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Le football à travers les siècles : le ballon rond débarque en France ! (6/X)

Dernière mise à jour : 6 oct. 2021

Sixième épisode de notre série consacrée à l’histoire du football. Aujourd’hui, nous revenons sur l’arrivée poussive de la balle ronde dans l’Hexagone.


Quand les anglais traversent la Manche


14 décembre 1867. Dans son bureau de l’Élysée, l’empereur Napoléon III reçoit comme chaque semaine son exemplaire du Monde Illustré. Depuis la création du journal dix ans plus tôt, les relations entre le chef de l’État et celui-ci ont toujours été bonnes. Dispensé du droit du timbre par l’empereur en personne, Le Monde Illustré ne se montrera jamais très critique envers le neveu de Napoléon Ier. Imaginons-nous donc la scène. Bien installé dans son confortable fauteuil, l’empereur feuillette l’édition du jour et tombe sur un véritable article consacré à un sport qu’il ne connaît pas : « le football ». Pour cause, l’article qu’il est en train de lire est le tout premier de l’histoire de la presse française consacré à notre sport ! Plutôt bien informé, celui-ci tente d’expliquer les règles du jeu : « Le football (…) consiste à lancer à coups de pieds un fort ballon en caoutchouc, recouvert d’une assez dure enveloppe de cuir, au-dessus d’un but marqué par une longue perche mise en travers entre deux poteaux. » On le voit bien, il s’agit encore d’un mélange entre le football et le rugby, comme nous le confirme l’illustration qui accompagne l’article.


Un match de football à Rossal, 1867. Le Monde Illustré, 14 décembre 1867. Crédits : Retronews

Sur ce dessin d’un match disputé au collège de Rossall dans le Lancashire, on peut voir que l’utilisation des mains est autorisée et que les joueurs pratiquent le hacking, c’est-à-dire le coup de pied dans les tibias adverses. En revanche, le dessin ne semble pas correspondre à la description de l’article en ce qui concerne la façon de marquer des buts qui, ici, semble être celle que nous connaissons dans le football actuel. En effet, dans le cas où les joueurs devraient bel et bien tirer au-dessus de la barre transversale, il serait difficile de comprendre la présence des gardiens de buts que l’on peut clairement distinguer sur le croquis. Cette différence entre le texte et le dessin n’est pas étonnante quand on sait qu’à l’époque, de nombreuses façons de jouer au football co-existent. Fondée en 1863, la jeune Football Association (F.A.) est encore très loin d’avoir réuni l’ensemble des pratiquants autour de ses règles. Pour autant, malgré ce flou artistique entourant les règles du jeu, le football commence à s’exporter à l’international. Si la France n’est pas encore réellement concernée en 1867, cela ne saurait tarder comme l’explique l’article du Monde Illustré dans sa conclusion : « Ces sortes de jeux ne se pratiquent point en France. Nous savons cependant que les élèves du collège international de Londres, en passant dans l’institution internationale de Chatou (commune des Yvelines en Ile-de-France) y ont introduit leurs « sports » et particulièrement celui du football auquel leurs camarades français commencent à prendre goût.[1]


Des débuts parisiens ?


Il est communément admis qu’en France, le premier club de football à avoir été créé est Le Havre Athletic Club en 1872. Comme son nom le laisse deviner, le club a été fondé par des anglais de passage dans la ville portuaire normande. Pour autant, il est difficile de savoir quel type de football était pratiqué dans le club havrais en 1872 : était-ce déjà le football de la F.A. ou encore ce mélange de football rugby ? En somme, Le H.A.C. est-il le premier club de football, de rugby ou des deux sports ennemis ? Dans son livre intitulé Les Archives du football, l’historien français Alfred Wahl explique qu’en 1884, à l’issue d’une réunion, les membres du comité de direction du H.A.C. ont réitéré leur souhait de pratiquer le football-rugby. Ainsi, près de douze ans après sa création, Le Havre n’était pas encore un club de football à proprement parler. Alors, où a-t-on joué au football pour la première fois en France si ce n’est au Havre ? La réponse est peut-être à chercher du côté de la région parisienne. Ainsi, en décembre 1877, une association dénommée « Football Club » voit le jour à Paris. Celle-ci est fondée par les élèves de l’école Monge, un établissement à la pédagogie novatrice dont le fondateur Aimé Godard est un proche de Pierre de Coubertin. Godard étant un partisan des méthodes pédagogiques anglaises, il n’est pas étonnant de voir que les élèves de son école figurent parmi les premiers pratiquants du football en France. Mais quel genre de football ? Après un match du Football Club, le journal Le Siècle se propose d’expliquer les règles de ce nouveau sport. Cette fois, celles-ci semblent plus proches des règles adoptées par la Football Association : « Ce football exige une grande agilité, de la vitesse à la course et de l’adresse dans le renvoi du ballon à coup de pied. Il se joue entre deux camps qui ont derrière eux un but à défendre. Le ballon est lancé dans l’espace intermédiaire et tous les efforts des joueurs tendent à faire parvenir le ballon dans les limites extrêmes du camp opposé. »[2] Contrairement au sport décrit par Le Monde Illustré dix ans plus tôt, cette fois ce sont l’adresse, le jeu au pied et la vitesse qui semblent être au cœur de ce football. L’absence de commentaires quant à la brutalité du jeu nous laisse penser que le hacking est ici interdit.


Faux départ


Là où en Angleterre la croissance du football a toujours été exponentielle, il semblerait qu’en France, le ballon rond ait eu du mal à prendre son envol. En 1879, deux ans après la fondation du « Football Club », le journal Le Jockey fait le constat suivant : « Le hockey présente quelques analogies avec cet autre jeu anglais, le football, qu’on a voulu introduire il y a quelques deux ans dans certains collèges de Paris. Le football, connu en France par ces futiles essais seulement, n’a pas même eu un succès d’estime ».[3] Si le constat est sévère, on ne peut réellement lui donner tort. Une fois la curiosité suscitée par la nouveauté de ce sport anglais évaporée, le football tombe dans un anonymat quasi-total durant plusieurs années. Lorsqu’il est de nouveau évoqué dans la presse française, c’est bien souvent pour être cloué au pilori du fait de sa violence, la distinction entre football-association et football-rugby n’existant pas encore dans l’Hexagone. Il faut dire qu’à l’époque, il n’est pas rare que l’on trouve la mort lors d’un match de football comme le souligne le journal Le Phare de la Loire en 1885 : « Connaissez vous le noble jeu de football ? Non. Eh bien, je vous en félicite. Je n’ai jamais vu de jeu plus brutal et moins gentlemanly que celui-là. (…) Il ne se passe pas d’année sans que le football ne fasse de victimes. Tout récemment encore un jeune homme répondant au nom d’Anderson, est mort à Glasgow des suites de blessures reçues en faisant une partie de ballon. »[4] Outre la violence du jeu, le développement du football en France est freiné par l’absence de soutien des principales sociétés sportives françaises. La raison de ce refus d’aider le ballon rond se trouve de l’autre côté de la Manche. Là-bas, le football-association vient de devenir professionnel et les dirigeants du sport français redoutent qu’une telle « dérive » survienne également en France…

A suivre...

Sources :

[1]Le Monde Illustré, 14 décembre 1867. [2]Le Siècle, 9 décembre 1877 [3]Le Jockey, 20 décembre 1879. [4]Le Phare de la Loire, 25 octobre 1885.

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