé avoir toujours été très interventionniste, y compris sur la composition de l'équipe.
L'Olympique Lillois entre engagement et finesse
Jeu tactique, le football peut donc aussi être beau, et la presse locale se réjouit de voir parfois l'OL déployer un « football précis, rapide, scientifique,[il] a esquissé des mouvements offensifs superbes d'intelligence et de variété et montré en toute circonstance une maîtrise de soi, un sang-froid et un allant admirables », comme ici face au CA Paris lors de la 3e journée (Le Grand Echo du Nord, 26 septembre 1932). À l'inverse, le même journal stigmatise le comportement des Marseillais, lors de la première journée de championnat, qui jouent dur et ont renoncé à toute élaboration du jeu pour conserver leur avantage : "les visiteurs ferment maintenant le jeu et leurs arrières dégagent en touche" (Le Grand Echo du Nord, 12 septembre 1932).
Si le football est désormais bien plus qu'une lutte physique, cela ne signifie pas pour autant que les qualités physiques ont été abandonnées. Elles restent un élément central du jeu, mais ne sont valorisées que si elles se doublent d'un certain "sens du jeu". La presse nordiste aurait d'ailleurs tort de déprécier les aspects physiques car, précisément, l'OL est réputé pour jouer durement, qualité traditionnellement associée aux Anglais, mais aussi aux hommes du Nord. Gabriel Caullet leur prête "la manière dure et forte", façon adoucie d'évoquer une brutalité pas toujours bien placée. L'équipe lilloise est considérée par les observateurs comme athlétique, composée de joueurs robustes et résistants. Son style sobre, porté vers l’avant, est même qualifié « d’anglais », là où d’autres équipes pratiquent un jeu élégant mais moins efficace. C'est à travers certains termes euphémisés que l'on devine les qualités athlétiques des Dogues, comme après un match à Paris : « À quoi Lille dût-il sa victoire ? À sa défense et à son cran".
Une réputation « physique » à entretenir
Ces qualités des Lillois ne sont pas propres à cette saison 1932/1933 : déjà, en 1914, quand l'OL avait remporté le "Trophée de France", la presse parisienne avait été impressionnée par la capacité des Nordistes à jouer de manière directe, brutale, et devant un public qui lui était souvent hostile (plusieurs matches avaient eu lieu en région parisienne, et les querelles fédératives de l'époque faisaient que l'OL jouait en terrain miné). Après la finale remportée contre VGA Médoc, les Lillois s'étaient plaint qu'Alphonse Six ait été "massacré" : ouvert à l'arcade sourcilière, il avait toutefois tenu bon et rendu coups pour coups. L'Auto écrivait :
« Jamais finale de championnat ne fut disputée avec un pareil acharnement et de manière aussi peu courtoise (…) Les charges sont dures et fréquemment des hommes sont touchés (...) La partie fut arrêtée plus de 20 fois pour faits de brutalité (…) La victoire des Lillois n’eut donné prise à aucune critique si les champions du Nord avaient joué un peu moins dur".
Selon le quotidien parisien, avec un autre arbitre que celui-ci (« totalement insuffisant pour réprimer les fautes »), « Degouve et Gravelines auraient subi deux pénalties, voire l’exclusion ». 3 jours après, L’Auto, insiste : « ce fut du football de combat ».
Le magazine La Vie au grand air, quant à lui, indique que, durant la première période, Lille a adopté le « cup game » ou « jeu de coupe », qui consiste à « revenir au but par le chemin le plus court sans s’attarder en de vaines combinaisons ; procéder par des dribblings en force et de rapides dégagements ; harceler sans cesse l’adversaire en possession de la balle. Bref, remplacer l’adresse et la ruse par la vigueur et la prompte décision » ; pour Ouest-Eclair, les Lillois ne sont rien d'autre que des gros bourrins : « pratiquant le même jeu qui leur a valu toutes leurs récentes victoires, les Blanc & Rouge n’ont jamais cherché à montrer aucune finesse. Mais aussitôt en possession du ballon, les avants allaient droit devant eux, jusqu’à ce que l’obligation de passer leur fût imposée ou qu’ils obtinssent une chance de shooter ».
