Vingt trois ans avant de devenir le premier président de l'histoire de la République d'Algérie, Ahmed Ben Bella brillait le temps d'une rencontre sous le maillot de l'OM. Histoire d'un rendez-vous manqué entre un futur président et le football.
5 juillet 1962. Après huit ans de guerre, l’Algérie obtient son indépendance, mettant ainsi fin à plus de 130 ans de colonisation par la France. Un peu plus d’un an plus tard, en septembre 1963, Ahmed Ben Bella, un ancien membre important du FLN (Front de Libération National), devient le premier président de la République d’Algérie. Une trajectoire à laquelle ne s'attendait probablement pas le premier intéressé lorsque plus de 20 ans plus tôt, il s'engageait du côté de l'Olympique de Marseille.
Le football français face à la guerre
Pour comprendre l’histoire d’Ahmed Ben Bella, il est nécessaire de revenir au mois de septembre 1939. Alors que la France déclare la guerre à l’Allemagne, la mobilisation générale est décrétée. Pour le football français, cette entrée en guerre est un énorme coup dur. En constante progression depuis l’adoption du professionnalisme en 1932, le football hexagonal commençait à percevoir les progrès enregistrés à la suite de ce renouveau : les championnats de D1 et de D2 étaient bien rodés et l’équipe de France avait accompli des progrès nets au cours de la décennie écoulée. Avec la guerre, l’immense majorité des joueurs français est mobilisée, les entraîneurs étrangers ; majoritaires à l’époque ; fuient le pays au même titre que certains joueurs alors que les footballeurs étrangers restés en France s’engagent en masse dans la Légion. C’est bien simple, en septembre 1939, les clubs ont perdu entre 80 et 100% de leur effectif de la saison précédente.
S'adapter ou disparaître
Dans ces conditions, le football français doit s’adapter. La tenue du championnat national étant rendue pratiquement impossible en raison des restrictions de circulation imposées par l’état de guerre, la F.F.F. décide de diviser le championnat en deux groupes, un groupe Nord et un groupe Sud, les vainqueurs de chaque groupe devant s’affronter en fin de saison pour le titre de champion de France. De ces deux groupes, certains clubs mythiques du championnat de France sont exclus : le Stade Rennais, trop éloigné géographiquement des autres équipes ainsi que le FC Sochaux, le FC Metz, et le RC Strasbourg, tous situés à une trop grande proximité de la frontière allemande. Malgré ces conditions difficiles, les deux championnats sont bel et bien lancés à partir de décembre 1939, au même titre que la Coupe de France dont le nombre de participants a été limité à 64 clubs.
Avec l’organisation de ces deux compétitions, la F.F.F. a voulu assurer l’essentiel, à savoir maintenir la vitalité du football français même en temps de guerre. En revanche, pour ce qui est de l’intérêt de la compétition, celui-ci laisse à désirer. Les équipes doivent sans cesse bricoler pour trouver des joueurs, faisant appel en majorité à de très jeunes joueurs n’ayant pas encore l’âge d’être mobilisé ou à quelques footballeurs plus ou moins confirmés de passage dans la région. Parfois, les clubs peuvent compter sur quelques-uns de leurs étrangers restés en France, non-mobilisés ou en attente d’être incorporés dans la Légion. C’est par exemple le cas de l’OM qui aligne régulièrement le hongrois Jozsef Eisenhoffer, entraîneur du club la saison précédente qui a rechaussé les crampons pour aider le club phocéen. De temps à autre, ils peuvent aussi avoir la chance de récupérer pour un match un de leur pro en permission mais, cela étant rare, ils sont le plus souvent contraints d’aligner des équipes plus ou moins compétitives.
Ben Barek et Ben Bella
Dans ces conditions, on comprend aisément que les dirigeants soient à l’affût de la moindre bonne affaire possible. Alors, en avril 1940, quand les dirigeants de l’OM entendent parler d’un jeune algérien de 23 ans qui brille dans le petit club voisin du C.A. Gombertois, ils sautent sur l’occasion. Ce joueur, vous l’aurez compris, c’est Ahmed Ben Bella. Mobilisé à Marseille pour y faire ses classes, Ben Bella a profité de son temps libre pour jouer au football. Et le jeune joueur originaire de Maghnia est doué. Évoluant au poste d’ailier droit, il effectue ses débuts avec l’OM le dimanche 21 avril 1940 pour un match de championnat face à Antibes. La rencontre vire à la démonstration et les olympiens surclassent leurs adversaires 9-0. Pour Ben Bella, sa première sous le maillot phocéen est une vraie réussite. Buteur en fin de match, le journal L’Auto voit déjà en lui le digne successeur de Larbi Ben Barek, l’idole du roi Pelé, passé par l’OM lors de la saison 1938-1939 : "Ben Bella a joué déjà en championnat et tiendra certainement dès la saison prochaine, dans l'équipe marseillaise, la place laissée vacante par Ben Barek".
Rendez-vous manqué
Appelé à connaître une belle carrière, Ben Bella ne sait pas qu’il vient de disputer l’unique match de sa vie sous les couleurs de son nouveau club. Démobilisé en juin 1940, il se voit contraint de retourner en Algérie pour aider sa famille à cultiver ses terres. Désormais, la suite de son histoire s’écrira loin des rectangles verts. Participant à la campagne d’Italie et à la Libération de la France au sein de l’armée de De Lattre de Tassigny, Ahmed Ben Bella ne reprendra jamais sa carrière de footballeur de haut niveau. Horrifié par la répression sanglante des manifestations pour l’indépendance organisées à Sétif, Guelma et Kherrata en mai 1945, Ben Bella décidera de s’engager pour la cause de l’indépendance algérienne, délaissant ainsi les coups des défenseurs adverses pour les coups bas de la vie politique
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