Bien avant la MSN ou la BBC, le Milan AC faisait trembler l'Europe avec son "Gre-No-Li", un formidable trio d'attaquants suédois composé de Gunnar Gren, Gunnar Nordahl et Nils Liedohlm. Retour sur une association qui fit du Milan AC le club mythique qu'il est aujourd'hui.
Les doux rêves de Jacques Mallaud
En cette année 1948, Jacques Mallaud est l'homme du moment du football français. Président du Stade Français, qui évolue en Première Division, il vient de conclure une fusion clinquante entre son club et le mythique Red Star, tout juste relégué en Deuxième Division. Premier président de ce nouveau Stade Français-Red Star, Mallaud veut construire un grand club parisien et se dit prêt à dépenser s'il le faut. En plus des futures recrues, il souhaite s'appuyer sur les valeurs sûres déjà présentes telles que l'ancien international français Fred Aston et, surtout, la "Perle Noire" Larbi Ben Barek. Cependant, ce dernier ne l'entend pas de la même oreille. Après trois saisons passées dans la capitale, Ben Barek cède aux offres mirobolantes venues d'Espagne et s'envole pour l'Atletico Madrid. Alors, pour le remplacer, Mallaud voit les choses en grand et jette son dévolu sur les stars de l'équipe de Suède qui vient de remporter le tournoi olympique à Londres. Trois noms sont particulièrement ciblés par Mallaud : les inters Gunnar Gren et Garvis Carlsson et l'attaquant Gunnar Nordahl. Si la piste Gren est très vite abandonnée, Mallaud fait le forcing pour Nordahl et les négociations sont si proches d'aboutir que L'Humanité n'hésite pas à annoncer un accord total entre les deux parties. Pourtant, si le buteur Suédois est attiré par les conditions financières proposées par le club francilien, d'autant plus qu'en Suède le professionnalisme est interdit, il semble peu convaincu par le challenge sportif. D'après le journal Ce Soir, celui qui compte 43 buts en 33 sélections avec la Suède se serait dit réticent à rejoindre "cette équipe de tocards". Ambiance... Finalement, seul Carlsson rejoindra bien le Stade Français-Red Star mais il repartira six mois plus tard pour s'en aller rejoindre Ben Barek du côté de l'Atletico. Dans l'incapacité d'obtenir de bons résultats en championnat (10ème en 1948-1949 et 16ème en 1949-1950), la fusion entre le Stade Français et le Red Star volera en éclats dès 1950.
Le fair-play de Gianni Agnelli
Tout de même déterminé à quitter la Suède, Gunnar Nordahl continue d'écouter les offres qui viennent à lui après son transfert avorté du côté du Stade Français-Red Star. Parmi elles, la plus séduisante provient de la Juventus Turin, 3ème du dernier championnat d'Italie. Mais à Turin, le président Gianni Agnelli est tourmenté. Quelques semaines plus tôt, il a joué un mauvais tour au Milan AC et éprouve des remords depuis. En effet, alors que les Rossoneri étaient sur le point d'engager le buteur vedette du Danemark Johannes Ploeger, Agnelli avait surenchéri au dernier moment pour arracher au Milan le co-meilleur buteur des derniers J.O. ( à égalité avec Nordahl) Pour se faire pardonner, le président de la Juve va abandonner la piste Nordahl et va diriger celui-ci vers le Milan A.C. L'histoire est en marche.
La légende du Gre-No-Li
Six mois après son arrivée Nordahl a déjà mis tout Milan à ses pieds. Attaquant surpuissant au sujet duquel Liedholm disait qu'il avait "vu des défenseurs se tordre la cheville en essayant de lui casser le tibia", le "Bison" empile les buts et conduit le Milan à la 3ème place du championnat derrière le mythique Grande Torino et l'Inter Milan. Pour parvenir à remporter un titre de champion qui fuit le Milan depuis 1904, Nordahl obtient de ses dirigeants les arrivées de ses deux compatriotes Nils Liedholm et Gunnar Gren. Un trio de légende est née. Entre 1949 et le départ de Gren en 1953, ceux que l'on surnomme le "Gre-No-Li" (pour GREn, NOrdahl, LIedholm) écrasent tout sur leur passage. Combinées ensemble, la finesse technique de Gren et Liedholm et la puissance de Nordahl emmènent le Milan à la seconde place de Série A en 1950 et 1952 et surtout au titre en 1951. Cette année-là, les Rossoneri s'adjugent également la Coupe Latine, tournoi mettant aux prises les champions de France, d'Espagne et du Portugal. En l'espace de seulement quatre ans, le "Gre-No-Li" vient de transformer le Milan AC en un véritable géant d'Europe.
L'après Gre-No-Li
Après le départ de Gunnar Gren en 1953, les trois Suédois vont continuer à empiler les succès. Avec 221 buts inscrits en sept années passées au club, Gunnar Nordahl est encore aujourd'hui le meilleur buteur de l'histoire du Milan AC et le troisième meilleur buteur de l'histoire de la Série A. Son histoire avec la sélection suédois prendra toutefois fin en 1948 puisqu'à cette époque, la Suède refuse de sélectionner des joueurs professionnels. Eux aussi écartés durant de longues années de la sélection, Gunnar Gren et Nils Liedholm reviendront pour un dernier tour d'honneur lors du mondial organisé en Suède en 1958. Pièces maîtresses de l'entrejeu suédois, ils seront des artisans majeurs du fabuleux parcours de leur pays dans la compétition mais ne pourront rien faire face à l'avènement du Roi Pelé en finale. Capitaine de la Suède lors de cette Coupe du Monde, Nils Liedholm sera celui qui connaîtra l'après-carrière le plus brillant. Devenu entraîneur il remportera deux nouveaux Scudetto avec le Milan en 1979 et la Roma en 1983. Mentor d'un certain Carlo Ancelotti qu'il eut comme joueur du côté du Milan, Liedholm sera un des premiers entraîneurs à triompher du catenaccio italien, une belle revanche pour celui qui estimait que le catenaccio n'avait été créé que dans un seul but : contrer la toute puissance offensive du "Gre-No-Li".
Sources
L'Humanité, 9 septembre et 29 septembre 1948
Ce Soir, 24 septembre 1948
L'Equipe, juillet-août 1948
"Nils Liedholm s'en est allé". L'Equipe, 6 novembre 2007
"Gunnar Nordahl, le démolisseur". France Football, 2 février 2021
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