On le voit donc : les olympiens ont une réputation et se chargent de l'entretenir, tout en incluant la part de finesse désormais requise dans le football, à travers, par exemple, l'Ecossais John McGowan, décrit par la presse comme un joueur « très fin et subtil ». De manière générale, l'OL reste donc composé de grands types costauds qui correspondent bien à l'image que l'on se fait des Nordistes. Le jour de la finale en mai 1933, L'Auto remarque bien la morphologie différente des Lillois et des Cannois : « il est facile de constater la différence d’aspect et de gabarit des deux équipes. Puissance et masse imposante chez les hommes du Nord. Les Cannois légers, fins et nerveux. »
L'OL, dernier parti, premier arrivé
Enfin, la déclaration de Gabriel Caullet ne mentionne pas que la constitution de l'effectif de l'OL en 1932/1933 a été en partie contrainte et réalisée dans l'urgence.
Il faut ici rappeler que l'OL, après moultes tergiversations2, s'est engagé à la dernière minute dans le championnat professionnel, parce qu'un autre club lillois, le Sporting Club de Fives, qui ne comptait que quelques saisons sans éclat dans le championnat du Nord, s'y est engagé, devançant son prestigieux voisin ! L'OL ne pouvait pas prendre le risque d'être relégué dans la hiérarchie régionale. De plus, dès son adhésion au championnat et avant que l'OL ne se décide, Fives débauche trois joueurs de son voisin, attirés par la perspective d'être payés pour jouer au football, et pas des moindres : le demi-centre André Cheuva, l'avant-centre anglais George Berry, et le gardien et capitaine, Louis Vandeputte.
L'OL doit donc non seulement se renforcer pour compenser ces récents départs ; mais aussi et surtout pour être compétitif dans ce nouveau championnat dont on dit qu'il sera d'un niveau très supérieur que les championnats régionaux, ainsi que la Coupe Sochaux, sorte de championnat national avant l'heure de 1930 à 1932, en a déjà fait la preuve (l'OL a d'ailleurs été finaliste de la première édition). C'est donc dans la précipitation – l'adhésion de l'OL au championnat est validée le 31 juillet 1932 – que le comité directeur de l'OL doit se préparer au professionnalisme. Il faut donc bien comprendre la déclaration de Gabriel Caullet comme la rationnalisation a posteriori d'une séquence qui a été largement subie.
L'OL en 2-3-5
Robert de Veen organise son équipe dans un schéma tactique en 2-3-5. Si le célèbre système en « WM » (3-2-2-3), qui bientôt révolutionnera le football, a déjà été inventé par Arsenal et adopté en Angleterre depuis 1925, il est encore peu utilisé en France. Cela doit tant à une exportation tardive qu'à la réticence, à Lille... d'Henri Jooris. C'est ce que rapporte Olivier Chovaux (« Jooris ayant toujours refusé d’adopter le schéma tactique du WM3 »), preuve de l'autonomie toute relative du technicien brugeois, et de la toute-puissance de Jooris.
Le gardien Robert Desfossé, de Bully-les-Mines, est le premier à rejoindre les Dogues. Il est décrit comme « adroit mais téméraire ». Lui aussi est le reflet des évolutions du football, et de son poste en particulier. Penant longtemps, le gardien de but a été considéré comme un joueur de champ sans qualités propres. Hormis quelques exceptions, comme Zacharie Baton (gardien de l'OL de 1906 à 1908), dont la presse notait qu'il avait la bonne idée de se servir de ses mains ou, plus tard, Pierre Chayriguès, portier du Red Star, rares sont les gardiens à se distinguer pour leurs arrêts ou leurs sorties. Défossé se distingue par des méthodes d’entraînement innovantes qui renforcent les qualités demandées pour son poste, en se servant par exemple de sa pratique de la boxe et de la gymnastique pour travailler ses réflexes, sa souplesse, ses plongeons et ses interventions acrobatiques. Il connait une ascension spectaculaire et rejoint rapidement l'équipe de France.
Défossé est rejoint par Fernand Amand (parfois orthographié Aman), un percutant inter originaire d’Algérie qui débarque du RC Roubaix. Un contingent britannique complète le recrutement : il y a d’abord le meneur écossais Robert Watson et un dénommé Eastmann, frère de Georges Eastmann, illustre défenseur du FC Sochaux qui a rejoint le rival fivois. Cependant, ces deux recrues ne participent pas aux matchs officiels durant la saison 1932-1933 en raison notamment de la limite fixée par la FFFA à quatre joueurs étrangers pour les rencontres de championnat.
