En 1989, le transfert de Mo Johnston, joueur catholique et ancien du Celtic, chez les Rangers fait l'effet d'une bombe : c'est la première fois en plus de 100 ans d'existence qu'un catholique rejoint les Gers. Haï à son arrivée, le buteur Ecossais va finalement changer les mentalités et contribuer à mettre fin au sectarisme religieux qui existait jusqu'ici dans le club.
Cent ans de sectarisme
Depuis leurs créations à la fin du XIXème siècle, les deux clubs rivaux de Glasgow, le Celtic et les Rangers, avaient fondé leur rivalité sur un différend religieux : le Celtic est le club des catholiques, les Rangers celui des protestants (on vous expliquait toute l'histoire ici). Ainsi, pendant plus de cent ans, les deux géants vont s'opposer sportivement et idéologiquement sur diverses questions brûlantes. En 1922, le Celtic, fondé par un Irlandais, va par exemple publiquement soutenir l'Indépendance de l'Irlande tandis que les Rangers, fidèles au Royaume-Uni, va s'y opposer. A Glasgow plus qu'ailleurs, la question de l'identité va ainsi être primordiale pendant des années. Des dirigeants jusqu'aux joueurs, les deux clubs ne sont composés que de protestants d'un côté et de catholiques de l'autre. Plus qu'une tradition, il s'agit ici d'un véritable sectarisme religieux qui durera jusqu'au transfert retentissant de Mo Johnston en 1989.
Souness brise les barrières
Pour mettre fin à plus de cent années d'un sectarisme fondé sur la haine religieuse, il fallait un homme courageux, prêt à briser une "tradition" à laquelle les supporters des deux clans étaient viscéralement attachés. Cet homme se nomme Graeme Souness. Nommé entraîneur des Rangers en 1986, l'ancien international écossais avait été clair sur la question du recrutement : si un joueur catholique l'intéressait sportivement parlant, il n'hésiterait pas à le recruter. Toutefois, ces belles paroles, bon nombre de ses prédécesseurs les avaient prononcées sans jamais passer à l'acte. Souness, lui, est d'une autre trempe. Ayant épousé une femme catholique alors qu'il est lui-même protestant, il sait bien par expérience qu'une cohabitation entre des personnes de confessions différentes est possible. Reste à faire entendre raison aux supporters, souvent bien loin de partager cet avis.
Crazy Mo
Pour faire signer le premier joueur catholique de l'histoire des Rangers, Souness aurait pu choisir la facilité en recrutant un catholique discret sur sa religion, n'ayant pas d'antécédent avec les supporters des Rangers. Le deal aurait provoqué quelques remous dans les premiers jours mais, avec le temps et à condition de bonnes performances du nouvel arrivant, la colère des supporters se serait estompée. Mais non, le joueur qui intéresse Souness en 1989 est l'exact opposé de ce profil : il est catholique, le revendique fièrement et, pire encore, a porté le maillot du Celtic. Son nom ? Mo Johnston, attaquant vedette de la sélection écossaise, en exil à Nantes depuis son départ du Celtic en 1987. Bagarreur, exubérant mais aussi talentueux, Johnston avait laissé de bons souvenirs aux supporters du Celtic, notamment de par ses célébrations moqueuses à l'encontre des fans des Rangers lors des fameux Old Firm, nom donné au derby entre les deux équipes. Toutefois, le transfert s'annonce difficile pour les Rangers puisque dans un premier temps, c'est un autre club français qui tient la corde : le Montpellier de Loulou Nicollin. Agacé par la lenteur des négociations, le mythique président du MHSC menace de "casser les jambes" de Billy McMurdo, l'agent du joueur, avant de se replier sur son plan B, un certain Eric Cantona... Le deal ayant échoué, Johnston clame haut et fort son désir de revenir au Celtic avant que l'histoire ne bascule dans la folie.
Le transfert le plus controversé de l'histoire
Alors que les fans du Celtic se préparent déjà à accueillir leur ancien chouchou, la presse britannique et notamment le Belfast Telegraph, journal nord-irlandais, annoncent une véritable bombe : les Rangers auraient surenchéri au dernier moment et s'apprêteraient à faire signer Mo Johnston. Sitôt la nouvelle annoncée, les nombreux supporters des Rangers exilés à Belfast se ruent vers les locaux du journal pour demander à ce que celui-ci se rétracte. L'information semblant tellement improbable, le journal se voit accusé de vouloir réveiller les tensions entre catholiques et protestants. Pourtant, dans la journée, l'information est confirmée par les Rangers et crée un véritable séisme. Du côté des supporters des Rangers, si la nouvelle est accueillie assez froidement par la majorité, seuls les ultras les plus extrémistes vont se laisser aller à de véritables démonstrations de haine envers le nouvel arrivant. En revanche, pour les supporters du Celtic, la trahison de Johnston est insupportable. Dans les jours qui suivent le transfert, le père du joueur est tabassé par trois supporters du Celtic tandis que Johnston se voit obligé d'engager des gardes du corps après avoir reçu de nombreuses menaces de mort. Finalement, en novembre 1989, le buteur écossais entrera définitivement dans le cœur des Gers en inscrivant le but vainqueur lors du Old Firm. Les supporters du Celtic, eux, ne lui ont toujours pas pardonné.
La fin du sectarisme
S'il a été extrêmement controversé, le transfert de Mo Johnston a permis d'ouvrir la voie à la suppression du sectarisme religieux dans les deux clubs de Glasgow. Pour les Rangers, cette ouverture va permettre au club de dominer sportivement son rival pendant les années 1990 (huit titres consécutifs entre 1989 et 1997). Signe de ce changement de mentalité, en 1999, dix ans après Johnston, l'Italien Lorenzo Amoruso deviendra le premier catholique à porter le brassard de capitaine. Néanmoins, la fin du sectarisme religieux au sein du recrutement ne coïncidera malheureusement pas avec la disparition des violences ayant entaché l'histoire de la rivalité entre les deux clubs. En 2001, soit douze ans après le transfert de Johnston, un jeune supporter du Celtic, Tommy McFaden, 16 ans, sera assassiné par deux supporters des Rangers à l'issue de la finale de la Coupe d'Ecosse...
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