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Tableau Noir : on a revu Real Madrid - Eintracht Francfort (finale de C1 1959-1960)

Dernière mise à jour : 21 janv. 2022

Après le décès de l'immense Paco Gento cette semaine, Foot Universal a revisionné la mythique finale de Coupe d'Europe des Clubs Champions de 1960 entre le Real Madrid et l'Eintracht Frankfort. Retour sur un match de légende.

Les Madrilènes et la Ligue des Champions

Préambule


En 1960, le Real Madrid est au sommet du football européen. Vainqueur des quatre premières Ligue des Champions de l'histoire, les Merengue ont commencé leur campagne européenne en tant qu'immenses favoris à leur propre succession. Emmenés par leurs trois stars Ferenc Puskas, Francisco Gento et Alfredo Di Stéfano, les madrilènes n'ont pas fait tâche à leur réputation en se qualifiant aisément pour une cinquième finale consécutive après avoir écarté l'AS Jeunesse d'Esch (un club luxembourgeois), l'OGC Nice (malgré une défaite 3-2 à l'aller) et le rival barcelonais. En face, ils retrouvent l'Eintracht Francfort qui vit les plus belles heures de son histoire. Champions d'Allemagne en 1959, les hommes de Paul Oßwald ont éliminé les Young Boys de Berne, le Wiener Sport-Club et les Glasgow Rangers pour gagner le droit d'affronter le Real en finale.


Les compositions d'équipe


Le Real Madrid



En 1960, bien que toujours au sommet, le Real est une équipe qui approche de sa fin de cycle. Ses stars, Alfredo Di Stéfano et Ferenc Puskas en tête ont respectivement 33 et 34 ans tandis que Gento, Dominguez ou Zarraga approchent tous de la trentaine. Toutefois, si les piliers de l'équipe vieillissent, ils sont toujours au top niveau : en 1959, Alfredo Di Stéfano a remporté un second Ballon d'Or tandis que Gento et Puskas ont tous deux accroché le top 10. En revanche, on peut estimer que cette équipe est un peu moins forte que la saison précédente puisqu'elle a perdu Raymond Kopa, reparti au Stade de Reims. Son remplaçant, le brésilien Canario est un bon joueur de football mais ne peut-être comparé au génial leader technique de l'Equipe de France des années 50. Disposé dans un WM classique pour l'époque (même si en fin de vie), le Real aligne pour cette finale un onze résolument offensif. Dans cette composition, le rôle de la paire du milieu composée de Vidal et du capitaine Zarraga est absolument essentiel : s'ils parviennent à prendre le dessus sur le milieu allemand, alors les ballons parviendront aux artistes Merengue devant et le Real dominera son adversaire. Dans le cas contraire, gare à la mauvaise surprise..


L'Eintracht Francfort


Après son titre de champion d'Allemagne en 1958-1959, l'Eintracht Francfort vit une saison compliquée. Incapable de se qualifier pour les "play-off" de la Bundesliga, l'équipe de Paul Oßwald mise tout sur la Coupe d'Europe pour sauver sa saison. Dans son onze de départ, aucune vedette internationale mais quelques très bons joueurs comme Dieter Lindner, Erwin Stein ou Richard Kress, tous trois de véritables légendes du club. Suffisant pour faire descendre le Real de son piédestal ? Rien n'est moins sûr...


La rencontre


Une opposition de styles


Dès les premières minutes de jeu, le constat est clair : malgré deux schémas identiques la rencontre sera une véritable opposition de styles de jeu. D'un côté, le Real qui, avec ses techniciens hors-pair, prône un jeu fait de mouvement et de redoublement de une-deux. De l'autre, l'Eintracht, qui pratique un jeu assez proche du kick and rush anglais. Doté d'un sacré coup de pied, le gardien allemand Egon Loy abuse des longs ballons vers ses attaquants avec l'espoir que ceux-ci puissent dévier le ballon vers un partenaire démarqué. Et dans les premières minutes, ce jeu on ne peut plus vertical bouscule les madrilènes. A la 18ème minute, un énième long ballon profite à Richard Kress qui, après un duel mal négocié par la défense madrilène, parvient à lancer Erwin Stein dans le dos de Pachin aux abonnés absents en ce début de rencontre. Juste avant la ligne de six mètres, Stein adresse un bon centre vers le point de pénalty et c'est Kress, à l'origine et à la conclusion de l'action, qui ouvre le score pour les allemands ! Incapables de mettre en place leur jeu, les Merengue sont dépassés en ce début de match à l'image de Pachin, en grande souffrance face à Erwin Stein et Richard Kress, mais aussi de Gento ou Puskas, invisibles pour le moment. Il est temps de remettre de l'ordre dans la Maison Blanche.


