Retour sur le destin hors du commun de Matthias Sindelar, l'incroyable meneur de jeu du "Wunderteam" autrichien au cours des années 30...
Les années Wunderteam
Nous sommes à la fin des années 1920. Le football, désormais parfaitement implanté en Europe termine sa première période de croissance. Bientôt, la première Coupe du Monde organisée en 1930 en Uruguay, fera entrer le ballon rond dans une autre dimension, mais, en attendant, les sélections nationales doivent se contenter de matchs amicaux. Si ces rencontres n'ont pas d'autre enjeu que le prestige d'obtenir une victoire pour son pays, elles sont tout de même de véritables événements. Forte de son statut de nation-mère du football, l'Angleterre est considérée comme la meilleure sélection nationale et ses rencontres attirent les observateurs du monde entier. Pourtant dans cette période de l'entre-deux-guerres, une équipe fantastique va venir rivaliser avec les maîtres du jeu anglais : le "Wunderteam" autrichien. Sous les ordres du charismatique Hugo Meisl, cette sélection ne s'inclinera qu'à trois reprises entre 1930 et 1934 et déploiera un jeu tel qu'on en n'avait encore jamais vu. En 1940, Pierre Gosset, journaliste du quotidien sportif L'Auto, se souvient de ce onze légendaire avec émotion. Il écrit : "J'ai la conviction profonde que jamais on n'a aussi bien joué au football et que peut-être jamais on ne jouera aussi bien que l'a fait la "Wunderteam" dans ses jours d'inspiration."
La démonstration de Wembley
Le chef d'orchestre de cette équipe se nomme Matthias Sindelar. Du haut de son mètre soixante, "Sindy" compense son petit gabarit par une technique et un sens du but largement au-dessus de la moyenne. En 1932, il offre un récital au public de Wembley lors d'un match mythique entre l'Angleterre et l'Autriche (victoire 4-3 des anglais) et met toute l'Europe du football dans sa poche. Bourreau de l'équipe de France en 1/8ème de finale de la Coupe du Monde 1934 en Italie, Sindelar voit son rêve de consécration brisé en demi-finale face au pays hôte. Devant son public, la Squadra de Mussolini ne peut pas perdre. Pour compenser leur déficit technique par rapport à leurs adversaires, les italiens peuvent compter sur l'arbitre de la rencontre qui les favorise de façon outrancière. A l'arrivée, les italiens l'emportent 1-0 et filent vers leur première finale de Coupe du Monde; finale qu'ils remporteront quelques jours plus tard. Pour la première fois, Sindelar fait l'amère expérience du pouvoir des dictatures.
La revanche de l'homme de papier
Quatre ans plus tard, bien qu'âgé de 35 ans, Sindy est toujours la vedette de sa sélection nationale. Mais les temps sont durs. Au début de l'année 1938, Hitler annexe l'Autriche et, pour "fêter cette réunion", un match amical est organisé entre le Reich et la sélection autrichienne, vouée ensuite à disparaître. Alors qu'un score nul avait été ordonné par les nazis, Sindelar n'est pas de cet avis et conduit son équipe à la victoire (2-0). Auteur du premier but des siens, Sindy ne se prive pas pour aller célébrer au pied de la tribune des officiels allemands... Malgré l'affront, les nazis veulent tout de même enrôler Sindelar dans l'équipe du Reich qui participera au mondial 1938 en France. Avec un tel avant-centre dans ses rangs, la sélection allemande deviendrait un prétendant sérieux à la victoire finale. Prétextant une blessure, celui que l'on surnomme "l'homme de papier" refuse.
Comment tombe une légende
En faisant ainsi face aux nazis, le Mozart du foot autrichien signe peut-être son arrêt de mort. Le 23 janvier 1939, il est retrouvé asphyxié au gaz avec sa maîtresse dans une chambre de Vienne. Si la thèse du suicide est dans un premier temps avancé, l'hypothèse d'un assassinat est plus que probable. Pour ses obsèques quelques jours plus tard, plus de 15 000 compatriotes se presseront pour dire un dernier au revoir à celui qui reste, encore aujourd'hui, le plus grand joueur de leur histoire
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