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Tableau Noir : on a revu Liverpool - Real Madrid 1981

Il y a 41 ans, le Real Madrid et Liverpool s'affrontaient déjà à Paris en finale de la Ligue des Champions. Retour sur la première finale de l'histoire entre les deux clubs.

Les joueurs des deux équipes entourent l'arbitre de la rencontre M. Palotai. Photo : Eurosport.

Préambule


En 1981, le Real et Liverpool, malgré leur statut de finalistes de la plus prestigieuse des compétitions européennes, ne sont plus au sommet de leur art. Ultra-dominateurs à la fin des années 1970, Liverpool est une équipe vieillissante que l'entraîneur du Real Vujadin Boskov n'hésite pas à qualifier "d'équipe de vétérans". Avec seulement trois titulaires âgés de moins de 30 ans, il est vrai que ces Reds là ne sont pas nés de la dernière pluie. Pourtant, toujours portés par leur leader d'attaque Kenny Dalglish, les hommes de Bob Paisley ont su faire parler leur expérience tout au long de leur parcours en disposant facilement des Finlandais d'OPS, des Ecossais d'Aberdeen et des Bulgares du CSKA Sofia avant de prendre le meilleur sur le redoutable Bayern Munich en 1/2 finale. Face à eux, le Real court quant à lui après son glorieux passé. Vainqueurs des cinq premières éditions de la Coupe d'Europe des Clubs Champions, les Merengue cherchent à remporter un titre qui les fuit depuis 1966. Pour se donner une chance d'accrocher une septième C1 à leur palmarès, les hommes de Boskov ont eux aussi connu un parcours plutôt facile (Limerick FC, Budapest Honved, Spartak Moscou) avant de faire tomber l'Inter Milan en demi-finale.


Les compositions d'équipe


Liverpool



A Liverpool, on considère souvent que la finale de 1981 marque le chant du cygne d'une des générations les plus brillantes de l'histoire du club. Sur les onze titulaires de la finale face au Real, huit étaient déjà là lors de la victoire face à Bruges en 1977-1978 (Clemence, Neal, Thompson, Hansen, Souness, McDermott, R. Kennedy, Dalglish). Parmi eux, l'immense Ray Clemence dispute ce soir là son dernier match sous le maillot des Reds après quatorze années de bons et loyaux services. Il sera imité dès 1982 par McDermott, Ray Kennedy et David Johnson, tous remplacés par l'avènement d'une nouvelle génération portée par Bruce Grobelaar, Ronnie Whelan et bien sûr Ian Rush, le futur meilleur buteur de l'histoire du club. Mais, en ce soir de mai 1981, l'équipe qui affronte le Real Madrid au Parc des Princes est encore celle qui domine l'Europe du football depuis 1977. Si Kenny Dalglish devant est la star de l'équipe, le milieu gauche Ray Kennedy fait partie des meilleurs milieux anglais de l'histoire, le gardien Ray Clemence est le dernier rempart de l'Angleterre depuis plus de 10 ans et la paire du milieu formée par Graeme Souness et Terry McDermott n'a que peu d'équivalent en Europe. En défense, si Alan Kennedy est souvent considéré comme le maillon faible de l'équipe, Hansen, Thompson et Neal sont des défenseurs hors-pair qui assurent une solidité à toute épreuve à l'équipe de Bob Paisley. Solidité, le mot est lancé. Si elle n'est peut-être pas la plus flamboyante de l'ère Paisley, l'équipe de 1981 forme un ensemble cohérent, difficile à bouger et efficace en attaque. Fort de ses années de succès, elle dégage une sérénité remarquable qui lui permet de ne jamais s'écrouler.


Real Madrid

Ah qu'ils sont loin les Gento, Puskas, Kopa et autres Di Stefano. Une dizaine d'années après le départ de ses légendes, le Real a perdu de sa superbe sur le papier. S'ils sont de très bons, voire de grands joueurs, les Del Bosque, Juanito et autre Santillana ne sont tout de même pas du même calibre que les vieilles gloires madrilènes. Néanmoins, là où il reposait autrefois essentiellement sur ses individualités, le Real de 1981 forme un ensemble bien plus homogène. Capables de bien défendre en équipe, les Merengue peuvent s'appuyer sur Stielike, Del Bosque et Angel pour assurer les récupérations et les premières relances. Derrière, l'arrière gauche Camacho est possiblement le plus grand latéral que l'Espagne ait connu (pas mal pour un pays qui a sorti Jordi Alba ou Dani Carvajal) tandis que devant, le capitaine Santillana et le très remuant Juanito font figure d'armes offensives principales de la Maison Blanche. Moins expérimentés mais plus jeunes, ces Merengue semblent, sur le papier, pouvoir rivaliser avec les Reds.