Di Stéfano prend les choses en main


Ce but allemand fait office de véritable électrochoc pour le Real. Remontés, les madrilènes reprennent rapidement les choses en main sous l'impulsion de deux hommes : Vidal, impressionnant physiquement, excellent à la récupération et véritable rampe de lancement du jeu madrilène et Alfredo Di Stéfano. Brouillon en début de rencontre, le génial attaquant de 34 ans vient décrocher au niveau de ses milieux de terrain pour prendre le jeu à son compte. Il percute balle au pied et va chercher des une-deux sur les côtés avec Gento ou Canario. Véritable meneur de jeu de l'équipe, il est également un redoutable finisseur. En 5 minutes, il inscrit un doublé qui permet au Real de reprendre l'avantage. Sur le premier but, il est à la réception d'un très bon ballon suite à un superbe travail de Canario tandis que, sur le second, il inscrit un véritable but de renard des surfaces en profitant d'un ballon mal dégagé par le gardien allemand.


Les artistes entrent en piste


Une fois devant au score, les Merengue prennent définitivement les choses en main. Epuisés par les longs ballons envoyés par leur gardien ou leurs défenseurs, les attaquants allemands ne sont plus en mesure de mettre à mal l'arrière-garde madrilène. Dès lors, ceux-ci récupèrent le ballon de plus en plus facilement et peuvent laisser les artistes faire leur numéro. Avant la fin de la première mi-temps, une action va par exemple régaler les 127 000 spectateurs de l'Hampden Park de Glasgow. Sur le côté droit, Del Sol effectue une transversale parfaite pour Gento, qui contrôle et adresse une passe en coup du foulard pour Di Stefano, qui remet en une touche pour Zarraga; celui-ci retrouve Del Sol qui joue en une touche, de l'extérieur et à l'aveugle, pour Di Stefano qui conclut le spectacle par quelques petits passements de jambes. Au milieu de tout ça, les joueurs allemands courent dans le vide, incapables de reprendre le ballon aux génies madrilènes.

Peu avant la mi-temps, Puskas inscrit le troisième but madrilène

Quadruplé pour le "Major Galopant", triplé pour "Don Alfredo"


Plusieurs classes au-dessus de leurs adversaires, les Merengue vont enchaîner les buts. Puskas s'offre un superbe quadruplé en dévoilant lui aussi toute la panoplie de son talent : une lourde frappe du gauche sous la barre après un crochet sur le dernier défenseur pour ouvrir le bal, un pénalty (généreux), un enchaînement contrôle frappe en pivot pleine lucarne à l'entrée de la surface et un but d'attaquant à la réception d'un centre au point de pénalty pour finir. Menés 6-1, les allemands réagissent par l'excellent Erwin Stein qui inscrit un joli but du gauche après avoir résisté à deux défenseurs madrilènes, ce qui n'est pas du goût d'Alfredo Di Stefano. Dès l'engagement, il combine avec Gento et Del Sol pour percer plein axe et inscrire son troisième but d'une superbe frappe des 20 mètres qui termine sa course au ras du poteau gauche de Loy. En fin de rencontre, les allemands inscriront un dernier but suite à une grossière erreur de Vidal (passe en retrait pour le gardien interceptée par Stein qui conclut de près). Score final 7 buts à 3, le Real Madrid remporte sa cinquième Coupe d'Europe des Clubs Champions de suite.