Le stratège McGowan : l'OL sous influence(s)
En revanche, l’expérimenté demi-centre écossais John McGowan tiendra un rôle majeur à l’OL. Il est même à l’origine du recrutement tardif mais réussi de l’attaquant anglais Bert Lutterloch – parfois orthographié Lutterlock – avec lequel il évoluait jusqu’alors au FC Tufnell Park de Londres. Dans une telle configuration tactique, McGowan est le véritable stratège de l’équipe : sa vision du jeu, la distribution des ballons et son placement dans l’entrejeu sont déterminants. Son physique correspond bien aux qualités requises pour son poste : on l'écrivait plus haut, il est décrit comme « très fin et subtil ».
Ces deux Britanniques rejoignent leur compatriote William Barrett, attaquant vedette, déjà Lillois depuis 1930, et si précieux dans sa capacité à peser sur les défenses adverses. Si, en 1932, d'autres clubs comptent quelques Anglais (l'Olympique de Marseille, notamment), on voit à quel point le club nordiste, au cours de son histoire, a su profiter de sa position géographique, proche du Royaume-Uni, pour attirer des joueurs d'Outre-manche. En effet, avant eux, certains de leurs compatriotes ont déjà joué dans les rangs de l'Olympique Lillois dans les années 1920 : on pense notamment à Buzza, dont la révélation de la fiche de paie en 1924 avait contraint Jooris à se retirer provisoirement de ses affaires footballistiques. La construction de l'identité footballistique de l'OL doit donc une part à l'Angleterre, tout comme l'histoire de sa structuration est nourrie d'inspiration belge (notamment sur le supportérisme, développé dès les années 1910, ou parce que l'OL a affronté, lors de prestigieuses rencontres amicales, de nombreux adversaires d'outre-Quiévrain, considérés comme bien supérieurs à ce que le football français proposait).
Les gars du Nord
Autour des Britanniques, l'OL est composé de jeunes Nordistes. Il y a le solide duo défensif formé par Jean Théry et Jules Vandooren. Le premier, joueur sobre et efficace, est présenté dans la presse comme « un personnage plutôt solitaire, continuellement plongé dans une profonde méditation » mais capable de se transcender sur le terrain. Le second, véritable « mur humain », est le chouchou des supporters. Considéré comme un « grand briseur d’attaque », l’Armentiérois Vandooren, dit « Grand Jules », est le pilier de la défense. Il aurait pu être un excellent sprinter avec ses 11 secondes au 100 mètres, ce qui montre bien la combinaison de la puissance et de la vitesse. On les observe pratiquer avec aisance ce qui constitue la panoplie de l'arrière moderne : tacle, relance, marquage.
Dans l’entrejeu s’illustre le Belge Georges Meuris, dépeint comme un « demi accrocheur au courage de lion ». On trouve à ses côtés le jeune Georges Beaucourt. Brillant élève en maths sup - maths spé au lycée Faidherbe de Lille, futur double champion de France universitaire de football, il sera nommé capitaine pour les matchs retour, après un match extrêmement heurté et scandaleux à Marseille (0-7), où il fut un des seuls à garder son self-control. Aux côtés de McGowan, les demis orientent le jeu et étendent leur registre technique : jeu de passes, sens du placement, récupération, couverture de balle.
Parti au Red Star dans la période d’incertitude entourant la participation de l’OL au championnat professionnel, l’inter gauche hongrois Zoltan Varga a vu sa licence non enregistrée. C’est ainsi que « Zoli » effectue son retour dans l’effectif de l’OL. Cet avant-centre de formation est arrivé trois ans plus tôt en provenance du MTK Budapest.
Sur l’aile droite, il y a le Douaisien Jacques Delannoy, un bon dribbleur aux déboulés fougueux, tout récent international français. À gauche, le Lambersartois Georges Winckelmans (prononcer « vinkeulmance », c'est un nom Flamand !), capitaine au début de la saison, est essentiel dans la réussite lilloise. Étrangement, ces deux joueurs de qualité ne jouissent pas d’une immense côte de sympathie auprès du public : Delannoy est considéré comme « impressionnable », tandis que Winckelmans a la réputation de vendanger.Il y a aussi le benjamin du groupe, l'ailier droit Urbain Decottignies, originaire de Marquette-lez-Lille et tout juste âgé de 19 ans.
Tous ou presque ont signé leur premier contrat professionnel, certains renonçant même à leurs études supérieures dans le but de faire du football leur métier avec un contrat de travail, un salaire fixe et des primes variables selon le rendement sportif.