Le déroulé de la rencontre


Inutile de se raconter des histoires, la finale de 1981 est loin d'être la plus marquante de l'histoire de la Coupe d'Europe. Avec des joueurs usés par une saison longue des deux côtés, le niveau de jeu présenté est loin d'être à la hauteur de l'affiche. Solides et bien en place, les deux défenses vont prendre le dessus sur leurs adversaires. Chez les Reds, on peine à trouver Dalglish dans de bonnes conditions tandis que, côté madrilène, seul le petit Juanito, remuant mais individualiste, semble pouvoir provoquer du danger. Pour ses retrouvailles avec un club de son pays, l'anglais du Real Laurie Cunningham, qui décèdera tragiquement à 33 ans dans un accident de la route, passe quant à lui complètement à travers. Refusant de prendre des risques, les deux équipes se jaugent et la rencontre ne découle que de très peu d'occasions franches. En première mi-temps, seule une frappe d'Alan Kennedy bien détournée par le gardien du Real vient tromper l'ennui. Etouffés au milieu de terrain, notamment à cause de la prestation XXL du milieu gauche des Reds Ray Kennedy, les Merengue ne sollicitent même pas Ray Clemence durant les 45 premières minutes.

Au retour des vestiaires, ils se procurent enfin leur meilleure occasion de la rencontre. Bien lancé en profondeur, le latéral gauche Camacho part en un contre un face au portier anglais mais il échoue à ajuster son lob. Pendant cinq minutes, la rencontre semble ainsi s'ouvrir puis, elle s'éteint de nouveau. Les Reds prennent le dessus dans les duels mais ne parviennent pas à se montrer dangereux. Ce face à face stérile durera jusqu'à la 82ème minute, moment choisi par Alan Kennedy pour devenir le héros improbable du soir. Décrié à son arrivée (Bob Paisley dira même à la mi-temps d'un match "qu'ils ont tué le mauvais Kennedy") l'arrière gauche va entrer dans la légende des Reds sur une action d'apparence anodine. Sur une simple touche de Ray Kennedy (aucun lien de parenté entre les deux), il pénètre dans la surface, obtient un contre favorable et trompe Agustin d'une frappe lourde en angle fermé. 1-0, rideau, le Real ne reviendra pas et Bob Paisley deviendra le premier entraîneur à remporter la Ligue des Champions à trois reprises.

Alan Kennedy après son but victorieux. Photo : Eurosport.

Enseignements tactiques de la rencontre


Il y a quelques mois, nous avions revu l'incroyable finale de Ligue des Champions 1959 - 1960 qui avait vu le grand Real triompher de l'Eintracht Francfort par 7 buts à 3. Vingt ans plus tard, il est frappant de constater à quel point le football a évolué. En 1960, la notion de bloc équipe semblait être encore à ses balbutiements et la part belle était faite aux exploits individuels. Le visionnage du triomphe de Di Stefano et des siens nous avait donné la sensation d'assister à un football révolu, flamboyant offensivement mais peu organisé. Cette fois, notre impression fut totalement différente. Bien que disputée il y a plus de quarante ans, cette finale de 1981 nous semble bien plus proche de notre football actuel que du football de 1960.

Disposés dans des tactiques encore utilisées aujourd'hui (4-4-2 pour Liverpool, 4-3-3 pour le Real), les deux équipes forment des blocs cohérents, cherchant avant tout à laisser le moins d'espace possible à l'adversaire. De chaque côté, les défenseurs se préoccupent bien plus de la relance que ceux des années 60 et les latéraux participent davantage au jeu, en atteste le but de Kennedy mais surtout la prestation de Camacho pour les Madrilènes. Positionné en latéral gauche, le petit espagnol est un adepte du dépassement de fonction : non content de prendre son couloir, c'est lui qui obtient la plus grosse occasion du match pour les Espagnols en étant lancé en profondeur par Narvajas comme un pur avant-centre ! Homme fort de l'effectif Merengue, il n'hésite également pas à venir dans le cœur du jeu pour dicter celui-ci lorsque le besoin s'en fait ressentir.

A l'arrivée, deux éléments marquent réellement une différence entre ce match et le football d'aujourd'hui : le rythme et l'arbitrage. Avec un pressing quasiment inexistant de la part des deux équipes, le rythme de la rencontre est forcément assez lent. Si les phases arrêtées ressemblent beaucoup à ce que l'on a l'habitude de voir aujourd'hui, la différence est nettement plus marquée lors des phases de transition, armes fatales du football moderne. A l'époque, pas de dragster à la Mbappé ou Gareth Bale, l'accent est surtout mis sur la technique pour les créateurs et la puissance pour les autres. D'ailleurs, lorsqu'un joueur peut prendre de la vitesse, il n'a pas souvent le loisir d'aller bien loin tant le tacle, régulier ou non, fait partie intégrante du jeu défensif de l'époque. A ce niveau là, il est assez frappant de constater que des tacles qui feraient hurler de colère toute une équipe aujourd'hui sont alors à peine sifflés sans que les joueurs ne trouvent à redire. Une autre époque définitivement.


Notre avis sur la rencontre


Bien loin de nous avoir enthousiasmé comme la finale de 1960, la finale de 1981 demeure intéressante pour ceux qui voudraient (re)découvrir quelques grands joueurs de l'époque tels que le fantastique Ray Kennedy de Liverpool ou le technicien Juanito au Real. Pour ceux qui chercheraient simplement à voir un bon match de foot de l'époque, passez votre chemin.

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