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Emile Bongiorni, l'exilé maudit

Photo du rédacteur: Foot UniversalFoot Universal

Il aurait eu 100 ans cette année. Né en 1921, Emile Bongiorni aurait pu rentrer dans l'histoire en devenant le premier international français à s'imposer à l'étranger. Transféré au Torino en 1948, il trouvera malheureusement la mort quelques mois plus tard dans la catastrophe de Superga qui décima la légendaire équipe du Grande Torino. Voici son histoire.


Un titi parisien aux accents d'Italie


Comme son nom l'indique, l'histoire de la famille Bongiorni trouve ses origines en Italie. Le père d'Emile, un solide gaillard de 100 kilos pour 1 mètre 80, est venu s'installer en France pour y monter son entreprise de fumisterie ( entreprises spécialisées dans l'installation de conduits de cheminée). Avec son épouse, il a donné naissance à sept enfants dont cinq solides garçons qui culminent tous au dessus du mètre 80 ! Tous, sauf Emile, que l'on surnomme affectueusement "Milo". Dépassant à peine le mètre 70, le petit Bongiorni a la santé fragile : congestion pulmonaire, scarlatine, oreillons, jaunisse, il enchaîne toutes les maladies qu'un enfant de 8-10 ans peut attraper à l'époque. Pour améliorer l'état de santé de son fils, le médecin recommande au père de Milo d'emmener celui-ci au grand air le plus possible, une gageure lorsque l'on vit en région parisienne. Pourtant, Emile va trouver son terrain de jeu : le bois de Vincennes. Là-bas, il découvre le football et passe de longues après-midi à taper la balle avec les gosses du quartier. Lui-même mordu de ballon rond, le patriarche des Bongiorni inscrit son bambin à l'AS Fontenay, club situé à Fontenay sous Bois où s'est installé la petite famille. Etonnamment, le petit enfant fragile va rapidement démontrer des aptitudes physiques largement au dessus de la moyenne. Doté d'une superbe pointe de vitesse, le môme de Fontenay impressionne et rejoint le grand C.A. Paris, pensionnaire de Deuxième Division, seulement un an après avoir pris sa première licence de footballeur. Agé alors de 14 ans, le petit gars de la région parisienne a cette fois tourné le dos à ses ennuis de santé et peut enfin rêver d'un futur radieux.


Le "taureau" du C.A. Paris


Extrêmement précoce à une époque où il est très difficile pour les jeunes joueurs de s'imposer en équipe première, Emile Bongiorni débute avec les pros dès mars 1938, alors qu'il n'a pas encore fêté ses 17 ans. S'imposant en équipe première la saison suivante, il réalise une saison pleine en inscrivant pas moins de 18 buts en 37 rencontres de D2. Bien loin du jeune garçon à la santé fragile qu'il était, Milo est devenu un athlète au physique hors-norme. Malgré sa petite taille, Bongiorni pèse 82 kilos ce qui fait de lui un joueur rapide et puissant qui déstabilise les défenseurs. Pourtant, malgré sa puissance phénoménale, Bongiorni est loin de faire l'unanimité. Oubliant qu'il est encore jeune, les critiques s'abattent très souvent sur lui du fait de son style de jeu essentiellement basé sur le physique. Pour ses détracteurs, il ne serait qu'une brute épaisse, totalement dépourvue de finesse et d'aisance technique. Alors, "Milo" fait le dos rond et travaille encore plus dur. Comme "professeur", il se choisit l'un des plus brillants techniciens français de l'époque : son coéquipier au C.A. Paris Emile Veinante, 24 sélections et 14 buts en Bleu entre 1929 et 1940. Aux côtés de ce remarquable manieur de ballons, Milo progresse à vitesse grand V et semble en capacité d'atteindre très bientôt le plus haut niveau. Cependant, l'été 1939 s'annonce et avec lui, la tempête d'une guerre qui va mettre le monde à feu et à sang pendant 6 ans.


Les Bleus, enfin !