Une saison interminable
C'est avec cet attelage hétéroclite, dont nous n'avons présenté que le noyau dur, que l'OL se lance dans une longue saison : 61 matches4 ! Il faut en effet se rendre compte que les footballeurs n'arrêtent pas de jouer : en plus du championnat, l'OL a toujours tenu à jouer des matches amicaux internationaux qui, dès les années 1900, ont contribué à accroître sa notorité et son prestige ; de plus, l'OL, pour « compenser » son absence dans la championnat du Nord, a contribué à mettre en place une « coupe du Nord » qui permet de perpétuer les chauds derbies de l'agglomération lilloise, très populaires avant le professionnalisme. Tout cela, sur des terrains souvent lourds, avec un équipement inconfortable, et avec un réseau de transports incomparable avec ce que l'on connaît aujourd'hui. Et pensons aux sélectionnés régionaux et nationaux, qui comptent quelques matches supplémentaires !
La finale contre Cannes, outre son scénario haletant (4-3), aura bien illustré les diverses qualités lilloises de cette saison : le premier but des Dogues à la 25e minute est 100% british, donc aérien : à la réception d’un coup franc lobé de McGowan, Lutterloch prolonge de la tête et surpend le gardien cannois. Le deuxième but lillois, de Varga, illustre l'opportunisme du Hongrois, qui profite d'un mauvais renvoi adverse. Menant 2-0 puis 3-1 en seconde période, les Lillois, apparemment perturbés par l'irruption de la pluie, sont rattrapés à huit minutes de la fin du temps réglementaire. Mais, dans un ultime effort, alors que quelques-uns de ses équipiers semblent épuisés (McGowan souffre d'une fêlure au pied), Decottignies déborde sur son côté droit et adresse un nouveau centre impeccable au sol. Barrett, étroitement marqué, laisse intelligement passer : « Georges Winckelmans s’était légèrement rabattu au centre. Il contrôla la boule qui s’ immobilisa sous son pied, jeta froidement, posément, un regard aigu sur Roux qui se dandinait l’air inquiet dans son but et déclencha son shoot, un shoot sec, fulgurant. ». C'est sur la combinaison d'un effort physique et d'une action intelligemment construite que les Lillois achèvent leur saison.
En dépit du manque de sources, de leur partialité et de leur caractère indirect (en l'absence de vidéo, nous ne disposons que de compte-rendus écrits dont on ne sait pas à quel point ils reflètent le jeu), il est possible d'approcher quelques éléments structurants du jeu lillois. On peut ainsi voir dans la saison de l'OL le triomphe d'un jeu « nordiste », lui-même produit de diverses influences qu'on retrouve aussi en partie à Roubaix, qui place cette même année ses deux clubs-phares, la Racing et l'Excelsior, en finale de la coupe de France.
Damien Boone et Maxime Pousset
Pour en savoir plus sur l'incroyable histoire de l'équipe qui remporta le premier championnat de France professionnel de l'histoire, retrouvez le tout nouveau livre de Damien Boone et Maxime
Pousset "Lille, capitale du football français : comment l'Olympique Lillois a remporté en 1933 le premier championnat professionnel" ici : https://leslumieresdelille.com/
1CHOVAUX Olivier, « « D'un jeu barbare à un jeu intelligent... ». Les mutations des styles de jeu du football nordiste (1880/1932) », Staps, 2004/3 (no 65), p. 111-122.
2Henri Jooris, président de l'OL depuis 1919, est pourtant un précoce et fervent partisan du professionnalisme, mais sa position change à la fin des années 1920 : il aimerait un professionnalisme qui ne soit pas "intégral", c'est-à-dire que les footballeurs seraient rémunérés pour leur activité sportive, mais en plus d'une activité professionnelle principale. En mars 1932, Henri Jooris donne sa démission de la présidence de l’OL. S'il met en avant un surplus d'activités Henri Jooris se trouve dans une situation cornélienne. Comme patron de l’OL, il est un partisan de la rémunération des joueurs. Au titre de président de la Ligue du Nord, il se montre un adversaire irréductible du football professionnel, dont l’avènement créerait un manque à gagner pour la Ligue du Nord.
3 Olivier Chovaux. Henri Jooris (1879/1940), ou l’incarnation du « césarisme sportif » dans l’entre-deux-guerres ?. Christian Dorvillé. Grandes figures sportives du Nord-Pas de Calais, Presses Universitaires du Septentrion, pp.71-90, 2010
4 6 matches de préparation d'avant-saison ; 19 matches de championnat ; 4 matches de Coupe du Nord ; 3 matches de Coupe de France ; 13 amicaux en cours de saison ; 16 amicaux en Afrique du Nord après le championnat
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