Après avoir conquis l’ensemble de l’Europe occidentale, le football va s’implanter peu à peu aux quatre coins du monde. Retour sur la mondialisation du ballon rond.
Football et colonies
Nation-mère du football, l’Angleterre a bien évidemment été la première à développer clubs, sélections et compétitions. En toute logique, elle va aussi être le premier pays à exporter le football à l’étranger. Dans un premier temps, le ballon rond va connaître ses premiers adeptes dans les autres pays du Royaume-Uni puis il va traverser la Manche pour être adopté par les jeunes français, allemands, italiens, espagnols, belges, etc. Toutefois, les Britanniques ne vont pas se contenter d’exporter le football à la seule Europe. Dès les années 1860, des soldats vont ainsi emporter des ballons de football dans les lointaines colonies du Royaume. Ainsi, des territoires éloignés comme l’Inde, la Nouvelle-Zélande ou l’Égypte vont découvrir le football dès la fin du XIXème siècle. S’il est dans un temps uniquement pratiqué par les colons, le jeu issu des public schools anglaises va peu à peu gagner les habitants des colonies. En Afrique, le pays où son développement va être le plus rapide est l’Afrique du Sud. Colonie britannique depuis 1806, la Colonie du Cap, qui regroupe une large part de l’Afrique du Sud actuelle, va être le théâtre des premières parties de football dans cette région du monde. Dès 1860, on commence à se disputer la balle ronde dans des écoles de langue anglaise du Cap. La Football Association n’existant pas encore, le football pratiqué n’est encore qu’un des multiples variants de football existant alors. Après être resté dans les écoles du Cap pendant près de 20 ans, le football va en sortir progressivement, à l’image de ce qu’il s’était déjà passé en Angleterre dès la fin des années 1850. En Afrique du Sud, les premiers clubs voient le jour en 1880 et la Natal Football Association, première fédération dédiée au football, est créée en 1882. Bien entendu, dans un pays déjà gangréné par les discriminations envers les populations noires, cette fédération n’est alors destinée qu’aux blancs. Les Africains vont petit à petit découvrir le ballon rond en observant les matchs entre colons ou, à de rares occasions, lors d’oppositions face à des soldats britanniques.
Le Corinthian F.C., apôtre du football
L’année 1897 marque un véritable tournant dans l’histoire du football sud-africain. Cette année-là, la South African Football Association (S.A.F.A.), créée en 1882, contacte N.L. Jackson, ancien secrétaire adjoint de la F.A. pour organiser une tournée d’une équipe anglaise en Afrique du Sud. Jackson accepte et propose de faire venir un club qu’il a lui-même créé : le F.C. Corinthian. Fondé en 1882, ce onze d’amateurs anglais avait initialement pour objectif de regrouper les meilleurs joueurs anglais pour les préparer aux rencontres internationales. Seulement, depuis l’avènement du professionnalisme en 1885 et du championnat d’Angleterre trois ans plus tard, le but initial des Corinthians n’a plus lieu d’être puisque les meilleurs joueurs anglais sont désormais aux prises chaque semaine dans de véritables compétitions. Demeuré amateur, le club va donc devenir un véritable apôtre du football, disputant des matchs d’exhibition où fair-play et jeu offensif sont de mise. Largement au niveau des équipes professionnelles, ils se permettent même d’infliger à Manchester United la plus large défaite de son histoire (11-3 en 1904). Ce sont donc ces ambassadeurs du beau jeu qui sont envoyés en Afrique du Sud pour défier les équipes locales en 1897. Si les matchs sont totalement déséquilibrés (les Corinthians remportent 21 matchs et ne concèdent que 2 nuls), la tournée est un véritable succès populaire. Jouant régulièrement devant plusieurs milliers de spectateurs, le FC Corinthian fait des émules et participe pleinement à la popularisation du football en Afrique du Sud. Deux ans après cette tournée, ce sera cette fois au tour d’une équipe composée de Noirs Sud-Africains de partir en tournée en Europe. Là-bas, ils connaîtront à la fois les grandes soirées en leur honneur et les clichés et caricatures racistes caractéristiques de l’époque. Sur le terrain, les Sud-Africains subissent la loi des équipes du Vieux Continent et ne remportent qu’une seule victoire en 47 rencontres. Le nom de l’adversaire vaincu ? Le Sporting Club de Tourcoing, seul club français à affronter le onze venu d’Afrique. Cocorico comme on dit !
