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1937, l'année où le Barça a failli disparaître.

Dernière mise à jour : 18 mars 2022




Le FC Barcelone lors de la tournée de 1937 © ESPN

Colosse aux pieds d'argile


A l'approche de l'été 1929, l'euphorie gagne la Catalogne. La première édition de la Primera División (actuelle Liga) vient de couronner le triomphe du FC Barcelone, club majeur de la région. Cette victoire des Blaugrana n'est d'ailleurs pas une surprise puisque les Catalans s'étaient adjugés la Coupe d'Espagne en 1925, 1926 et 1928. Toutefois, cette joie va être de courte durée puisqu'un sinistre destin attend le club dirigé par Joan Gamper. En octobre 1929, le krash boursier survenu à la bourse de New-York provoque une crise économique mondiale sans précédent. En Espagne, la situation est parfois dramatique et le temps n'est sûrement plus aux loisirs. Ainsi, le Barça voit son nombre de licenciés diminuer brutalement, passant de plus de 12 000 en 1924 à 8000 dix ans plus tard. Ruiné, le président Gamper met fin à ses jours en avril 1930, marquant ainsi la fin du premier âge d'or du Barça. En grande difficulté financière, les Blaugrana tiennent le coup tant bien que mal mais ne parviennent plus à briller sur le plan sportif. Dans cette atmosphère de crise, le déclenchement de la guerre d'Espagne va être la goutte d'eau qui va faire déborder le vase pour le club barcelonais.


Le président martyre


La guerre d'Espagne éclate en juillet 1936. Opposés au gouvernement de gauche vainqueur des élections en février 1936, plusieurs militaires dont le général Franco, futur dictateur, fomentent un coup d'Etat pour renverser le gouvernement républicain. Bien que le coup d'Etat échoue, il déclenche une vague de soulèvement de sympathisants de droite et d'extrême-droite qui vont rejoindre le rang des militaires pour former le camp "nationaliste". Très vite, le conflit s'enlise entre nationalistes et républicains et, ce qui n'était à l'origine qu'une tentative de coup d'Etat, se transforme en véritable guerre civile. Dans un pays à feu et à sang, le football vacille et la Primera Division et la Coupe d'Espagne sont annulées entre 1936 et 1939. Relativement épargnées dans un premier temps, la Catalogne et la côte Est de l'Espagne peuvent néanmoins mettre sur pied des petites compétitions. Ainsi, le Barça remporte en 1936-1937 une Ligue de la Méditerranée qui mettait aux prises huit équipes de l'Est du pays. Pourtant, malgré cette victoire, la saison 1936-1937 reste l'une des plus noires de l'histoire du club. En effet, les Catalans ont la douleur de perdre dès le mois d'août leur président Josep Sunyol. Rallié à la cause des Républicains comme la majorité des Barcelonais (Barcelone étant le fief des Républicains), Sunyol est arrêté et fusillé sommairement par des nationalistes sur la route de Madrid au mois d'août 1936.


L'exode


Orphelins de son président, le Barça souffre plus que quiconque de la suppression des compétitions à cause du début de la guerre. Privés de revenus, les Barcelonais doivent laisser partir plusieurs joueurs qu'ils ne sont plus en capacité de payer tel que l'Uruguayen Enrique Fernandez qui rentre au pays dès septembre 1936. Contrairement à Fernandez, plusieurs joueurs décident de quitter le club mais de poursuivre leur carrière en Europe. Parmi eux, deux vont venir toquer aux portes des clubs français et ces derniers vont se faire une joie de leur répondre. Ainsi, dès l'été 1936, le FC Sète peut enregistrer l'arrivée de l'Espagnol Jose Raich tandis que le milieu de terrain hongrois Elemér Berkessy débarque du côté du Havre pour évoluer chez le doyen des clubs français (si tant est que Le HAC soit bel et bien ce doyen...). Ne participant plus à aucune compétition officielle et n'étant plus en capacité de payer ses joueurs, le Barça est au bord du gouffre en 1937. Pour d'aucuns, il fait d'ailleurs déjà partie de l'histoire ancienne à l'image du journal l'Excelsior qui qualifie le FC Barcelone "d'équipe aujourd'hui dissociée et éparpillée".* Mais qu'en est-il réellement ?