Notre avis sur la rencontre


Avant de regarder le match, nous avions quelques préjugés sur ce que nous allions voir. Nous nous attendions à un jeu assez lent, avec des tacles mal maîtrisés et des longs ballons devant. Inutile de dire que nous nous sommes beaucoup trompés. La première chose qui nous a surpris est le rythme de la rencontre. Probablement du fait de la verticalité poussée à l'extrême du jeu allemand, le ballon ne cesse d'aller d'un but à l'autre pendant 90 minutes. De plus, là où nous pensions assister à de nombreux tacles bien appuyés, nous avons observé une rencontre très propre, certaines fautes sifflées pouvant même être qualifiées de sévères. Le fair-play général qui se dégage de la rencontre est d'ailleurs quelque chose d'agréable à regarder. Pas de simulations, de réclamations auprès de l'arbitre mais du jeu, du jeu, du jeu. En fin de match, les artistes madrilènes se permettent même quelques arabesques pour le plus grand plaisir des supporters. Aujourd'hui, on parlerait probablement de "manque de respect".

Enfin, le gros point positif de ce match est la qualité du jeu déployée. On se demande parfois si les grands joueurs de l'époque auraient eu leur place dans le football actuel, la réponse est oui. Il suffit de regarder Gento, Puskas et Di Stéfano combiner ensemble pour se rendre compte que ces trois là n'étaient pas fait du même bois que les autres. Bien sûr, ils avaient peut-être plus d'espace qu'aujourd'hui, plus de temps, mais l'aisance technique et l'intelligence de jeu qu'ils dégagent est tout simplement impressionnante et auraient fait tout autant de ravages à notre époque.


Les enseignements tactiques de la rencontre


Tactiquement parlant, que retenir de cette rencontre ? Tout d'abord, qu'elle est un cas d'école de la faible importance du schéma de jeu dans le football. Les deux équipes évoluent toutes deux en WM et leur jeu est radicalement différent. A Francfort, le football déployé est un football qui n'existe plus aujourd'hui, fait de longs ballons à répétition. C'est d'ailleurs une façon de jouer que l'on peut juger regrettable car les allemands possédaient avec Lindner un superbe milieu de terrain qui nous semblait tout à fait capable de faire briller ses partenaires.

Au Real, en revanche, le jeu tourne autour d'un homme : Alfredo Di Stefano. Si celui-ci est positionné avant-centre, on le voit plus souvent au niveau de ses deux "milieux récupérateurs" (demi-centre pour reprendre le terme de l'époque) que dans la surface. Le plus souvent "Don Alfredo aime percuter dans l'axe pour trouver un relai avec Gento ou Del Sol pour que ceux-ci puissent lancer Puskas en profondeur. Gento, décédé cette semaine, lui, était un joueur fantasque. Ultra-doué techniquement, il se permet sur ce match des talonnades, un coup du foulard, une aile de pigeon, parfois car c'est le geste à faire, d'autres fois pour faire plaisir au public. Sur son aile gauche, ses une-deux avec Di Stéfano et sa qualité de dribbles sont dévastateurs. Puskas, lui, a le profil de l'attaquant moderne. Puissant, rapide, il dispose d'une frappe lourde et est chirurgical dans le dernier geste. Egalement capable de combiner dans les petits espaces, il aime plonger dans le dos de Di Stefano lorsque celui-ci décroche. Enfin, deux autres joueurs à souligner particulièrement : les milieux Vidal et Zarraga. Sans eux, impossible pour les attaquants de briller. Ultra-facile à la récupération, Vidal est celui qui nous a le plus impressionné sur cette rencontre malgré sa grosse erreur en fin de match. Sa faculté de donner des ballons propres mais aussi de se projeter à la récupération du ballon en font un rouage essentiel de la mécanique Merengue.

En résumé, cette équipe du Real de 1960 dégage une maîtrise technique impressionnante qui est sublimée par le mouvement perpétuel de ses joueurs. Si sa défense semble plus friable, elle est si peu sollicitée du fait de l'emprise des milieux de terrain sur leurs adversaires que cela ne pénalise pas l'équipe outre-mesure.


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