Intrigué par l'omniprésence du surnom de Larbi Ben Barek, Foot Universal a décidé de rechercher les origines de celui-ci. Voici les résultats de notre petite enquête.
Foot Universal mène l'enquête
« El Pibe de Oro », « Zizou », « Pixie », « Stevie G », « le Kaiser »… Dans le monde du football, les surnoms sont légions. Conférant une certaine proximité entre le joueur et les supporters, ils sont également très appréciés par les médias, toujours avides de métaphores grandiloquentes. Impossible par exemple de lire un article sur l’espagnol Fernando Torres sans que celui-ci ne soit mentionné au moins une fois en tant que « El Niño »…
Récemment, Foot Universal évoquait dans un article le passage à l’OM d’Ahmed Ben Bella, futur premier président de la République d’Algérie. Si son seul match sous les couleurs phocéennes ne lui a bien entendu pas donné la renommée nécessaire pour obtenir un surnom, les journaux l’ont tout de même comparé à l'un des plus grands joueurs de l’époque : « la Perle Noire » Larbi Ben Barek.
De nos jours, Ben Barek est surtout reconnu pour avoir été l’idole du « Roi Pelé », qui déclara à son sujet : « Si je suis le roi du football, alors Ben Barek en est le Dieu ». Toutefois, ces dernières années, de nombreux articles ont été consacrés à l’ancien international français, pourtant décédé dans l’anonymat en 1992. Tous ces articles se rejoignent sur un point : l'utilisation du surnom de « Perle Noire » pour désigner Larbi Ben Barek. Intrigués par l’omniprésence de ce sobriquet, nous avons donc mené notre petite enquête pour retrouver ses origines. Et bonne nouvelle, nous y sommes parvenus !
La nouvelle idole du football français
L’histoire du surnom de Ben Barek remonte au mois de janvier 1939. A peine plus de six mois après son arrivée en France du côté de l’OM, l’attaquant marseillais a mis l’Hexagone à ses pieds. Incroyablement doué, ses performances avec le club phocéen lui ont ouvert les portes de l’équipe de France dès décembre 1938 pour un terrible déplacement à Naples afin d’affronter la Squadra Azzura. L’atmosphère de ce match est délétère. Dans un contexte de montées des tensions entre la France et une Italie de Mussolini toujours plus proche de l’Allemagne nazie, « La Marseillaise » est conspuée. Alors qu’il n’a pas la nationalité française (il est marocain), Ben Barek chante l’hymne français à tue-tête pour essayer de couvrir les sifflets, ce qui suscitera l’admiration de la presse française dans les jours qui suivront la rencontre. Cependant, la véritable consécration de Ben Barek en tant que nouvelle idole du public français n’interviendra qu’un peu plus d’un mois plus tard.
En ce 22 janvier 1939, la France reçoit la Pologne pour un match amical. Les français sont annoncés favoris mais doivent se méfier du redoutable Ernest Willimowski, sorte de Robert Lewandowski de l’époque. Six mois plus tôt, celui-ci s'était distingué lors de la Coupe du Monde en France en inscrivant un formidable quadruplé lors de la défaite des siens face au Brésil (6-5). Pourtant, la star polonaise ne sera pas la vedette de ce France - Pologne de janvier 39. Ce jour-là, Willimowski est totalement éclipsé par la classe, la fougue d’un gamin de 21 ans. Avec une insouciance folle, Ben Barek inscrit le premier des quatre buts français et délivre une passe décisive sur le quatrième. Surtout, le public n’a d’yeux que pour ses dribbles chaloupés et les 36 000 personnes présentes au Parc des Princes scandent son nom durant de longues minutes.
Concours de surnoms
Au lendemain de cette démonstration, le journal L’Auto, ancêtre de L’Équipe, organise un concours pour trouver un surnom à Ben Barek, arguant que « tout grand champion sportif a son surnom ». Dans les jours qui suivent, le journal publie l’avancée du sondage et quelques jours avant la fin des résultats, c’est « Caïd » qui arrive en tête juste devant « La Flèche Noire »…
Les résultats définitifs annoncés dans l’édition du 8 février voient finalement « La Perle Noire » coiffer sur le poteau « La Flèche Noire ». Suivent également « La Merveille Noire », « Le Diamant Noir », « Blanche-Neige », tant de surnoms qui montrent l’obsession de l’époque pour la couleur de peau des sportifs... Ce concours organisé par L’Auto montre de façon assez incroyable à quoi a tenu le surnom de Ben Barek, pourtant encore largement utilisé aujourd’hui. Il est amusant de constater que certains surnoms auraient totalement perdu de leur sens au fil du temps tel que « Sindi » qui arrive en troisième position. Aujourd’hui tombé dans un oubli regrettable, ce surnom était celui de l’autrichien Matthias Sindelar, formidable attaquant de l’époque qui venait de trouver la mort, probablement assassiné par les nazis, au moment du concours de L’Auto.
Voir aussi : Larbi Ben Barek - Marcel Cerdan, l'improbable duo d'attaque qui affronta l'équipe de France en 1941.
Sources :
- L'Auto, décembre 1938-janvier 1939.
Comments