A la conquête de l’Amérique du Sud !
Éloignons-nous maintenant de l’Afrique du Sud et retrouvons nos Corinthians anglais. Au début des années 1890, ils comptent dans leurs rangs un joueur un peu particulier. Nommé Charles Miller, celui-ci détient une double nationalité peu banale : il est écossais par son père et brésilien par son lieu de naissance, São Paulo. Envoyé en Angleterre en 1884 alors qu’il n’est âgé que de 10 ans, il fait ses études à la Banister Court Public School de Southampton. C’est là-bas qu’il découvre le football qu’il continue de pratiquer par la suite du côté du FC Corinthian. Après des années d’exil, il fait son retour dans son pays natal en 1895. Dans ses valises, des ballons de football embarqués pour disputer des matchs avec ses amis britanniques restés au Brésil. Une fois encore, les observateurs de ces rencontres vont être intrigués par ce nouveau sport et vont s’y essayer. Charles Miller et ses amis ne le savent pas encore mais ces quelques rencontres disputées à São Paulo changeront à jamais l’histoire du Brésil qui deviendra par la suite le « pays du football ». S’étant rapidement pris au jeu, les Brésiliens se structurent rapidement. Dès 1902, le championnat de São Paulo voit le jour et est remporté par le São Paulo Athletic Club dont l’attaquant vedette n’est autre que Charles Miller lui-même. Le début du XXème siècle est marqué par l’apparition des futurs géants du football brésilien : Fluminense (1902), Santos FC (1912), Flamengo (1912 pour la section football du club), Palmeiras (1914) et bien sûr le SC Corinthians. Fondé en 1910 par des ouvriers, ce géant de São Paulo prend le nom des mythiques anglais venus faire une tournée en Amérique du Sud quelques semaines auparavant. Une fois encore, le onze formé par N.L. Jackson près de 30 ans auparavant joue à merveille son rôle d’ambassadeur du football. En plus du Brésil et de l’Afrique du Sud, les Corinthians se déplacèrent en France, en Hongrie, en Autriche, en Belgique, en Hollande, au Canada, aux États-Unis, en Scandinavie, en Allemagne, en Suisse, en République Tchèque et en Espagne ! Toutefois, au moment des tournées des Corinthians, tous ces pays connaissaient déjà le football. Le rôle des amateurs anglais était donc de le populariser et non de l’implanter. Si l’on prend l’Amérique du Sud, à l’image de Miller pour le Brésil, le football a été importé par des Britanniques de passage ou partis vivre définitivement dans la région. En Argentine et en Uruguay par exemple, ce sont des ouvriers britanniques travaillant dans la mise en place de réseaux ferrés qui importent le ballon rond pour la première fois.
Le football et la première mondialisation
A l’arrivée, la diffusion du football a donc été rendue possible par la première mondialisation de la fin du XIXème siècle. Avec la modernisation des moyens de communication et de transport, notamment le train et le bateau, les déplacements à l’international ont été facilités. Grâce à ces améliorations, le commerce à l’international a pu se développer, notamment entre l’Europe et l’Amérique. Pour la première fois, des entreprises du Vieux Continent vont également se développer de l’autre côté de l’Atlantique, emmenant avec elles de nombreux ouvriers. Débarqués dans le Nouveau Monde avec leur propre culture et leurs propres jeux, ces ouvriers vont les faire découvrir aux autochtones qui vont rapidement les adopter. Pour l’Afrique et l’Asie, le constat est légèrement différent puisque les déplacements des Britanniques vont surtout être en lien avec l’expansion coloniale de l’époque. Toutefois, quelque soit le moyen par lequel il ait été importé, on peut estimer qu’à la veille de la Première Guerre Mondiale, un match de football a déjà été disputé dans la quasi-totalité des pays du monde. Encore quelques années et son statut de sport le plus populaire de la planète ne pourra plus lui être contesté…
A suivre…
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