Il y a près de 100 ans, un projet de Super League d'Europe Centrale aboutissait à la création de la première Coupe d'Europe de l'histoire grâce à l'action d'un homme : le sélectionneur autrichien Hugo Meisl.
Réunion au sommet
En ce 28 octobre 1926 à Prague, Hugo Meisl est attendu pour une réunion de la plus haute importance. Coiffé de son chapeau melon qui ne le quitte jamais, il s’est rendu dans la capitale tchèque pour mener à bien une mission qui lui tient à cœur. Une mission de plus devrions-nous dire pour cet homme aux multiples casquettes. Ancien international autrichien, Meisl n’a pas perdu de temps à la fin de sa carrière puisqu’il est devenu arbitre international, secrétaire général de la Fédération Autrichienne, délégué à la FIFA, journaliste et surtout sélectionneur de l’Autriche dès 1912. Véritable grand manitou du football autrichien, c’est sous son impulsion que la Fédération basée à Vienne a instauré le professionnalisme en 1924. Si cette adoption a suscité maintes critiques en Autriche, Meisl, lui, a tracé sa route. Profondément novateur, il sait que le professionnalisme est indispensable pour faire progresser le football autrichien. Toutefois, il ne considère pas cette adoption comme une fin en soi et souhaite aller encore plus loin, comme il va le démontrer lors de cette réunion du 28 octobre 1926.
Ce jour-là, devant des représentants des footballs autrichiens, hongrois, yougoslaves tchèques et italiens, Meisl sort de son chapeau melon son nouveau projet : une Coupe d’Europe Centrale destinée aux clubs. A l’origine, l’idée du boss du football autrichien différait quelque peu. Partant du constat que les championnats tchèques, autrichiens et hongrois étaient tous largement dominés par les clubs des capitales de chaque pays, il avait imaginé le premier projet de Super Ligue Européenne de l’histoire. Composée des plus grands clubs des trois pays, cette Super Ligue aurait permis la constitution d’une compétition d’élite mais elle aurait entraîné la mort certaine de trois championnats nationaux, ce qui avait poussé Meisl à revoir sa copie.
La première Coupe d'Europe de l'histoire
Le nouveau projet de l’ancien international est d’organiser une coupe qui débuterait en juin et dont la finale serait disputée au début du mois de novembre. Les équipes terminant aux deux premières places des championnats yougoslaves, tchèques, hongrois et autrichiens seraient qualifiées pour cette « Coupe d’Europe Centrale » et disputeraient une phase finale avec des matchs au format aller-retour. La proposition de Meisl séduit et, les 30 octobre et 13 novembre 1927, le Sparta Prague et le Rapid de Vienne s’affrontent pour la première finale de l’histoire d’une coupe qui a entre-temps trouvé un nom : la Mitropa Cup. Ces deux rencontres sont de véritables succès populaires puisqu’elles se disputent devant 25 000 et 40 000 personnes. Même si l’équipe viennoise est assez largement battue (7-4 après les deux matchs), Meisl a réussi son pari.
Toutefois, jamais avare de bonnes idées, le sélectionneur autrichien veut pousser son projet encore plus loin en convaincant des nations d’Europe Occidentale de participer à sa compétition. La chose n’est pas aisée puisque la Mitropa Cup a en partie lieu en été, période à laquelle les footballeurs d’Europe Occidentale sont en vacances. Néanmoins, attirés par l’idée d’affronter les grands clubs viennois, les clubs italiens acceptent la proposition de Meisl dès 1929 ! Grisé par son succès, le chef de file du Wunderteam autrichien tente même d’approcher les clubs français mais se heurte à un refus catégorique : on ne touche pas aux sacro-saints trois mois de repos des joueurs français…
Ce refus illustre les difficultés rencontrées par Meisl pour faire de son tournoi une véritable « Coupe d’Europe » à part entière. Ainsi, malgré la participation de vedettes de l’époque telles que Matthias Sindelar ou Guissepe Meazza, la Mitropa Cup n’atteindra pas le prestige suffisant qui aurait pu lui permettre de survivre à la guerre. Orpheline de son créateur, décédé brutalement en 1937, la pionnière des Coupes d’Europe disparaîtra dans une certaine indifférence en 1940. Relancée en 1959, elle restera dans l’ombre de la Coupe d’Europe des Clubs Champions nouvellement créée avant de disparaître définitivement en 1992.
L'homme qui était en avance sur son temps
Véritable avant-gardiste du football, Hugo Meisl aura finalement commis une seule erreur : celle d’être trop en avance sur son temps, comme en témoignent les mots du journaliste Maurice Pefferkorn au moment de la disparition de la Mitropa Cup en 1940 : « Le football est dans tous les pays d’Europe en pleine progression. La nécessité peut apparaître d’une grande épreuve internationale que faciliteraient les progrès des déplacements par la voie de l’air. Pourtant, (…) les clubs des différents pays jouissant d’un championnat bien fourni et varié, ils continueront sans doute à être attirés et retenus par ce championnat beaucoup plus qu’ils ne seront séduits par une épreuve internationale ». Quatre-vingts ans plus tard, un projet de Super Ligue Européenne est plus que jamais d’actualité…
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