La tournée qui a sauvé le Barça


Paradoxalement, si l'équipe barcelonaise est bel et bien "dissociée et éparpillé" en novembre 1937, elle est aussi, sans le savoir, déjà sauvée. Pour comprendre ce paradoxe, il faut remonter au mois de mai 1937. Alors que le club est au plus bas, il reçoit une offre presque miraculeuse : un entrepreneur catalan installé au Mexique propose aux Blaugrana de venir effectuer une tournée de cinq matchs au pays des Aztèques. L'intérêt de cette tournée serait à la fois économique et politique : elle permettrait au club de récolter des fonds nécessaires à sa survie et l'équipe catalane serait perçue comme une ambassadrice de l'Espagne Républicaine. Ni une, ni deux, les dirigeants acceptent cette offre et débarquent au Mexique en juin 1937 pour une tournée de trois semaines. Ils y resteront trois mois. Accueillis en héros de l'autre côté de l'Atlantique, les Barcelonais parviennent à conclure neuf matchs amicaux supplémentaires au Mexique mais aussi aux Etats-Unis. Remportant dix rencontres sur quatorze, ils parviennent à amasser suffisamment d'argent pour éponger les dettes du club lorsque la situation reviendra à la normale en Espagne. Toutefois, ce "retour à la normale" tant espéré est devenu on ne peut plus utopique.


Un Barça sauvé mais décimé


Pendant la tournée américaine du Barça, la situation en Espagne s'est en effet considérablement dégradée pour les républicains. Dominés par les nationalistes de Franco, ils ne semblent déjà plus en mesure de l'emporter et beaucoup d'entre eux commencent à fuir le pays. Alors, du côté des joueurs catalans, on se pose la question : doit-on réellement rentrer en Espagne ? Pour bon nombre d'entre eux, la réponse est négative. Véritable star du Barça pré-guerre civile, l'ailier international espagnol Martin Ventolra qui avait participé au Mondial 1934 prend la décision de poursuivre sa carrière au Mexique. Il y restera même après sa retraite sportive. Son fils, Jose Raimundo Ventolra, suivra les traces de son père puisqu'il participera lui aussi à une Coupe du Monde en 1970. Mais contrairement au paternel, Jose Raimundo y participera sous le maillot mexicain ! A l'image de Ventolra, plusieurs de ses coéquipiers décident de rester de l'autre côté de l'Atlantique tandis que d'autres imitent Raich et Berkessy et rejoignent la France. C'est par exemple le cas de Ramon Zabalo, véritable pilier de la défense centrale Blaugrana qui s'en va renforcer les rangs du RC Paris. A l'arrivée, le Barça revient donc bel et bien "dépouillé et éparpillé" de cette tournée américaine. Pendant deux ans, l'activité du club va être quasiment nulle avec seulement quelques rencontres amicales à se mettre sous la dent avec les rares joueurs restés au club et le fidèle entraîneur irlandais Patrick O'Connell. En revanche, lorsque le football espagnol reprend ses droits en 1939, le FC Barcelone a de nouveau les liquidités nécessaires pour reconstruire une équipe et reprendre sa course en avant. Après plusieurs saisons difficiles pendant la Seconde Guerre Mondiale et ce malgré un succès en Coupe du Roi en 1942, le club culé s'imposera comme LE grand club espagnol de l'immédiat après-guerre. Vainqueur du championnat à cinq reprises entre 1945 et 1953 il faudra l'avènement du grand Real Madrid de Di Stefano, Puskas et Kopa pour faire descendre ce Barça là de son piédestal.


* L'Excelsior, 11 novembre 1937


Pour en savoir plus :


- "The tour that saved FC Barcelone", Jordi Blanco, ESPN



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