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USA - Angleterre 1950, le plus grand exploit de l'histoire du Mondial ?

En juin 1950, pour leur première Coupe du Monde, les Etats-Unis réussissent l'exploit de battre l'Angleterre, alors toujours considérée comme la meilleure équipe du monde. Retour sur l'une des plus grandes sensations de l'histoire du Mondial.

Le buteur américain Joe Gatjens porté en triomphe. Image : Sofoot.

L'Angleterre relève le défi !


On n'y croyait plus ! En conflit avec la FIFA depuis plus de vingt ans, l'Angleterre, en 1950, décide enfin de participer à une Coupe du Monde de football. Jusqu'ici, sûrs de leur supériorité que leur conférait le titre de "peuple inventeur du football", les Anglais avaient dédaigné le tournoi Mondial, indigne de leur rang selon eux. L'était-il réellement ? Peut-être, car dans les années 30, l'Angleterre avait continué de dominer les meilleurs adversaires : le Wunderteam du génial Sindelar ? Battu 4-3 en décembre 1932. L'Italie championne du monde en titre ? Vaincue 3-2 lors de la mythique "Bataille de Highbury" du 14 novembre 1934. Gonflés à bloc par ces victoires, les Britanniques s'étaient obstinés à ne sortir de leur île que pour quelques démonstrations de football face à quelques nations chanceuses du continent.

En 1950, les choses ont changé. La Coupe du Monde, qui fait son retour après douze années d'absence, est devenu l'événement incontournable du monde du football, celui qui détermine la supériorité d'une nation sur toutes les autres. Isolés depuis trop longtemps, les Anglais, qui voient leur titre de "maîtres du football" remis en cause, veulent prouver au monde entier qu'ils sont toujours les rois du ballon rond en remportant le Mondial 1950 organisé au Brésil. Le retour à la réalité sera brutal.


Sur la réserve


Pour leur premier match dans la plus prestigieuse des compétitions du football, les Anglais sont opposés au Chili, jusqu'ici parent pauvre du football sud-américain loin derrière le Brésil, l'Argentine et l'Uruguay. Sur le papier, la rencontre s'annonce des plus déséquilibrés mais, pendant près d'une heure, le Chili tient le coup. Repoussant énergiquement les attaques anglaises, les chiliens finissent par plier physiquement et encaissent deux buts dans la dernière demi-heure. Les observateurs de la rencontre ne sont pas particulièrement alarmés par la prestation britannique : comme l'écrit le correspondant de L'Equipe, le onze anglais "ne crut pas nécessaire de s'employer à fond".

Dans l'autre rencontre en revanche, l'Espagne, favorite du groupe avec l'Angleterre, s'est fait plus que peur face aux Etats-Unis. Novices dans la compétition et tous semi-amateurs, les Américains ont surpris tout leur monde en ouvrant le score et en gardant leur avantage pendant 80 minutes avant de s'effondrer (1-3). Loin d'être passée inaperçue, leur performance a séduit les brésiliens qui ne cessent de demander des autographes aux joueurs US, passés en quelques semaines de leur statut de professeur en lycée ou conducteur de corbillards à celui de vedettes du football. Toutefois, rien d'inquiétant pour la presse anglaise, le Daily Express estimant même qu'il serait "juste de leur laisser trois buts d'avance !"


Soccer VS football


Le 29 juin 1950, c'est donc une Angleterre confiante qui s'avance sur la pelouse du Stade de l'Indépendance de Belo Horizonte. Après trois jours d'entraînement "très léger", les Britanniques sont parfaitement reposés et sont déterminés à aller tranquillement décrocher une deuxième victoire consécutive. En face, les Américains sont motivés mais sans aucune pression : de leur propre aveu, ils sont venus à la Coupe du Monde pour voire à quoi ressembler le football - ou le soccer, comme ils l'appellent - de haut niveau ! Pourtant, ces "touristes du football" vont étouffer l'Angleterre dès les premières minutes. Trop nonchalants, les Britanniques sont dépassés par la fougue américaine et, à la 38ème minute, l'attaquant Gatjens ouvre le score. Né d'une mère haïtienne et d'un père allemand, Joe Gatjens possède pour particularité de ne pas être citoyen américain. Repéré par le capitaine américain Walter Bahr, Gatjens a effectué sa demande de naturalisation quelques semaines avant le tournoi ce qui lui a permis d'être sélectionné, malgré le fait que le dossier soit encore en cours au moment du Mondial !

Ce but inattendu a au moins le mérite de réveiller les Anglais. Dès le retour des vestiaires, ceux-ci assiègent le but du gardien américain mais la défense US fait preuve d'une abnégation fabuleuse. Elu homme du match, l'arrière central Colombo se montre particulièrement brillant face aux redoutables attaquants britanniques. Toutefois, à la 75ème minute, la défense américaine se fait enfin déborder et concède un pénalty... détourné par Borghi, le gardien américain. L'Angleterre a laissé passer sa chance. Maillot bleu sur les épaules, une couleur qui ne sera plus jamais portée par la suite, les joueurs de la nation mère du football rentrent aux vestiaires la tête basse, groggy. Jules Rimet, président de la FIFA parle alors d'un "accident". C'est en réalité bien plus que cela.


La fin du mythe anglais


Le 30 juin 1950, c'est tout le football anglais qui se réveille avec une immense gueule de bois. Sélectionneur des Three Lions, Walter Winterbottom évoque au lendemain de la rencontre le manque d'efficacité des siens en première période et "le football négatif" pratiqué par les USA en seconde pour justifier la défaite. Pour éviter qu'un tel accident ne se produise plus lors du dernier match face à l'Espagne, la Fédération et Winterbottom décident de réintégrer dans le onze titulaire Stanley Matthews, futur premier Ballon d'Or, écarté jusqu'ici pour un conflit avec les dirigeants du football anglais. Avec le légendaire ailier droit de Stoke City dans leurs rangs, les Britanniques espèrent prendre le meilleur sur des Espagnols vainqueurs 2-0 du Chili lors de la deuxième rencontre. L'espoir sera déçu. Auteurs d'une très belle première mi-temps, les Anglais manquent d'ouvrir le score et se font surprendre à la 48ème minute par un but de Zarra, l'attaquant de Bilbao. Ils ne reviendront pas. Supérieurs techniquement aux Espagnols, les Britanniques restent les maîtres dans la maîtrise du ballon, la construction du jeu. Toutefois, en 1950, le jeu est devenu plus rapide, plus spontané, des paramètres que l'Angleterre n'a pas su assimiler. Sélectionneur heureux, l'ancien entraîneur de la première grande équipe de Bordeaux Benito Diaz peut jubiler : "L'Angleterre, c'est de l'or !" déclare-t-il aux journalistes de L'Equipe venu l'interroger. Côté anglais en revanche, c'est la soupe à la grimace. Stanley Rous, président de la F.A. le concède : "L'Angleterre n'a pas d'excuses". Venue prouver au monde que sa supériorité était toujours intacte, la nation mère du football est éliminée dès le premier tour malgré un groupe plus qu'à sa portée. Le mythe a vécu, les "maîtres du football" ne sont plus.

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