La guerre, Bongiorni ne la fera pas. Trop jeune pour être mobilisé en 1939, il apprendra de l'arrière les nouvelles de la débâcle militaire française. Toujours au C.A. Paris, il participe au championnats de la Zone Nord entre 1939-1940, championnat marqué par la moyenne d'âge extrêmement basse des équipes participantes du fait de la mobilisation de la quasi-totalité des joueurs professionnels. Stoppé avant son terme par la Bataille de France (mai-juin 1940), ce championnat de fortune servira tout de même de base aux championnats organisés sous l'Occupation. La France étant séparée en trois zones (zone interdite, Zone Occupée, Zone Libre), la F.F.F. décide d'organiser un championnat pour chaque zone, à l'image des championnats du Nord et du Sud en 1939-1940. Intégré au championnat du Nord, le C.A. Paris ne brille pas malgré un Bongiorni toujours performant. Pénalisé par les performances de son club, l'attaquant parisien ne parvient pas à briller suffisamment pour s'ouvrir les portes de l'Equipe de France, de retour pour affronter la Suisse et l'Espagne au printemps 1942. Alors, quand Emile Veinante, désormais entraîneur/joueur au Racing, propose à "Milo" de le rejoindre chez les Ciel-et-Blancs à l'été 1942, celui-ci n'hésite pas une seule seconde et file rejoindre son mentor. Entre 1942 et 1945, Bongiorni s'affirme définitivement comme un des meilleurs attaquants français du moment. Auteur de saisons pleines, il est enfin appelé chez les Bleus en décembre 1945 pour affronter l'Autriche amical. Aux côtés d'Ernest Vaast, son coéquipier au Racing et ami dans la vie, il réalise une belle prestation et inscrit l'unique but français (défaite 1-4). Devenu un international régulier, il connaît quatre autres sélections entre 1945 et 1948, date de son départ en Italie.


La tragédie de Superga


Désireux de partir tenter sa chance au pays de ses ancêtres, Bongiorni rencontre les dirigeants du Racing à l'été 1948 pour leur demander d'accepter son départ pour le Torino. Ce choix est loin d'être banal à une époque où aucun international français n'a jamais évolué à l'étranger. Si le départ vers son pays d'origine apparaît comme un choix du cœur, il s'agit également d'un véritable défi sportif pour Bongiorni qui rejoint la plus grande équipe d'Europe du moment. Champion d'Italie en titre, le Torino compte en effet dans ses rangs les joueurs formant la colonne vertébrale de la Squadra Azzura parmi lesquels on retrouve un certain Valentino Mazzola, alors communément considéré comme le meilleur joueur du monde. Sur le papier, le challenge s'annonce donc passionnant mais très vite, Milo déchante. Peinant à se faire une place au sein de cette équipe de vedettes, il souffre de l'éloignement avec sa famille restée en France. Peu avant la fin de saison 1948-1949, il raconte son désarroi à son ami Ernest Vaast et lui annonce qu'il a décidé de rentrer en France pour la saison 1949-1950. Malheureusement, le destin en décidera autrement. Le 4 mai 1949 en fin d'après-midi, l'avion transportant l'équipe du Grande Torino s'écrase sur la colline de Superga à proximité de Turin, tuant sur le coup les 31 personnes à son bord dont Emile Bongiorni et Roger Grava, un autre français, compagnon de banc de touche de Milo. En Italie et en France, le choc est terrible. Prévenus par la radio alors qu'ils étaient en plein dîner, les anciens coéquipiers de Bongiorni au Racing sont totalement dévastés, à l'image de son ami Ernest Vaast qui déclare "C'est pas possible, "Milo", si brave, si fort, non je ne le crois pas...". Directeur sportif du Racing, Maurice Galey aura quant à lui la lourde tâche d'annoncer la triste nouvelle au père de Bongiorni, alors que celui-ci préparait depuis plusieurs semaines le retour de son fils adoré du côté de Paris. Au bord du malaise lors des obsèques, le père de Milo recevra tout de même le soutien de toute la famille du football français, venue en nombre pour rendre hommage à l'un de ses plus brillants enfants.

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